CPI / Après Médiapart, les graves révélations d'une journaliste italienne sur le procès de Gbagbo et Blé Goudé


La journaliste italienne, Nicoletta Fagiolo, a décidé, à son tour d'agiter le dossier sur la crise ivoirienne
  • Source: linfodrome.com
  • Date: vend. 15 déc. 2017
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Selon Nicoletta Fagilo, réalisatrice de films documentaire, le procès de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé actuellement jugé à la Haye est un déni de justice. Voici l'intégralité de son analyse de la crise sur la crise ivoirienne paru dans certains médias.

Lorsqu'elle décide d'ouvrir une enquête sur des violations graves des droits de l'homme, la Cour pénale internationale (CPI) basée à la Haye rédige un rapport de situation qui analyse les formes de violence sur le terrain et identifie les principaux responsables des crimes d'une crise donnée. 

Cependant, dans le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé en cours à la CPI, un document diplomatique français qui a récemment fuité révèle que le 11 avril 2011, soit cinq mois avant l'ouverture d'une enquête, le Procureur de la CPI Luis Moreno Ocampo avait demandé que Laurent Gbagbo, Président de la Côte d'Ivoire, un pays d'Afrique de l'Ouest, soit maintenu en détention jusqu'à ce qu'un pays renvoie l'affaire à la CPI. Le courriel a été envoyé par le directeur Afrique au ministère français des Affaires étrangères Stéphane Gompertz, avec copie à vingt diplomates français de haut niveau qui étaient ainsi au fait des manœuvres politiques en cours pour écarter de son pays Laurent Gbagbo, un Président très populaire. 

La Côte-d'Ivoire a connu une crise électorale de cinq mois à la suite du second tour de l'élection du 28 novembre 2010[i] entre le Président sortant Laurent Gbagbo, historien, socialiste et père fondateur du multipartisme en Côte d'Ivoire, et Alassane Ouattara qui a été Premier ministre sous le régime dictatorial de Félix Houphouët-Boigny de 1990 à 1993, puis a poursuivi une carrière dans la diplomatie internationale à la Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest et au Fonds monétaire international

Encore aujourd'hui, il est difficile de dire qui a remporté les élections, mais à l'époque Laurent Gbagbo avait été déclaré vainqueur par le Conseil constitutionnel du pays et avait officiellement prêté serment en qualité de Président. Il avait également demandé un nouveau dépouillement des votes, que les Nations Unies ont refusé. Le Président Jacob Zuma, qui avait été mandaté à l'époque par l'Union africaine au sein d'un Groupe d'experts de haut niveau pour servir de médiateurs dans la crise ivoirienne, affirmait que Gbagbo avait remporté les élections. Pourquoi il n'a pas par la suite fait pression en faveur d'une solution pacifique à la crise demeure un mystère. Une intervention militaire de l'ONU et de la force française Licorne, ainsi que des rebelles des Forces Nouvelles de Ouattara a chassé Gbagbo du pouvoir le 11 avril 2011 et l'a mis en état d'arrestation. 

Quelques heures après l'arrestation de Gbagbo, le courriel compromettant du ministère français des Affaires étrangères avait été envoyé. L'objet du courriel révèle également une instruction aux diplomates français de nier toute implication de la France dans l'opération de délogement.

Commentant les fuites à la CPI, l'avocat en droit pénal international Joseph Bemba a déclaré à la radio française RFI : « c'est grave. Si c'est le cas, cela veut dire que la CPI n'a pas agi strictement dans le cadre du droit mais après des tractations politiques ». Le canadien Christopher Black, avocat en droit pénal international, a déclaré : « évidemment, s'il est authentique, ce courriel est explosif. Il montre que l'arrestation de Gbagbo avait des motivations politiques, que les charges retenues contre lui sont donc fabriquées ; la défense devrait demander l'arrêt du procès, appeler à la libération immédiate de Gbagbo et ouvrir une enquête sur cette criminalité ». 

Le procureur Luis Moreno Ocampo a confirmé au magazine allemand Der Spiegel, membre du réseau European Investigative Collaborations (EIC) qui a révélé les fuites à la CPI, que ses courriels avaient été piratés. 

Malgré la confirmation de l'authenticité des fuites de courriel, aucune mesure n'a été prise par une ONG ou une organisation des Nations Unies pour dénoncer la violation grave de la procédure régulière. Human Rights Watch, qui a même envoyé un témoin au procès à la CPI, a déclaré qu'elle n'avait aucun commentaire à faire[ii]. L'ONG Justice Monitor a également indiqué qu'elle n'avait rien à déclarer, dans la mesure où elle ne fait que suivre le procès (bien qu'elle ait arrêté d'écrire des dossiers sur ce procès, sans expliquer pourquoi elle n'assure plus le suivi du procès de plus haut niveau de la CPI). 

Si l'affaire était biaisée dès le départ, les informations recueillies par la CPI étaient également trompeuses. En effet, un rapport du Greffe de la CPI relatif aux Représentations adressées à la cour par les victimes, daté du 29 août 2011 et rédigé par Silvana Arbia et Didier Preira, indiquait qu'ils n'étaient pas en mesure de donner à la Chambre des assurances ou même des estimations concernant la représentativité des informations collectées au cours de l'exercice. Par exemple, aucun réfugié – dont des milliers avaient fui le pays après l'attaque militaire des rebelles des Forces Nouvelles de Ouattara – n'y figurait. 

Quant aux crimes commis pendant la guerre par les rebelles des Forces Nouvelles de Ouattara, tels que le massacre de 800 civils en un seul jour à Duékoué, le 29 mars 2011, qui est le plus grave incident de la crise révélé à l'époque par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), la CPI n'a émis aucun mandat d'arrêt contre leurs auteurs. 

Qui est Laurent Gbagbo ? Lorsque Gbagbo est devenu Président en 2000, il avait derrière lui 30 ans de lutte pacifique et avait vu la réalisation, en 1990, du premier point de son programme, un système multipartite. En 2008, alors que je travaillais sur un documentaire sur des bédéistes africains en première ligne de la défense de la liberté d'expression, les Résistants du 9ème Art, j'avais aussi des images du magazine satirique ivoirien Gbich!. Le rédacteur en chef adjoint Mendozza Y Caramba, m'a raconté une anecdote : un jour, il a reçu un appel téléphonique annonçant l'arrivée du Président Gbagbo. Mendozza, dont la bande dessinée Les Habits neufs du Président était très critique à l'égard de Gbagbo, se mit à rire en pensant d'abord que c'était une blague. Mais 10 minutes plus tard Laurent Gbagbo est arrivé dans leurs locaux ; il a fait l'éloge de leur travail et les a complimentés, en dépit de leur satire mordante contre lui. J'étais impressionnée. J'avais déjà entendu une anecdote similaire au sujet d'un autre président africain célèbre, Nelson Mandela, que j'ai décidé d'utiliser dans le film. Mandela avait appelé Jonathan Zapiro, qui a été un dessinateur à l'avant-garde de la lutte anti-apartheid, et lui avait dit « excellent travail, vous faites votre travail », même si Zapiro, maintenant que le parti de Nelson Mandela, le Congrès national africain (ANC) est au pouvoir, l'attaquait férocement avec ses caricatures. Mais je n'ai pas oublié que Gbagbo a eu le même esprit que Mandela. 

Le Président sud-africain Thabo Mbeki, qui était médiateur dans la crise en 2004 et en 2010, a écrit l'article intitulé What the World Got Wrong on Côte d'Ivoire (En quoi le monde s'est trompé en Côte d'Ivoire) dans lequel il rappelle comment l'ambassadrice des États-Unis à Abidjan, Wanda L. Nesbitt, avait déjà prévenu son gouvernement en 2009 que si certaines conditions de base n'étaient pas remplies – la réunification territoriale et fiscale du pays, la restauration de l'administration nationale dans le nord et, en particulier, le désarmement total des rebelles des Forces Nouvelles implantés dans le nord depuis 2002 – aucune élection démocratique ne pourra être organisée. Plus récemment, Mbeki a souligné la décision illégale de la CPI qui n'a pas abandonné les poursuites contre Gbagbo, bien que deux juges sur trois aient déclaré à la phase préliminaire qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve à charge pour entamer un procès.[iii] 

Le projet du réseau d'investigation European Investigative Collaborations (EIC), Les Secrets de la Cour, a publié des articles sur un éventuel dîner qu'Angelina Jolie voulait organiser pour servir d'appât et capturer le rebelle de l'Armée de résistance du Seigneur Joseph Kony ; sur les comptes off shore du Procureur Ocampo, très probablement l&e (...)

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