Reportage exclusif / Mont Peko : Voici le pont construit par Amadé Ouérémi - Des hectares de forêt détruite - Des clandestins : « On a été trompés »

  • Source: L'Inter
  • Date: lun. 04 août 2014
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En raison d'une occupation illégale par environ 27.000 clandestins, la forêt classée du Mont Peko, à 500km d'Abidjan, agite constamment l'actualité. L'inter s'est rendu dans le parc, naguère, tenu par le chef de guerre, Amadé Ouérémi. Voyage au cœur d'une zone interdite.

Au bout d'une demi-heure de piste, à moto, et après être passés par des voies tantôt sablonneuses, tantôt boueuses, nous atteignons une certaine profondeur dans la forêt. Nous sommes sur pied, dès potron-minet, avec Duékoué, le chef-lieu de région, pour point de départ. La ville est située à 20km de piste de Bagohouo, la sous-préfecture, qui offre un accès au Mont Peko. Il y a, pour l'équipe, un certain risque à emprunter la voie au moyen d'un véhicule à quatre roues autre q'un 4x4. L'alternative de la moto se révèle plus pratique. Nous nous faisons accompagner par « Barbu », un homme qui pratique, au quotidien, cette zone. Il y aurait eu une sorte de bravade à aller seul, à travers un territoire où les chemins s'apparentent, parfois, à de véritables coupe-gorges.

 

Pont… de fortune 

Avec « Barbu », nous approchons un cours d'eau surplombé d'un pont, une réalisation d'Amadé Ouérémi, l'ancien chef de guerre qui s'était établi dans la forêt et qui fut arrêté un samedi de mai 2013. La structure du pont laisse à désirer. Nous découvrons un ouvrage rêche, sans aucune esthétique. Ouérémi l'aurait érigé dans l'optique d'écouler ses produits. Le tablier du pont est solide, en apparence, mais ne convainc guère dans sa finition. Des planches disposées horizontalement et soutenues par des étais font office de parapets. La plupart de ces planches sont, d'ailleurs, gagnées par l'usure. Le pont de Ouérémi s'étend sur une longueur d'à peu près 80 m, pour 3 m de hauteur. Il a dû coûter une rondelette somme et exiger la participation, ne serait-ce que rudimentaire, d'un spécialiste. Amadé Ouérémi avait peut-être beaucoup d'argent mais ne savait rien des Ponts et Chaussées. Il est un ancien réparateur d'équipements électriques qui s'est reconverti dans le trafic de toutes sortes : bois, armes, or, ivoire…mais surtout de cacao. Ouérémi régnait en maître dans le Mont Peko. Il s'autorisait la vente à des compatriotes burkinabé, de parcelles d'une forêt classée. Il a ainsi vendu des centaines d'hectares de forêt à des personnes qui agissent, aujourd'hui, en propriétaires. Selon de récentes statistiques, ce sont près de 26.000 hectares- sur 34.000 que compte initialement le parc- qui ont été indûment transformés en plantations.

 

Un campement, façon Ouérémi 

Nous mettons le cap sur Ouérémikro, à dix minutes de la zone où est construit le pont. Ouérémikro, ou le campement « Ouérémi », s'étale sur une superficie d'environ 2.000 m2. La résidence de l'ex-chef de guerre, la plus imposante du site, est facilement repérable. C'est une maison en terre cuite un peu à l'écart du reste du campement. Entre 50 et 60 personnes vivent à Ouérémikro. En cette fin de matinée, l'essentiel des habitants se trouve dans les plantations. Notre arrivée avait été annoncée. Nous échangeons des poignées de main avec nos hôtes. La rudesse des paumes renseigne sur la dureté des travaux champêtres. Rapidement, proposition nous est faite de prendre place sous un manguier non loin de la maison de Ouérémi. Nos interlocuteurs, entre 25 et 40 ans, sont, en majorité, des parents de l'ex-seigneur du Mont Peko : Ouérémi Seydou, Ouérémi Alassane…Nakamabo Bourahima. Ils vivent avec 2 femmes, chacun. Aucun d'entre eux n'a moins de deux enfants. « Le vieux »- ainsi que ses hommes appellent Amadé Ouérémi- en avait 28 pour 6 femmes. Cette virilité procréatrice dans le campement est probablement due à la promiscuité des lieux et à un manque criant de loisirs, une fois achevé le travail de la terre.

D'Amadé Ouérémi, ses proches ne savent plus grand-chose depuis son arrestation en mai 2013. Nos échanges porteront sur le déguerpissement du Mont Peko, plusieurs fois annoncé, mais qui peine à avoir un début de réalisation. « On est d'accord avec ce que la loi (en fait, le gouvernement) a décidé. On ne refuse pas de partir. Mais, si on peut nous accorder du temps pour la cueillette, c'est bon », s'exprime Bourahima, « propriétaire » de 20ha de forêt. Nous opposons à notre interlocuteur, les ultimatums répétés du gouvernement à l'endroit des occupants du Mont Peko et une tendance plus qu'avérée de ces derniers à la procrastination. Nakamabo Bourahima a une réponse à tout. Il se considère comme un « fils », avec le gouvernement pour « père » : « Lorsque le fils demande quelque chose à son père, le père peut refuser. Mais, le fils continue de demander ». C'est aussi l'avis de Ouérémi Seydou, frère cadet de Amadé Ouérémi. Il demande « un peu de temps » aux autorités. Il estime même que la forêt, à proprement dite, « est déjà détruite » ; raison supplémentaire pour que le gouvernement leur concède un certain temps. « On demande pardon à la loi de nous accorder du temps », plaide Seydou.

 

« On a été trompés »

En quête d'interlocuteurs, nous ferons la rencontre de Lompo Maximilien et Ouédraogo Seydou, deux infiltrés du Mont Peko, sans pour autant arriver dans leurs campements respectifs. Lompo Maximilien, 30 ans, réside dans le campement de Salmatingua, la ville de l'or en moré, et possède une plantation de 7ha. Il s'est installé depuis 2011. « Je ne suis pas un occupant venu directement du Burkina Faso. J'étais à San Pedro. La situation était difficile pendant la crise. On nous taxait de rebelles. Je suis parti à Bouaké. De Bouaké, je suis venu à Duékoué. Et puis finalement, dans le Mont Peko, on allait chercher un peu de sécurité. On ne peut pas vivre comme ça. Donc, il y a eu les plantations », s'explique Maximilien, dans un français soigné. « Nous sommes prêts à libérer la forêt. Mais, on souhaite que le gouvernement soit un peu souple avec nous parce qu'on a été trompés. On nous a laissés croire que si on occupait le parc en grande quantité, ils allaient le déclasser », raconte Maximilien. Lorsque nous l'interrogeons sur celui qui a fait croire à une possible déclassification de la forêt, il répond tout de suite : « c'est Ouérémi !». «&nbs (...)

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