Enquête / Insécurité - Braquage au sortir des banques... : Comment des coups sont montés depuis les guichets - Des révélations troublantes, les banques interpellées


A l’intérieur, l’on peut sceller son sort, au guichet même, en quelques secondes.
  • Source: Soir Info
  • Date: vend. 09 mai 2014
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A l'heure où être braqué au sortir d'une banque est devenu monnaie courante, bien plus que la récurrence du phénomène, c'est le mode opératoire quasi-similaire des braquages qui soulève toujours des interrogations. Le temps d'une enquête, nous avons tenté de cerner le système, à partir de banques bien ciblées. Recit et révélations.

Braqué et détroussé, en l'espace de quelques secondes seulement, de la rondelette somme de 4,5 millions de FCFA ! Alors qu'il était « en pleine circulation, à Treichville », courant décembre 2013. Le mercredi 5 mars 2014, le regard voilé par le souvenir encore vivace de son amère mésaventure, Allokoua J.F, opérateur économique, résidant à Bonoua, raconte d'une voix chargée d'émotion son braquage « incroyable », alors qu'il rentrait d'une course à sa banque d'où il venait de retirer 4,5 millions de FCFA « pour les travaux de mon chantier de construction et la paie des ouvriers », précise-t-il. Puis, comme Aboubacar Y., Dako F., Guédou R., Djigo. A., tous victimes de ce type de braquage, dans des conditions et scénario d'une similitude effarante, Allokoua embouche la même trompette : « C'est clair, les gars me suivaient depuis ma sortie de la banque, et en plus, ils semblaient bien informés de ce que j'avais sur moi ! J'en suis convaincu, il doit y avoir des complicités quelque part…».

Soit. Sauf que, quelqu'évident que cela paraisse, cet arrière parfum de coup préparé que la quasi-totalité des braquages de ce type laisse derrière eux, ne concorde pas toujours avec une « complicité interne » d'agents de la banque. C'est du moins ce que semble savoir Léon D. L'homme est un ex-animateur de la pègre abidjanaise qui a ‘'déposé les armes'' après 5 ans de prison. Aujourd'hui « réinséré honnêtement et décemment » dans la société, grâce à une Organisation non gouvernementale, il n'en demeure pas moins un sachant fiable des secrets du milieu. « Ne vous est-il jamais venu à l'idée que n'importe quel quidam peut entrer dans une banque, repérer des clients ciblés et mobiliser ses complices dehors pour le prendre en chasse à sa sortie ? » interroge-t-il, sérieux. En clair, nombre de braquages perpétrés au sortir de banques, après un retrait, bien sûr, seraient le couronnement d'un système sournois mais redoutable. D'autant qu'il partirait de l'intérieur même de ces établissements financiers. Comment ?

Premier rendez-vous à Marcory Résidentiel, un quartier chic à la sortie Est d'Abidjan. Ici, une banque située en bordure d'une rue très fréquentées, affiche et fonctionne aux normes sécuritaires de base : ouverture des portiques (à l'entrée comme au Guichet automatique), magnétisée, vigiles ‘'armés'' de détecteurs de métaux (armes) à l'entrée et à l'intérieur… L'établissement est bien au travail en cette journée de lundi 10 mars 2014. Le défilé habituel des clients (retrait, versements d'argent, transferts, divers…) a cours. Le hall d'attente est bien garni. Aucune tâche dans le décor. Ou si. Parmi les clients assis, dans l'attente d'être appelés au guichet, un homme. La quarantaine. A la tête, une casquette treillis défraîchie. Au corps, un T-shirt polo. A la taille, une culotte treillis vert. Et aux pieds, des tongs. La particularité de ce client : cela fait plusieurs dizaines de minutes, quasiment une heure, qu'il est assis là. Suivant du coin de l'œil tous les mouvements des autres clients. Notamment ceux qui sont devant les guichets pour y effectuer des opérations, surtout les retraits d'argent. Mais ni l'individu, ni son ‘'enracinement'' dans le hall d'attente ne semblent pour autant attirer l'attention du vigile à l'intérieur.

Comme dans un marché !

En fait, le vigile commis à ‘'l'ordre intérieur'' est plus soucieux de se faire quelques pourboires, que de garder un œil attentif sur les personnes présentes dans le hall. Ainsi, l'homme s'affaire-t-il à offrir aux clients de petits services, un stylo par-ci, un sous-main par-là ou, le graal, endosser un chèque pour un bénéficiaire n'ayant pas les pièces exigée. Un véritable marché ! D'ailleurs, alors qu'à l'entrée, il est rappelé l'interdiction du téléphone portable, le constat, à l'intérieur est tout autre. Dans l'attente d'être appelé au guichet, on s'occupe comme on peut. Scotché aux téléphones portables et autres tablettes numériques. On y passe et/ou y reçoit allègrement des coups de fil, on y envoie et reçoit des textos, on y écoute de la musique et même, on y joue aux jeux électroniques. Et personne ne fait vraiment attention à personne… Sauf l'homme à la casquette treillis. Qui, d'ailleurs, vient de porter et concentre toute son attention sur une jeune femme de race blanche appelée au guichet n°2. Ce n'est pas fortuit : la Blanche est une Européenne et sachant ce que pèse un Euro en Franc Cfa, il a de bonnes raisons d'avoir la jeune dame à l'œil. Et il n'a pas tort. Car l'instant d'après, du coin de l'œil, il peut apercevoir très nettement quatre gros paquets de billets de banques joliment attachées que la caissière vient de pousser devant la Blanche. C'est une affaire de plusieurs millions de FCFA ! Alors que la jeune dame s'attèle, au guichet, à vérifier et compter les liasses, l'homme, en quelques touches sur son téléphone, lance un texto laconique : « Go blanch. Cheveu rou, sac orange ». La seconde d'après, l'homme à la casquette a un retour : « Ok position », a répondu son contact.

Lorsque quelques minutes plus tard, la Blanche, après avoir dûment rangé les liasses dans son sac à main de couleur orange quitte les lieux, l'homme la détaille longuement du regard, reste là encore quelques secondes. Puis se lève à son tour et quitte la banque. Tranquillement… La technique type du ‘'répérage''. L'exercice sournois de ‘'l'indic'''. Le b-a-ba d'un redoutable système mille et une fois pratiqué par des gangs abonnés aux coups exécutés aux sortir des établissements financiers. Sauf peut-être par un journaliste. Car, ‘'l'homme à la casquette'' est, en réalité, un journaliste, votre serviteur, auteur de cette enquête. En effet, il s'agissait, à partir des explications de Léon. D., de procéder, de prime abord, de constater certaines pratiques en cours dans les banques. Ensuite, à partir du constat, de mettre sur pied un ‘'gang'' virtuel, avec au moins un complice. Et, enfin, tester, par nous-mêmes, et en situation réelle, des failles du système, tels le laxisme criant dans des établissements financiers, que les malfrats auraient l'habitude d'exploiter pour réussir leurs coups à forts relents de « complicités internes ».

Ainsi donc, le but de nos ‘'pieds de grue'' dans les halls d'attente des différentes banques que nous avons visitées était clair : jouer les ‘'répéreurs'' ou ‘'indics'' qui ‘'travaillent'' au sein même des banques. « C'est ainsi qu'ils repèrent ceux qui font de gros retraits. Vous comprenez : braquer en pleine rue est très risqué et personne ne veut courir le risque pour des miettes », nous avait expliqué Léon. D. Notre complice ou ‘'contact'', également, pour les besoins de la cause, joue juste le rôle de ‘'traceur''. Posté en embuscade à quelques mètres de l'entrée de la banque, il est chargé de pister le client que nous de lui signalons via Sms, à sa sortie de la banque, de le prendre en filature, incognito, jusqu'au ‘'point de contact'' (moment ou endroit jugé opportun pour exécuter le braquage – souvent spectaculaire), puis de passer à l'action. En prenant en compte un aspect – le plus important – de l'opération qui ne saurait se faire sans un outil devenu très précieux : la moto.

En effet, depuis que le quotidien des Abidjanais est rythmé par des embouteillages, effets collatéraux des travaux du troisième pont, la moto est devenu le moyen de transport (et de fuite) le plus sûr. Pour garantir le total succès d'un braquage. Avec un deux-roues, démarrer en trombe en se faufilant à travers les longues files de véhicules pris dans un bouchon est presqu'un jeu d'enfant. Les services de police l'attestent : les dépositions de victimes de braquage au sortir de banques, mentionnent de plus en (...)

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