Mamadou Koulibaly (Pdt de LIDER) : « Je déconseille à Ouattara d'aller dans le sens d'une nouvelle Constitution »


« Je me méfie des hommes. J’ai confiance dans les institutions », affirme le Professeur Mamadou Koulibaly.
  • Source: L'Inter
  • Date: vend. 01 juil. 2016
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L'ancien chef du Parlement, patron de Liberté et Démocratie pour la République, n'est pas réputé avoir la langue de bois. Un moment silencieux, Mamadou Koulibaly donne son avis sur les grands sujets d'actualité nationale, avec en bonne place, le projet de réforme constitutionnelle. L'universitaire décrypte également le « Brexit » ou la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Que devient la Coalition nationale pour le changement dont vous avez été l'un des membres fondateurs ? 

Elle a fini sa mission. Elle devait servir à obtenir les conditions d'une élection présidentielle en 2015. La Cnc a fait ce qu'elle a pu. Sa mission est terminée. Nous sommes passés à autre chose.

 

Et pourtant une nouvelle Cnc existe, conduite par le Dr Martial Ahipeaud…

Je ne suis pas au courant de ce qui a suivi la présidentielle. La Cnc à laquelle j'appartenais s'est arrêtée. Peut-être que d'autres continuent. Je ne suis pas informé.

 

M. le Président, vous soutenez, depuis peu, que l'objectif du président Alassane Ouattara, en initiant un référendum, est de se maintenir au pouvoir. D'où tenez-vous cette conviction alors que l'intéressé n'a jamais fait une déclaration dans ce sens et que, bien au contraire, le porte-parole du gouvernement, a affirmé que Ouattara « n'a pas l'intention de toucher » à la limitation du mandat présidentiel ?

Premièrement, l'intéressé a signifié aux différents partis politiques, lorsqu'il les a reçus, qu'il comptait non plus faire une révision constitutionnelle, mais plutôt doter la Côte d'Ivoire d'une nouvelle Constitution. Deuxièmement, il ne l'a pas peut-être pas dit explicitement, mais ses conseillers et les hauts cadres de son parti n'arrêtent pas de nous bassiner qu'un troisième mandat est souhaitable. Troisièmement, en 2010, il a demandé qu'on lui accorde un mandat, un seul de 5 ans. Une fois ce mandat obtenu, il a proclamé qu'il lui fallait un second mandat, adroitement négocié par l'appel de Daoukro. Cet appel voulait que Ouattara fasse un second mandat et qu'en 2020, il y ait alternance au sein du Rhdp. Ça n'aurait plus été le Rdr mais plutôt le Pdci qui aurait été soutenu pour arriver à la présidence de la République. Par la suite, Ouattara a soulevé une nouvelle idée selon laquelle plutôt que de faire l'alternance, il serait judicieux d'aller à la fusion. Chose qui signifierait la disparition des composantes du Rhdp et création d'une nouvelle structure. Dans l'actualité, il est apparu clairement que ni le Rdr ni le Pdci n'ont eu envie ni de changer de nom, ni de fusionner en perdant leur personnalité. Alors, si l'un et l'autre ne veulent pas fusionner, ils sont bien obligés de créer une faitière qui ne serait plus une superposition de partis mais une nouvelle forme organisationnelle. En associant autant d'éléments, à savoir, une nouvelle Constitution, des partisans qui militent ostensiblement pour un troisième mandat et la fusion, j'arrive à la conclusion que Ouattara, en demandant de passer à la troisième République, cherche une seule chose : nous faire croire qu'il a eu deux mandats pour la deuxième République, et qu'avec la troisième République, son mandat de 2020-2025 ne serait que le premier mandat. Je pense que Ouattara n'a aucune envie de raccrocher en 2020 et que, dans une certaine mesure, il exploite la peur d'une partie des Ivoiriens.

 

Que voulez-vous dire par « exploiter la peur d'une partie des Ivoiriens » ?

J'entends souvent en ville, dans les villages, des personnes dire : « On a supporté Ouattara. Dans son camp, c'est le seul qu'on voit. Vous nous dites qu'il ne faut pas qu'il fasse un 3e mandat. Mais, s'il n'est pas là, que devenons-nous ? Est-ce que les gens ne vont pas recommencer à faire ce qu'ils nous faisaient avant ? ». J'entends ces propos, y compris chez certains militaires. J'aimerais rassurer tous ceux-là qui ont peur de l'après Ouattara. Qu'ils cessent d'avoir peur. Un Etat, c'est d'abord la continuité. Je peux ne pas être d'accord avec des décisions que Ouattara a pu prendre mais ce sont des décisions de l'Etat de Côte d'Ivoire. Ce n'est pas parce que vous avez été des hommes à Ouattara qu'il doit rester jusqu'à votre retraite pour vous rassurer. En 2020, Ouattara aura fini ses deux mandats. Le prochain président respectera ses engagements. J'entends aussi dire que les investisseurs, les bailleurs de fonds, et une soi-disant communauté internationale fermeraient les yeux sur les errements du régime de Ouattara, au prétexte fallacieux qu'il est le seul capable de défendre leurs intérêts dans notre pays. Je voudrais rappeler que ce n'est pas à un chef d'Etat de défendre leurs intérêts mais à l'Etat et à ses bonnes institutions et sa bonne gouvernance de les protéger. Ces institutions fortes sont de bien meilleures garanties qu'un homme avec des mandats limités dans le temps. Là où je suis intraitable, c'est sur tout ce qui est capitalisme de connivence. Détourner l'argent et les marchés de l'Etat, créer des quotas ici et là sont indéfendables. Pour le reste, l'Etat est une continuité qui respectera ses engagements.

 

Que dites-vous de la proposition du ministre Cissé Bacongo de lever le verrou de la limitation des mandats présidentiels ? Il explique, entre autres raisons, qu'en l'absence de cadres « charismatiques, compétents » pouvant assurer la relève, le peuple peut se trouver contraint d'élire un président de la République par défaut.

C'est une manière de dire explicitement au Rhdp : « Lorsque nous regardons en notre sein, en l'absence de Ouattara, aucun d'entre nous ne peut être un candidat acceptable par nous-mêmes. Donc, modifions la Constitution pour que Ouattara puisse être candidat. ». Traduit différemment, c'est ce que cela voudrait dire. La levée de la limitation de mandats veut dire qu'on peut se présenter à l'élection présidentielle autant de fois qu'on voudra. L'auteur de la proposition est donc pour un troisième mandat de Ouattara, et après avoir formulé cette proposition, il a été nommé conseiller spécial du président de la République pour la réforme constitutionnelle, et en tant que tel, il inspire le travail du Comité des experts désignés par son patron pour la rédaction de la nouvelle Constitution. N'est-ce pas clair ?

 

Mais, que pensez-vous sur le fond, à savoir qu'il n'est pas indispensable de limiter la durée des mandats présidentiels ?

Je me méfie des hommes. J'ai confiance dans les institutions, les conventions. Un homme peut être bon ou mauvais, selon les moments. Mais si les institutions sont solides, cela peut éviter certaines dérives autocratiques. Les Américains n'avaient pas inscrit, dans leur Constitution la limitation des mandats. Tous faisaient comme les pères fondateurs depuis 1789. Un de leurs présidents a joué à faire un troisième mandat en 1940. Alors, ils ont décidé d'inscrire, en 1947, dans la Constitution, par un amendement, que deux mandats étaient suffisants. Je ne dis pas de faire comme les Américains. Mais je pense que dans un parti politique, il n'y a pas un militant, peu importe son charisme, qui soit né pour commander à vie les autres, aussi bien dans le parti qu'au niveau de l'Etat. Ouattara est président de la République. Il n'a pas trouvé, dans sa famille politique, un seul cadre suffisamment compétent et charismatique pour présider le parti. Il a été obligé de présider et l'Etat et son parti, en violation de la Constitution qu'il avait prêté serment de défendre. Ni le Conseil constitutionnel, ni les grands constitutionnalistes de ce pays n'ont émis de reproches. Nous pensons jouer au jeu de dames contre Ouattara, alors que lui joue aux échecs. La limitation de mandats doit être inscrite dans la Constitution, en attendant qu'on change de système, pour instaurer le régime parlementaire avec mode de scrutin majoritaire à un tour. Je pense qu'il faut l'inscrire.

 

Concrètement, vous appellerez à voter « non » à un texte qui ouvre la voie à un troisième mandat pour Alassane Ouattara ?

Je déconseille à Ouattara d'aller dans le sens d'une nouvelle Constitution pour la Côte d'Ivoire. La Constitution qui est en vigueur avait été rédigée pour lui barrer l'accès à la présidence de la République. Ce n'est pas moi qui le dis. Je ne fais que reprendre ce qui a été dit par le passé. Cette Constitution ne l'a pourtant pas empêché d'être président de la République, de faire un premier mandat et d'en commencer un second. Mais à quel prix ? Dans quatre ans, il aura fini ses deux mandats. Les nouvelles générations trouveront la formule et verront si la Constitution mérite d'être modifiée. Ouattara n'a pas besoin de le faire.

 

Sur l'article 35, le Pdci est pour la formulation retenue à Marcoussis, qui dit ceci : «Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n'est rééligible qu'une fois. Le candidat doit jouir de ses droits civils et politiques et être âgé de trente-cinq ans au moins. Il doit être exclusivement de nationalité ivoirienne, né de père ou de mère Ivoiriens d'origine». Quel est votre point de vue ?

S'il s'agit d'une révision constitutionnelle qui vise à conformer le texte à ce qui a été signé à Linas Marcoussis, je conseillerais à Ouattara de s'en tenir à la formulation retenue à Marcoussis. Il n'ajoute rien. Il ne retire rien. Et il ne passe pas à une 3ème République pour cela.

 

Donc, vous êtes d'accord avec le Pdci sur ce point ?

Je suis d'accord avec le Pdci sur ce point. Mais en même temps, je dis : cette révision, c'est bien pour régler les questions liées à l'article 35 qui écartait, semble-t-il, Ouattara. Mais il est aujourd'hui président. Passons à un régime parlementaire ! Donnons-nous un gouvernement restreint, responsable devant le Parlement. Un député est Premier ministre et gère l'Etat. Les autres députés le surveillent. On collecte l'impôt, on investit là où il faut. Regardez ! Aujourd'hui, le président décide de faire un viaduc entre les tours administratives et l'hôtel Ivoire ou le petit palais. En régime parlementaire, ce projet serait passé à l'Assemblée nationale. Le député de Koumassi, celui d'Abobo ou de Yopougon, auraient pu rétorquer : « Nous avons un sérieux problème de routes dans notre commune, ou encore nos centres de santé manquent de matériel. Nous ne voyons pas l'urgence d'un viaduc entre le Plateau et Cocody ». Le gouvernement aurait révisé le projet et réaffecté les fonds, soit dans un hôpital, soit dans une route, soit dans l'équipement d'une université. Avec le régime parlementaire, il y a un contrôle effectif de l'action gouvernementale.

 

On connaît globalement les positions de Lider, notamment l'instauration d'un régime parlementaire, la suppression de certaines institutions comme le Ces. Avez-vous versé ces propositions à l'Exécutif lors de la rencontre qui s'est tenue au palais présidentiel ?

Mme Monique Gbekia, la déléguée générale du parti, présente à cette rencontre, avait un document rédigé qui retraçait nos propositions. Le document expliquait, d'une part, au chef de l'Etat, que son projet de révision constitutionnelle ou de nouvelle Constitution, est inopportun et que d'ailleurs, la procédure qu'il utilise est inacceptable. D'autre part, le régime présidentiel dans lequel il veut continuer à nous inscrire avec un Sénat, une vice-présidence...., est budgétivore. Au contraire, il faut supprimer certaines institutions. Et le dernier point a consisté à préconiser un régime parlementaire. En dehors de ces éléments, toutes les autres propositions que Ouattara pourrait ramener seront rejetées par Lider qui appellera les populations à le suivre dans ce sens.

 

Le Comité d'experts mis en place par le chef de l'Etat vous convient-il, dans sa configuration ?

Je n'ai rien à reprocher au Comité d'experts. Mais ce sont les termes de référence de la mission que j'aurais voulu voir. Quand un président met des experts en mission, la première chose qu'on publie, ce sont les termes de référence. Un document qui explique aux populations : pourquoi le président veut faire une révision constitutionnelle, qu'est-ce qu'il compte y introduire, à quoi veut-il aboutir, quels sont ses objectifs ? Mais le président n'a pas diffusé de terme de référence. Il appelle des experts, leur demande de travailler. A côté, il réunit les animateurs de la vie sociopolitique, collecte leurs desiderata, en fait la synthèse qu'il remet au conseil des ministres, lequel va l'adopter puis la reverser au Comité d'experts. C'est une procédure un peu bizarre, je trouve. Ce n'est pas une procédure normale pour doter un pays d'une (...)

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