Interview / Coulibaly Alimata (promotrice agro-alimentaire) : ''Avec 5000 FCFA, je suis devenue directrice d'une semi-industrie''


Coulilably Alimata Matou appelle les Africains à consommer leurs produits locaux.
  • Source: Linfodrome
  • Date: jeu. 08 mai 2014
  • Visites: 4631
  • Commentaires: 9
Promotrice agro-alimentaire engagée dans la valorisation des aliments locaux d'Afrique, Coulibaly Alimata Matou est la directrice de l'entreprise Les Précuits GLP, une entreprise de transformation des produits vivriers. Rencontrée le jeudi 1er mai 2014, elle nous livre son parcours et ses ambitions pour les populations africaines, en particulier celles de son pays la Côte d'Ivoire. Interview à lire.

Comment vous est venue l'idée d'investir dans ce domaine ?

C'est une longue histoire. C'est ma mère qui est l'initiatrice de ce projet. Depuis que nous étions tout-petits, on la voyait faire le séchage des céréales, les granulés pour la bouillie de mil, la farine de maïs pour faire son cabato (bouillie de farine de maïs) parce qu'elle n'en achetait jamais sur le marché. Et quand nous voyagions à l'extérieur du pays pour nos études, elle nous remettait de petits sachets de produits séchés telles que les aubergines. J'ai remarqué que malgré le nombre d'années que nous passions hors du pays, les grains demeuraient intacts. En fait, c'est un début de conservation qui était mise en place par le séchage. Après mon baccalauréat, j'ai été orientée en chimie-biologie à l'Université d'Abidjan, et ça ne fait que conforter mon idée de continuer ce que ma mère faisait. J'ai donc appris d'une manière culturelle, et fort de mes connaissances scientifiques, j'ai repris en main ce que faisait ma mère, avec le soutien de ma sœur aînée qui m'a persuadée de perpétuer l'œuvre.

 Concrètement, quand est-ce que vous avez mis ce projet en place ?

Après plusieurs années d'exercice dans une entreprise privée, j'ai démissionnée et je me suis mise à faire du yaourt, de façon manuelle. J'ai compris que le yaourt et le dêguê (semoules de mil au lait) prêts à consommer, c'était de l'argent rapide. or le séchage qui tend vers l'industrialisation allait être plus long à faire accepter, et j'avais besoin d'argent frais pour me prendre en charge. J'ai donc commencé par les produits frais et j'arrivais à vendre jusqu'à 35.000 Fcfa de yaourt par jour et j'employais deux dames. J'ai compris que ce que les gens appellent le petit métier, on y gagne de l'argent lorsqu'on s'y accroche. Concrètement, tout a commencé un jour quand ma soeur aînée et moi avions rendu visite à notre mère. Elle s'est plainte auprès de ma mère que je refusais de perpétuer son métier. Sur le champ, ma mère remet la somme de 5.000 Fcfa, je dis bien 5.000 Fcfa, à la fille de ménage pour que l'on achète des grains de maïs et de mil car, disait-elle, « nous allons commencer l'activité de Matou ». Comment donc sécher de façon moderne ces semoules qu'elle venait de faire? Ma grande sœur me répond que c'est moi la scientifique, à moi donc de trouver. J'ai alors fait trois tas d'échantillon de ces grains que j'ai passés au four de ma cuisine. Le premier a totalement cramé, le second s'est amélioré, et le dernier a réussi. C'est ainsi qu'est parti le projet de transformation des céréales et autres produits vivriers de Côte d'Ivoire pour une réelle industrialisation de nos aliments africains.

A ce jour, à quel niveau de l'industrialisation êtes-vous ?

C'est un long processus. Nous avons commencé avec 5.000 Fcfa, puis nous avons investi 50.000 Fcfa, après 100.000 Fcfa, et ainsi de suite. En fait, il faut commencer petit et, suivant l'évolution et l'acceptation par la population du projet que vous leur apporter, vous êtes encouragée à aller de l'avant. On ne peut pas investir à fond parce l'industrialisation comporte beaucoup de risques, surtout quand c'est un nouveau produit. Il y a aussi que nous n'avons pas de fonds de roulement pour commencer. Donc on y va doucement. Aujourd'hui, nous avons l'opportunité de bénéficier de certains projets pour nous accompagner dans la réelle industrialisation.

Donc vous avez une unité industrielle de transformation vos produits.

J'ai une unité semi industrielle parce que l'industrielle, c'est l'étape finale. Il faut y aller pas à pas. Avant d'y arriver, il faut maîtriser tous les process, tous les contours du projet avant de se lancer dans une réelle industrialisation. Mais, je sais que nous allons vers cette industrialisation. Quels sont les produits ivoiriens que vous transformez Nous transformons les céréales en granulés de mil pour la bouillie de mil que l'ivoirien affectionne tant. Il est remarqué que les matins et à 16h, le soir, c'est la bouillie de mil que les gens achètent dans les rues de Côte d'Ivoire. Avec nos granulés, au lieu de deux jours de travail, vous avez en dix minutes votre bouillie de mil, de maïs ou de riz que vous pouvez assaisonner à votre goût pour la consommation. C'est donc un gain de temps pour tous.

Il n'est pas réservé seulement qu'aux enfants ?

Tout le monde peut consommer. Dans la transformation et la conservation, on n'a fait que tirer l'eau. Il n'y a aucun apport chimique. Quand la bouillie est préparée, vous avez les mêmes vertus nutritionnelles, les mêmes goûts organoleptiques, rien ne change. Vous ne sauriez pas faire de différence entre une bouillie fait de farine fraîche et une autre faite de granulés de mil, si on ne vous le dit. A côté de cela, nous faisons de la farine enrichie.

Comment vos produits sont-ils accueillis par les consommateurs ivoiriens ?

Ils sont accueillis favorablement par la population, depuis 2006 où nos premiers produits sont vendus dans les supermarchés. Vu qu'ils offrent un gain de temps énorme et une conservation de nos produits locaux. Cette conservation va permettre de tirer la production des planteurs qui sont freinés dans leur activité parce qu'ils ne savent pas ou vendre. Avec ces unités, nous allons acheter les produits vivriers et le planteur peut produire de plus en plus parce qu'il a un débouché sûr. Les bailleurs de fonds l'ont également bien accueilli. La preuve, ils n'hésitent pas à nous donner des financements pour nous aider à avancer.

Vous avez animé une conférence sur le sujet à Investir en Côte d'Ivoire (ICI) 2014.

Que vous a apporté votre participation à ce forum ? Ici 2014 a été bénéfique pour moi, parce que participer à ce genre de panel mondial offre une grande ouverture. Ma participation a été incitée par une consultante qui exerce en Inde, où elle a consommé nos produits. Elle m'a appelée pour demander que je puisse donner ma vision de la transformation et la conservation des produits vivriers en Côte d'Ivoire, spécialement les fruits et légumes. Cela m'a conforté davantage dans mon projet. Je suis en Côte d'Ivoire, jamais été en Inde, mais nos produits y sont allés, consommés par des Européens, car cette femme est Européenne. Être déjà panéliste dans un forum tel que ICI, ça veut dire qu'il faut continuer dans ton oeuvre et ne pas hésiter.

Vous aviez également participé au SIAC, au Cameroun, où vous avez annoncé la création d'une représentation de votre structure. Où en êtes-vous avec ce projet ?

Nous sommes en pourparlers avec un opérateur économique du Cameroun qui nous a approchée, mais il faut pouvoir bien discuter. Le financement coince de ce côté-là, or nous ne souhaiterions pas envoyer les produits des artisans de Côte d'Ivoire, sans avoir été auparavant payés. C'est ce qui bloque. L'artisan camerounais cherche son financement, et on espère qu'il réussira. Sinon, nous entrerons en pourparlers avec un autre parce qu'ils étaient nombreux à nous approcher au Salon Internationale de l'Artisanat du Cameroun où nous avons représenté la Côte d'Ivoire, avec les produits du Centre, du Sud, du Nord, de l'Est, en fait de tous les artisans de Côte d'Ivoire. Et nous avons bien vendu.

Quelle est la situation des opérateurs économiques qui exercent dans le secteur informel en Côte d'Ivoire ?

Le secteur brasse le plus d'entreprises, parce que je les appelle des entrepreneurs. J'ai dit que si ces personnes dans le secteur informel arrivaient à formaliser leurs activités, la Côte d'Ivoire aurait des milliers d'entreprises et créerait plusieurs milliers d'emplois. Mais qu'est-ce qui freine ? Voyez-vous, si je suis dans l'informel et que je gagne cinq millions par mois, je suis à l'aise. Je peux m'y conforter. Mais dès que je formalise mon activité avec les cinq millions, ce je gagne va être réduit du fait du paiement des impôts et d'autres taxes. Et s'il arrive un mois où je connais des difficultés, les Impôts viennent quand même et font des menaces. Dans ce cas, si je gagne cinq millions dans mon informel, j'y demeure. Quelle proposition ai-je eu à faire au Cameroun, parce que ce sont les mêmes problèmes en Afrique. J'ai proposé qu'on facilite le passage du secteur informel à la formalisation de nos activités.

Dites-le nous!

Il faut encourager et faciliter ce passage. Lorsqu'un entrepreneur de l'informel se décide d'aller vers la formalisation de son activité, il ne faut pas le bloquer par les impôts. Je dirais qu'il faut lui laisser cinq ans de battement et lui donner tous les renseignements possibles. Parce que, qu'est-ce que nous voyons au niveau des Impôts. Quand tu veux formaliser ton activité, tu dois remplir la DFE, et quand tu viens retirer cette DFE, les Impôts ne te diront pas qu'il faut revenir rapidement souscrire pour qu'on puisse te montrer ce que tu dois payer. Pour celui qui est dans l'informel et qui a retiré sa DFE, il attend que les Impôts viennent v (...)

Lire la suite sur Linfodrome


entrepreneur Côte d'Ivoire monde économiques consommation secteur consommateurs entreprises don Abidjan Afrique projet riz production nutritionnelle céréales produits vivriers Salon enseignement fonds produits locaux Invest livre jeu Cameroun baccalauréat emplois Euro ivoiriens formation 1er mai




Educarriere sur Facebook