Interview exclusive / Avant le vote de la nouvelle Constitution, un cadre du PDCI révèle : « C'est Bédié qui sera nommé premier vice-Président de l'histoire de la République de Côte d'Ivoire »


Séraphin Yao Kouamé. (Photo d'archives)
  • Source: linfodrome.com
  • Date: lun. 03 oct. 2016
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Enarque, juriste, économiste, financier, spécialiste en management et Gouvernance, Séraphin Yao Kouamé est Administrateur principal des Services Financiers. Chroniqueur politique, chercheur en science politique et homme politique engagé, le jeune maire de la commune de Brobo a été l'un des premiers à se prononcer, dans le franc-parler qu'on lui connaît, sur la question de la nouvelle Constitution, avant même qu'elle ne devienne officiellement un projet. Il nous livre ici son avis sur l'actualité politique du moment, notamment l'avant-projet de Constitution et les élections à venir.

Quel commentaire général faites-vous sur le projet de nouvelle Constitution ?

Nous parlons-là de la Loi fondamentale de la République. C'est une question d'une importance majeure et vitale. Je suis donc heureux de constater l'intérêt qu'elle suscite chez les Ivoiriens de tous bords. Que son opportunité et sa pertinence soient âprement discutées est une excellente chose. Tant que cela se fait dans un cadre démocratique et paisible, il faut saluer le débat contradictoire. C'est une source de richesse. En ce qui me concerne, j'estime qu'il est de mon droit et de mon devoir citoyen de participer à ce débat. A ce titre, j'ai déjà émis des contributions publiées dans plusieurs médias et sur les réseaux sociaux. Pour en venir aux questions essentielles, mon avis réel est que la constitution doit s'adapter à l'évolution et à la vision de l'Etat. De ce point de vue, il est clair que la Constitution actuelle, eu égard à son caractère confligène, suranné et anachronique, en certaines de ses dispositions, mérite d'être révisée. Ce sera l'opportunité de la mettre à jour par rapport aux grands thèmes de l'évolution du monde contemporain. Je veux parler, entre autres, des questions se rapportant au genre, au développement durable ou encore à la bonne gouvernance. Mais, même s'il est clair que la Constitution actuelle ne peut faire l'économie d'un changement, la question de l'opportunité se pose, bien au-delà de celle de la pertinence. Est-il opportun d'opter pour une nouvelle Constitution dans un contexte où la réconciliation nationale est loin d'être acquise ? Ne serait-il pas plus intéressant d'opter pour une simple révision des dispositions qui posent actuellement problème et remettre la révolution pour plus tard ? La nuance est importante. Dans le premier cas, il s'agit de créer une nouvelle République, alors que dans le second, on reste dans la même République. Pour ma part, je crois que l'heure est propice à une évolution et non à une révolution. Car, toute révolution hâtive entraine des contre-révolutions. En tous cas, si c'est la nouvelle Constitution qui est retenue comme cela semble être le cas, il ne faut pas se lasser de rechercher le consensus, gage de la stabilité et de la durabilité du nouveau texte. Car, une nouvelle République qui se construirait sans l'assentiment d'une large frange des Ivoiriens serait dangereuse pour sa propre pérennité. Je crois que le Président de la République, initiateur de cette réforme, en est hautement conscient et y travaille. Certes, on l'a entendu dernièrement dire que l'opposition pouvait voter « Non » et que le RHDP allait de son côté voter « Oui », mais je crois qu'il l'a dit pour signifier la liberté des uns et des autres. Cela ne veut pas dire qu'il minimise la nécessité d'arriver à convaincre l'opposition d'adhérer au projet.

 

Avez-vous vu le projet de texte ? Pouvez-vous exprimer votre avis sur quelques dispositions ?

Vous savez, aujourd'hui avec les NTIC, les choses vont vite et l'information circule rapidement. Sous réserve que la version que j'ai pu lire est la bonne, je voudrais m'exprimer sur trois points. Commençons par celui qui suscite toutes les passions et réveille toutes les émotions. Je veux parler des dispositions relatives à l'éligibilité du Président de la République. Il faut saluer le fait qu'elles protègent l'acquis fondamental de la limitation des mandats. Certaines personnalités dans l'opposition soupçonnaient le Président actuel de vouloir se représenter en modifiant cette disposition. C'était la cause principale des tensions et j'espère que cela va apaiser la situation. Pour ma part, j'ai toujours affirmé que le Président Ouattara sait plus que quiconque ce que ce pays a traversé et ne prendrait pas le risque d'entrer dans l'histoire par cette vilaine porte de la mégalomanie et de la boulimie du pouvoir. Personnellement, je lui ai toujours fait confiance sur ce point. Maintenant, il y a ceux qui ont l'art de trouver matière à suspicion partout et dans tout. Par exemple, j'ai entendu des soi-disant juristes avancer que la nouvelle République mettra de jure les compteurs à zéro, ce qui permet au Président en exercice de retrouver une virginité électorale lui permettant de briguer encore deux autres mandants. Vous savez, j'ai le sens de l'humeur, mais cette blague-là tient plus de la folie qu'autre chose. Pour le reste, je me réjouis de l'abaissement de l'âge minimum pour tenir compte de ce que  notre pays est majoritairement jeune. C'est un signe de confiance en la jeunesse. Maintenant, reste à ce que cela soit concrétisé à tous les niveaux, par exemple au Sénat, à l'Assemblée nationale, à la tête des collectivités, au sein des partis politiques ou encore dans les hautes administrations. Sur le même point, j'ai toujours milité pour que saute le verrou de l'âge maximum. Je me réjouis donc qu'on puisse s'orienter vers cela. Je trouve aberrant qu'on puisse disqualifier des compétences sous prétexte qu'elles sont séniles, comme si la vieillesse rimait avec incapacité. C'est inadmissible de raisonner ainsi dans un pays où nos traditions accordent le plus grand respect aux vieillards, ces véritables bibliothèques. Il y a d'autres avancées notables avec la volonté de supprimer plusieurs autres incongruités de l'actuel article 35. Ma satisfaction aurait été plus complète si les relents de xénophobie contenus dans cette disposition, à travers la notion d'origine, pouvaient être totalement supprimés. Qu'on remplace le « ET » par le « OU » ne change rien tant qu'on n'abolit pas la référence à l'origine. Dans un Etat de droit, la nationalité prime sur les origines anthropologiques. Au-delà des conditions d'éligibilité, permettez-moi de dire un mot sur la création de la vice-présidence. Dans un régime présidentiel, cela constitue une avancée majeure. Il ne s'agit pas d'une simple solution à la question de la vacance du pouvoir, mais d'un véritable gage d'équilibre et de stabilité de la République. Par contre, je comprends moins la volonté de maintenir la primature dès lors que la vice-présidence est créée. Je termine sur la question avec la création du Sénat et la configuration d'un parlement bicaméral. Un Sénat qui représente notamment les collectivités est une très bonne chose. Cela veut dire sans doute qu'on a décidé de faire de la décentralisation une véritable politique publique, une stratégie de développement. J'espère que cela va servir à mettre un peu d'ordre, à donner une autonomie juridique, financière et de gestion aux collectivités, afin que les citoyens puisse réellement bénéficier des avantages certains de la décentralisation, comme par exemple au Japon. J'avoue que je ne comprends pas pourquoi le président de la République devrait nommer une partie des sénateurs, d'autant qu'il conserve ses représentant que sont les préfets au niveau des collectivités territoriales. Je crois qu'il faut éviter de gâcher les bonnes idées avec des petits arrangements. D'une façon générale, le projet de Constitution est assez intéressant, même s'il reste perfectible.

 

Le président Ouattara envisage le passage de la Côte d'Ivoire à la 3ème  République d'ici à l'année 2017. Cela n'est-il pas un peu précipité ?

Tôt ou tard, il faudra que la Côte d'Ivoire passe à une nouvelle République, la troisième comme vous dites. Je crois que les Ivoiriens dans leur majorité sont conscients de ce que les bases de la République actuelle sont faussées et que le changement est inéluctable. L'ambition du Président est donc légitime. Ma réserve concerne le temps et les circonstances. Le défi est de tout faire pour trouver un large consensus, afin d'éviter que la nouvelle République ne soit mort-née.

 

Le FPI est en campagne contre le projet de la nouvelle Constitution. Que vous inspire cela ?

Le FPI ne fait que jouer son rôle de parti politique, c'est-à-dire concourir au débat démocratique et à l'expression du suffrage. Cela est normal dans une démocratie. Mais  quelle que soit la position du FPI et au-delà de celle de l'ensemble de l'opposition, l'intérêt supérieur de la Côte d'Ivoire commande à œuvrer selon les voies légales.

 

Le FPI insiste sur la création d'une assemblée constituante en lieu et place d'un simple comité d'experts. Que dites-vous de cela ?

C'est une question de procédure. Le choix dépend de la vision, de l'objectif recherché. En tout état de cause, la création d'une nouvelle république exige la mise en place d'une assemblée constituante. C'est ce qu'on enseigne dans les facultés et écoles de droit. Mais en pratique, la révision d'une constitution ou l'adoption d'une nouvelle Constitution doit tenir compte du régime de révision contenu dans la précédente Constitution. Les juristes de métiers pourront dire si la procédure de nouvelle Constitution violent la Constitution actuellement en vigueur. Pour ma part, le plus important, c'est de rechercher et de trouver le consensus.

 

Pensez-vous que cette contre-campagne du FPI pourrait influencer le vote des Ivoiriens ?

Très certainement, il y aura une incidence. C'est bien entendu ce que recherchent les auteurs de cette contre-campagne comme vous l'appelez. Mais dans la situation actuelle du FPI, je ne pense pas que cela changera fondamentalement les résultats. Mais, attendons les résultats pour voir.

 

Croyez-vous au retour du PDCI-RDA au pouvoir en 2020 ?

Encore faut-il que le PDCI-RDA existe en 2020. Je crois fortement qu'un cadre du PDCI-RDA actuel sera au pouvoir en 2020. Mais ce sera probablement pour le compte du RHDP, si du reste le projet d'unification des partis Houphouëtistes about (...)

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