Interview / Lancina Bamba, directeur général du Fonds national de la jeunesse (FNJ) : ''Comment bénéficier du Fonds national de la Jeunesse''

  • Source: Le Patriote
  • Date: vend. 21 mars 2014
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Lancina Bamba est le Directeur général du Fonds National de la Jeunesse (FNJ). Après un an d'activité, il fait dans cet entretien, le bilan de ses actions à la tête de cette structure, aborde également les perspectives du FNJ. Tout en invitant les jeunes à soumettre leurs projets, il leur livre les conditions d'éligibilité à ce fonds.

Le Patriote : Cela fait un an que vous êtes à la tête du FNJ. Que peut-on retenir ?

Bamba  Lancina : Le bilan est positif. Il est satisfaisant. On aurait voulu faire plus car les attentes des jeunes sont énormes et nous avons le devoir de les combler dans leur totalité.  Le Fonds National de la Jeunesse qui a été réactivé en octobre 2012 a démarré effectivement ses activités en janvier  2013. Cela, après la mise en place, au mois d'avril, des différentes entités comme la Direction générale, les organes financiers, les agents comptables, le contrôleur budgétaire. Ainsi, d'avril à décembre, on a pu financer 51 projets pour 1171 emplois directs et un peu plus de 3500 induits. Soit un total de 5000 emplois créés. Il faut indiquer que pour toute structure de cette nature comme le FNJ qui se met en place, généralement,  la première année est consacrée à la mise en place de cet organisme. Mais le FNJ, avec des personnes expérimentées  en son sein, né dans un contexte d'accélération des défis que le président de la République Alassane Ouattara  veut relever,  n'avait pas le droit de traîner les pieds.

 

LP : Quels sont les différents types de projets que vous financez ?

LB : Nous finançons tout type de projet. Dès l'instant où un projet a les caractéristiques de générer des emplois pour les jeunes qui le portent et pour d'autres jeunes, lorsque le projet peut permettre de rembourser les prêts accordés par la banque partenaire auprès de laquelle nous mettons notre garantie et peut créer des richesses, c'est-à-dire de la valeur ajoutée, le FNJ le finance, quel que soit le secteur d'activité.  Nous avons déterminé 25 secteurs d'activité qui recouvrent un temps soit peu l'ensemble des activités économiques de la Côte d'Ivoire. Qui part de l'agro-pastoral  en passant par les Tics, le commerce, l'industrie et les services. Toute sorte d'activité susceptible de créer des emplois est financée par  et accompagnée par le FNJ. Y compris les activités dans le domaine de la culture.

 

LP : Quel est le secteur d'activité le plus sollicité ?

LB : Le secteur dans lequel les jeunes nous sollicitent  le plus, est celui de l'agro-pastoral. Toutes les études ont démontré que ce secteur est le plus viable, le plus sûr. C'est le secteur qui est à même de créer des emplois durables et en masse. Il représente plus de 56% des sollicitations des jeunes.  C'est vers ce secteur que nous orientons les jeunes. La Côte d'Ivoire, comme vous le savez, est un pays à majorité agricole. Elle possède d'énormes potentialités dans ce domaine. En dehors de cela, je dirais que tous les secteurs d'activités sont pris en compte par le FNJ. Parce que nous avons justement pour mission  de créer des emplois pour les jeunes, de traduire l'aspiration, le rêve des jeunes en réalité. Nous donnons forme à leurs projets en leur apportant des financements. Nous ne faisons pas de discrimination de secteur d'activités dès l'instant où le secteur peut générer des emplois.

 

LP : Qui peut bénéficier du financement du FNJ ?

LB : Tous les jeunes de Côte d'Ivoire peuvent bénéficier de l'accompagnement  et du financement du FNJ. Tous les jeunes en âge de contracter. C'est-à-dire les jeunes dont l'âge est compris  entre 21 et 35 ans pour ce qui est des financements des projets. Et ceux de 16 à 35 ans pour les autres activités. Il faut indiquer que le FNJ a pour mission de créer des emplois formels pour les jeunes, quel que soit le secteur d'activité. Nous aidons les jeunes à créer des  activités formelles. Il s'agit pour nous, de constituer de véritables entreprises ou de groupement coopératif, des entités  dotées d'une personnalité morale qui ont un compte bancaire.  Cela s'impose à nous. La Côte d'Ivoire qui sera un pays émergent comme le souhaite le président de la République Alassane Ouattara, doit sortir de l'informel.  Les jeunes sont la couche la plus importante du gouvernement. Aussi décaisse-t-il beaucoup d'argent pour les sortir du désœuvrement. Ils doivent donc prendre toute leur place dans le processus de développement de la Côte d'Ivoire.  Ils doivent contribuer à la création de la richesse nationale. Les ressources mises à leur disposition, vont créer des emplois  qui leur permettront de contribuer à la richesse nationale à travers leurs entreprises formelles. Qui, il faut le souligner, élargissent la recette fiscale parce qu'ils payent des taxes, des impôts. Tous les jeunes de 16 à 35 bénéficient donc de notre accompagnement  à travers nos programmes communautaires.  Nous avons aussi pour mission d'éduquer. Vous savez que la Côte d'Ivoire a connu beaucoup de turbulence ces dernières années. Les jeunes étaient en perte de repère moral. Il s'agit donc de les réarmer moralement, de faire d'eux des citoyens nouveaux. Le FNJ, en plus de sa mission de financement des projets, a aussi pour mission de réapprendre aux jeunes de la Côte d'Ivoire, à vivre ensemble. Le FNJ va leur inculquer  les valeurs civiques et morales, le respect de l'autorité, des institutions, du travail, des aînés. On leur apprend aussi à se mettre au service de la communauté, à travers des  programmes de volontariat, de bénévolat. C'est-à-dire, offrir à ceux qui en ont besoin, ce que la nation leur a apporté comme soutien.

 

LP : Y a-t-il un suivi des projets ?

LB : Le FNJ, il faut le rappeler, est une création en 1992, du Premier ministre Alassane Ouattara. Après, le fonds est resté dans une certaine léthargie. Il y a eu beaucoup d'autres initiatives, notamment  les fonds sociaux, le fonds national de la solidarité. Beaucoup d'initiatives ont été prises  par les différents gouvernements pour la  création d'emplois  des jeunes. Il y a eu quelques ratés et difficultés. Le FNJ se sert donc des insuffisances du passé. Il est prouvé que l'une des difficultés majeures dans ce type d'activité d'accompagnement de la jeunesse,   c'est le suivi.  Nous mettons un point d'honneur sur les activités que nous finançons en faveur des jeunes. Nous avons plusieurs rideaux de contrôle des projets des jeunes. Nous avons des agents d'encadrement du FNJ, des conseillers en gestion de projet qui sont rémunérés sur le projet. Nous avons les directeurs départementaux et régionaux  du ministère sur le terrain. Ces trois  rideaux internes au ministère de la jeunesse et au FNJ suivent le projet, en plus des agents d'encadrement de la banque partenaire.  Nous travaillons en partenariat avec les structures bancaires et le comité de suivi des collectivités territoriales. Parce que la plupart des projets que nous mettons en place sont  faits en relation avec les mairies et les conseils régionaux. Les jeunes sont suivis par au moins  cinq rideaux pour les empêcher de dilapider les ressources mises à leur disposition. Nous tirons les leçons des initiatives passées afin  de réduire au maximum les risques  de détournement des ressources. C'est pour cette raison que le FNJ ne remet pas l'argent aux bénéficiaires. Il s'agit de donner forme à leur projet à travers la mise à disposition de production. Les bénéficiaires n'ont accès qu'à des ressources très limitées qui sont destinées au renouvellement de stock ou pour les salaires qui leurs sont versés dans le cadre de l'exploitation de leurs projets.

 

LP : Les jeunes se bousculent-ils aux portes du FNJ ?

LB : Effectivement ! A preuve, en une année d'existence, c'est près de mille projets individuels ainsi que des dizaines de projets collectifs qui ont été déposés auprès du FNJ.  C'est aussi la preuve que nous sommes connus par notre cible. Mais nous entendons nous faire connaître davantage. Il s'agit d'expliquer aux jeunes, les mécanismes d'accès au financement du FNJ.

 

LP : Quelles sont les actions que  vous menez  pour faire connaître ces mécanismes ?

LP : Nous  organisons des sessions. Les tournées que nous effectuons sont mises à profit pour présenter notre dispositif opérationnel et nos conditions de financement des projets. Les canaux comme la presse participent à cela.

 

LP : Quels sont les critères de financement  d'un projet ?

LB : Il s'agit de la rentabilité, la viabilité et la capacité du projet à créer de l'emploi. C'est ce qui détermine son accompagnement par le FNJ.

 

LP : Combien de temps faut-il pour financer un projet ?

LB : De façon pratique, le FNJ met 21 jours ouvrables pour structurer un projet, jusqu'au comité de crédit. Nous sommes en mesure de mettre en place un financement entre 45 et 60 jours maximum quand le projet est bien monté, bien ficelé  et irréprochable.  Et tout cela se fait avec le concours de son partenaire bancaire.

 

LP : Vos partenaires sont seulement des nationaux ?

LB : Nous avons des partenaires nationaux  et extérieurs. Nous sommes dans la dynamique d'élargissement de nos partenaires pour répondre aux attentes des jeunes en matière de financement de projet.

 

LP : Comment se font les souscriptions ?

LB : Les jeunes n'ont pas besoin de se rendre dans nos locaux pour déposer leurs projets. Ils peuvent le faire en ligne. Le jeune peut, à partir de n'importe quelle région, nous soumettre son projet en ligne, sans se déplacer. Il ne vient dans nos locaux que quand c'est nécessaire.

 

LP : Certains jeunes soutiennent ne pas avoir de suite favorable après le dépôt de leurs dossiers ?

LB : Tout est une question de viabilité du projet, de sa rentabilité.  Ce n'est pas toujours que les jeunes savent monter des projets. Les jeunes doivent savoir que lorsqu'ils déposent un projet au FNJ, il ne passe pas comme une  lettre à la poste. Il est étudié, redimensionné pour le rendre viable afin de le rendre finançable. Il s'agit des ressources mises  à leur disposition et qui doivent être remboursées. Un projet irréprochable est financé dans un délai maximum de 60 jours. Les projets sont amendés et nous faisons des remarques  au quotidien. C'est ce qui explique qu'un projet peut mettre du temps avant d'être financé.

 

LP : Vous avez effectué des visites dans certaines villes de l'intérieur. A quoi cela répond ?

LB : Les missions que nous effectuons à l'intérieur du pays ont pour objectif de rapprocher le FNJ de sa cible. Ces missions nous ont permis d'évaluer, sur le terrain, le travail déjà effectué. Elles nous permettent aussi de faire le suivi des projets déjà installés dans les localités visitées.  C'est également une occasion pour nous de rencontrer les collectivités locales avec qui nous travaillons en étroite collaboration. Nous travaillons à créer des projets collectifs  clés en main. Et comme vous le savez, les jeunes ont un souci commun,  celui de travailler.  Il y en a qui ont la capacité de montage  de projets de création d'entreprise. Ils veulent être autonomes, des managers. Vous avez  ceux qui demandent à travailler. Le FNJ se donne  les moyens de les prendre en charge parce que leur besoin commun, c'est le travail. Nous mettons l'accent sur les projets collectifs parce qu'ils comportent moins de risques de sinistralité.  Ces projets nous permettent donc de nous appuyer sur les potentialités locales que les élus locaux connaissent mieux pour pouvoir encadrer leurs jeunesses dans le cadre de projets collectifs et qui sont un creuset de cohésion sociale. Je l'ai  dit tantôt, nous avons aussi pour mission de faire la promotion du  vivre ensemble. Nous regroupons les jeunes autour de la valeur du travail, autour des projets collectifs qui ont cette capacité de créer des projets pérennes et en masse. Pour ce faire, nous avons un certain nombre de projets structurants clé en main qui sont déjà prêts à être mis en ?uvre en faveur des jeunes.  Notre tournée visait justement à évaluer  ces projets que nous avons installés dans le secteur agricole, notamment  dans la production et la transformation de riz, le maraîcher  classique et la culture hors sol dont nous entendons faire faire la promotion dans certaines localités.

 

LP : Un projet collectif doit-il comporter combien de personnes ?

LB : 50 à 200 personnes. Nous mettons l'accent sur les projets collectifs qui ont plus de chance d'aboutir même si un promoteur est défaillant. Nous utilisons les ressources de façon rationnelle.  C'est pourquoi les projets collectifs bénéficient d'une plus grande attention de notre part. Les ressources sont certes disponibles mais il faut les utiliser de façon efficiente.

 

LP : Quel peut être l'apport des collectivités dans la réussite de votre mission ?

LB : L'apport des collectivités est très important. Connaissant mieux les réalités et les potentialités locales, elles nous aident à encadrer les jeunes, à suivre les projets que le gouvernement, à travers le FNJ, met en place en faveur des jeunes. Elles nous aident aussi à formaliser les groupements de jeunes. Les collectivités locales aident donc à regrouper les jeunes, aider les jeunes à constituer les différents groupements. Elles mettent aussi à la disposition du FNJ, les espaces d'implantation des projets. Elles peuvent nous aider à suivre quotidiennement l'exploitation de ces espaces.  La politique du président de la République est une politique inclusive. Elle met au centre, la jeunesse, l'emploi-jeunes. Tous les élus ont promis de l'emploi aux jeunes. Le FNJ qui a vocation de créer des emplois  ne peut qu'aller dans le sens de la mutualisation des ressources et des moyens, avec les collectivités. Nous attendons un concours d'encadrement et de mise à disposition  d'espace et de suivi conjoint des projets que nous mettons en place en faveur des jeunes.

 

LP : Y  a-t-il une zone où excellent plus de demandeurs de projets ?

LB : Toutes les zones  nous sollicitent. La plus forte concentration des projets, surtout collectifs, viennent des zones Centre, Nord et Ouest. Cela se comprend aisément. Ce sont des zones qui ont payé un lourd tribut aux différentes crises qu'a connues le pays. Les besoins sont donc énormes dans ces zones. Nous avons beaucoup de sollicitation des collectivités de ces zones-là. Au Sud, la plupart des projets que nous recevons sont des projets individuels.

 

LP : Le FNJ a-t-il les moyens de financer les milliers de projets ?

LB : Oui, le FNJ a les moyens de financer les projets. Le gouvernement de Côte d'Ivoire a les moyens de financer les projets. Le président de la République a, dans son programme, une vision forte en faveur des jeunes de la Côte d'Ivoire.  Tous les ministères techniques sont focalisés sur la création d'emploi pour les jeunes. Les ressources sont mises à la disposition de tous ces ministères pour répondre efficacement aux sollicitations des jeunes. Le FNJ a les ressources qu'il faut pour faire face aux sollicitations des jeunes.

 

LP : Les financements des projets sont ils  conditionnés par l'obtention de la carte jeune ?

LB : La carte jeune n'est pas créée  par rapport au fonds. Sa création est plus ancienne que la réactivation du FNJ. Mais il est important de l'avoir car c'est un instrument d'indentification des jeunes. En Côte d'Ivoire, les jeunes sont les personnes dont l'âge varie entre 16 et 35 ans. C'est un instrument qui offre beaucoup davantage aux détenteurs. Elle donne la possibilité d'accès aux biens et services, à la formation et la santé, au financement de projet, aux formations, etc. Les prestations du FNJ font partie des avantages qu'offre la carte jeune.  C'est un outil de valorisation des jeunes. Ceux qui possèdent cette carte bénéficient  de certains privilèges.

 

LP : 5000 FCFA est le coût de la carte jeune. Est-elle à la portée de ces jeunes ?

LB : Les jeunes de Côte d'Ivoire sont assez responsables. La carte ne coûte que 5000 FCFA. Avec les avantages qu'elle offre, je ne crois pas que  c'est cher payé. Je l'ai dit, elle n'est pas  liée exclusivement au fonds. J'invite les jeunes à l'avoir car elle offre un éventail d'avantages.

 

LP : Pour l'année 2014, combien de projet comptez vous financer ?

LB : Cette année nous comptons financer 200 projets individuels et 15 projets structurants clé en main collectifs, pour une prévision de 10.000 emplois. Le Fonds National de la Jeunesse, pensé par le chef de l'Etat,  est un mécanisme destiné à tous les jeunes, sans distinction, et quel que soit leur niveau d'études.                                    

 

Réalisée  par Zana Coulibaly




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