Côte d'Ivoire : à l'Ouest, le fief Gbagbo remis en jeu


Pascal Affi N'Guessan, candidat du FPI, lors du lancement de sa campagne à Gagnoa, le 10 octobre. © ISSOUF SANOGO/AFP
  • Source: jeuneafrique.com
  • Date: vend. 23 oct. 2015
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Il y a cinq ans , les résultats du premier tour de la présidentielle reflétaient de fortes divisions régionales, épousant les bastions des trois principaux candidats. Le 25 octobre, le pays va-t-il oublier ses vieux démons ? À travers tout le territoire, nos envoyés spéciaux ont pris le pouls des électeurs.

Nous sommes le 4 décembre 2010, quarante-huit heures après la proclamation de la victoire d'Alassane Ouattara avec 54,10 % des voix par la Commission électorale indépendante. Le Conseil constitutionnel invalide les résultats et déclare Laurent Gbagbo vainqueur avec 51,45 % des suffrages. Aussitôt, une marée humaine déferle dans les rues de Gagnoa aux cris de « Gbagbo président ». Dans son fief, le score du chef de l'État sortant frise le plébiscite (67 %). Quatre mois plus tard, le leader est arrêté dans son palais, avant d'être expédié à la Cour pénale internationale, à La Hayeoù il attend toujours d'être jugé.

Aujourd'hui, à Gagnoa, il ne reste pas grand-chose de l'époque faste de Gbagbo. Les portraits géants à la gloire du président Ouattara ont remplacé les siens. Les militants du FPI rasent les murs, leurs permanences de quartier ont pour la plupart été saccagées durant la crise. « On n'est pas sortis de ce climat de peur, on nous surveille, il y a des infiltrations », confie un cadre local de la jeunesse du FPI. Et si certains barons du parti en exil sont rentrés, comme Firmin Krékré, ex-directeur de l'Agence nationale de stratégie et d'intelligence (services de renseignements) devenu secrétaire général adjoint du FPI, originaire de Gagnoa, d'autres, toujours sous le coup d'une procédure judiciaire, ont préféré garder leurs distances, comme Émile Guiriéoulou, l'ancien ministre de l'Intérieur et député de Guiglo, réfugié au Ghana.

 

Pascal Affi N'Guessan, successeur de Gbagbo ?

« On nous a asséchés politiquement et économiquement pour nous empêcher d'exister. Aujourd'hui, on est en pleine reconstruction avec de tout petits moyens. L'Ouest n'échappe pas à la règle », dénonce Augustin Kouadio Komoé, ancien ministre de la Culture, aujourd'hui l'un des plus proches conseillers de Pascal Affi N'Guessan, le nouveau candidat du FPI.

Ce dernier tarde à s'imposer dans le fief de Laurent Gbagbo. Le 10 octobre, lors du lancement de sa campagne organisé symboliquement à Gagnoa, ils étaient quelques centaines de militants seulement à s'être déplacés pour venir l'applaudir sur la place Laurent-Gbagbo. Durant sa visite d'État du 28 septembre, le président Alassane Dramane Ouattara (ADO) avait rassemblé davantage de monde dans le stade Victor-Biaka-Boda. Pourtant, d'Abidjan à Gagnoa, le message est le même : « ivoirienne-ne-sert-qua-harceler-lopposition/">Affi est le seul successeur de Laurent Gbagbo. Ceux qui affirment le contraire veulent nous diviser », répète en boucle Christophe Yéhiri, directeur départemental de campagne.

 

"Ici plus qu'ailleurs, pour beaucoup de militants, « Affi » reste celui qui a trahi la cause "

Pas sûr que cela soit suffisant pour changer la donne, car ici plus qu'ailleurs, pour beaucoup de militants, « Affi » reste celui qui a trahi la cause. Notamment du côté devillage-natal-de-gbagbo/"> Mama, le village natal de l'ancien président, où le 30 avril des frondeurs conduits par Aboudramane Sangaré s'étaient retrouvés pour tenter d'investir Laurent Gbagbo à la tête du parti, au grand dam du comité central. Depuis, la section dissidente continue de semer régulièrement la division au sein de la famille FPI locale. Et la prochaine échéance électorale pourrait ressembler à une gigantesque gifle pour Affi N'Guessan.

« L'Ouest est encore plus déboussolé par l'absence du leader que le reste du pays. Beaucoup d'électeurs sont dans une logique de terroir, Gbagbo reste l'enfant du pays. Ils ont voté massivement pour lui en 2010 et ils ont refusé d'aller aux urnes en 2013. Dans cette logique, beaucoup n'iront pas voter en 2015 », estime Francis Akindès, politologue.

Le RDR à la conquête de l'Ouest

Après avoir boycotté les deux derniers scrutins – législatif en 2011 et local en 2013 -, le FPI n'a plus aucun élu au niveau national. En clair, sur la carte politique, le parti n'existe plus. Lors de ces élections, les régions de l'Ouest ont affiché une abstention supérieure à la moyenne nationale. Une situation qui a profité au RDR (parti de Ouattara), notamment lors des scrutins locaux. Les deux grandes villes de ce pays bété, à majorité chrétienne, ont été conquises par des candidats musulmans d'origine malinkée : Bamba Médji à Gagnoa et Samba Coulibaly à Daloa.

« Nous sommes allés à la pêche aux électeurs en tendant la main », résume ce dernier. Dans la foulée, la victoire à la tête de la région du Gôh de l'houphouétiste Joachim Djédjé Bagnon – le candidat du PDCI-RDA, d'Henri Konan Bédié – a été vécue comme un véritable affront par l'ancien parti de Laurent Gbagbo. MêmeDuékoué, ville martyre des violences post-électorales de 2010 – dont certaines sont attribuées aux milices pro-Ouattara -, a élu un maire RDR, Jean Glahou Tai.

"Aujourd'hui, beaucoup privilégient l'étiquette politique et se détournent du vote identitaire. On sort de la logique ethnique, on vote pour celui qui améliore un peu le quotidien, précise Francis Akindès"

Face à un FPI divisé, le camp Ouattara, historiquement soutenu par le Nord, arrive dans l'Ouest en ordre de bataille. Avec le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP), sa large coalition de cinq partis (dont le PDCI, malgré quelques frondeurs), ADO pourrait l'emporter sur ces terres autrefois hostiles. Il est venu plusieurs fois en personne, bien avant la campagne, défendre son « programme de développement pour tous » et distiller son « message de paix et de réconciliation » dans un climat beaucoup plus apaisé qu'en 2010.

« Déjà, lors des derniers scrutins, on avait senti que la victoire de nombreux élus RDR en pays bété et guéré n'était pas seulement liée à la mobilisation des électeurs d'origine nordiste. Aujourd'hui, beaucoup privilégient l'étiquette politique et se détournent du vote identitaire. On sort de la logique ethnique, on vote pour celui qui améliore un peu le quotidien », précise Francis Akindès.

C'est le pari que fait le président Ouattara, à l'image de la route récemment bitumée qui relie Gagnoa à Abidjan. Si l'ouest de la Côte d'Ivoire, pourtant région du café et du cacao, n'a jamais été au cœur des préoccupations du pouvoir, même lorsqu'il était entre les mains de « l'enfant du pays », les choses s'améliorent lentement. « Trop lentement » par rapport au Nord, à en croire Pascal Affi N'Guessan, qui n'a pas hésité à dénoncer, lors de son discours d'ouverture à Gagnoa et avec un certain opportunisme, « le favoritisme ethnique » de son adversaire.

 

Par  (Jeune Afrique) - Envoyé spécial à Gagnoa




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