Crainte autour de la Présidentielle 2015 / Ouraga Obou : « Le gouvernement doit reconnaître à chacun la liberté » - Ce qu'il dit de Yao N'dré et de Koné Mamadou - Ses propositions pour éviter les violences électorales


Pr. Ouaraga Obou, dans les locaux de l'ASCAD, le 6 mai 2015.
  • Source: linfodrome.com
  • Date: lun. 11 mai 2015
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Professeur agrégé de droit public et des sciences politiques, Ouraga Obou est le président du Comité de suivi de l'Académie des Sciences, des Arts, des Cultures d'Afrique et des Diasporas Africaines (ASCAD). Dans cette interview réalisée le 6 mai 2015, il parle de la situation socio-politique et interpelle sur violence électorale, à l'approche de la présidentielle.

Le Comité de suivi de l'ASCAD œuvre à la prévention des violences électorales. Est-ce parce que vous craignez des violences au cours de la présidentielle de 2015 ?

Non ! Ce n'est pas parce que lorsqu'on parle de la paix qu'il faut forcément que survienne la crise. En la matière, j'aime donner cette image. En réalité, lorsqu'on a en face la paix, et que l'on prend le temps de regarder dans son rétroviseur, on aperçoit toujours la crise. D'ailleurs, c'est parce qu'on a peur de la crise que l'on parle de la paix. Parler de la paix, c'est anticiper. On dit souvent que celui qui veut la paix prépare la guerre. Donc celui qui veut la paix sociale doit anticiper. C'est ce que fait l'ASCAD.

Des opposants arrêtés, Mamadou Koulibaly dit qu'ils vont descendre dans la rue, etc. Il n'y a pas à craindre des violences politiques ?

Je vais vous surprendre. Vous savez, j'ai présidé les travaux de la commission chargée de la rédaction de la Constitution de 2000. Quand vous lisez bien l'article 11, c'est moi qui y ai inscrit la liberté de manifestation. La manifestation est un acte républicain. Les gens ont tout à fait le droit de manifester. Ils ont le droit de dire non, comme ils peuvent dire oui. Mais, la manifestation est vue comme une sottise humaine dans la rue. C'est ce qui justifie qu'elle est fortement réglementée. Toutefois, en prenant en compte la situation de crise comme la nôtre, il faut absolument que la manifestation soit pacifique. Manifester ne veut pas dire prendre des machettes, des fusils et s'entretuer. Manifester, ce n'est pas s'attaquer aux forces de l'ordre. C'est cela que nous craignons. Sinon, dès lors que que les gens veulent manifester librement et pacifiquement, je ne vois pas pourquoi on pourrait les en empêcher ?

La CEI est cause de conflit entre les partis d'opposition et le gouvernement. Les uns contestent sa composition et son président, même le code électoral. Tandis que le pouvoir estime que tout est bon. Ce bras de fer ne risque- t-il pas de compromettre la bonne tenue de la présidentielle de 2015 ?

Y a-t-il un texte qui est en lui-même parfait ? Je parle en tant que juriste. De façon empirique, je qualifie de texte parfait, celui qui est en mesure de résoudre les problèmes auxquels une société est confrontée. Mais le texte qui peut résoudre les problèmes d'une société, n'est pas forcément en mesure de régler des problèmes ailleurs. Selon le juriste américain Gladstone, la Constitution des États-Unis serait l'œuvre humaine la plus admirable qui soit jamais sortie du cerveau humain. Mais ce texte, si ingénieux soit-il, a montré ses limites à l'occasion du scrutin présidentiel des États-Unis de 2000. L'Amérique est passée très près d'une catastrophe. Mais le ciel n'est pas tombé sur elle. L'Amérique a su réviser ses textes et aujourd'hui tout va bien aux États-Unis. Donc dans tout ce que l'opposition exprime, je pense que le gouvernement devrait prendre en compte ce qui peut améliorer la vie de la nation. Car sans un accord minimum sur les textes qui régissent l'élection, cela peut créer des frictions entre le gouvernement et les différents candidats ou avec l'opposition. Ce que je ne souhaite pas. Pour terminer, je dirais simplement qu'il ne faut pas désespérer. Je suis convaincu que les parties prenantes au processus électoral trouveront au moment opportun cet accord minimum, quant à ce qui les divise.

Les juristes ont une responsabilité avérée dans les crises qui sont survenues en Côte d'Ivoire. S'ils se sont remis en cause, que font-ils pour éviter d'autres drames à ce pays ?

C'est ce que nous faisons à l'ASCAD. À titre bénévole, nous prenons nos responsabilités pour dire aux gens: « attention, il faut faire en sorte que l'élection ne crée plus chez le citoyen la peur, au quotidien ». C'est le sens de notre slogan : « Pour une élection sans violence. Je vote la paix ! ». Mais à bien regarder, nous constatons que ce n'est pas l'élection en elle-même qui secrète la violence. Pourquoi ? Des élections ont eu lieu au Nigeria, au Mali, au Sénégal, au Ghana, au Cap-Vert. Mais le ciel n'est pas tombé sur ces différents pays. C'est plutôt la mauvaise élection qui crée des problèmes. Il faut donc faire en sorte que nous les Ivoiriens, nous nous s'inscrivions dans la perspective d'en arriver à une élection démocratique. Mais par rapport à votre précédente question, je voudrais me référer à un juriste grec, le sage Solon. Jadis, les grecs lui demandèrent quelle était la meilleure Constitution. Il leur répondit : « Pour quel peuple et à quelle époque ? ». Comme je l'ai dit tantôt, un texte ne vaut vraiment la peine, que s'il peut résoudre les problèmes d'un peuple donné, mais dans le sens de l'intérêt général. Les Ivoiriens que nous sommes, nous devons nous donner une âme pour qu'on puisse régler nos problèmes. Parce qu'un texte ne sera jamais parfait dans l'absolu. Mais si nous aimons notre pays, on peut se faire des concessions réciproques et en arriver à un accord minimal, et au mieux, à un accord maximal, pour que l'élection présidentielle se déroule sans accrocs majeurs.

La réconciliation devrait permettre d'apaiser la situation. Croyez-vous les Ivoiriens, les dirigeants politiques en particulier, sincères dans la quête de la réconciliation en Côte d'Ivoire?

Nous, à l'ASCAD, nous sommes est en train d'entreprendre un exercice difficile, particulier, mais assez intéressant. Dans notre quête de la paix, nous avons écrit à plusieurs maires et préfets, pour qu'ensemble, nous entreprenons la campagne de sensibilisation contre la violence électorale. Mais ce que nous constatons sur le terrain est édifiant. Là où il y a eu véritablement la crise, la guerre, les préfets et les maires de ces villes s'empressent pour nous  dire : « venez parler à nos populations, pour qu'on ne puisse plus revivre ce que nous avons vécu par le passé ». Tout à l'heure, je m'entretenais avec le maire d'une ville. Il m'annonçait qu'il était déjà prêt pour nous accueillir. Mais là où la crise n'a pas été cruelle, les gens ne s'empressent pas pour le moment. C'est normal, Parce qu'entre celui qui a vu le lion ou la panthère dans la brousse et celui qui ne le voit que dans un film ou à la télévision, je vous assure que ce n'est pas pareil. Je puis vous dire que nous avons vécu la guerre de 2010. Évidemment, nous l'avons vécue différemment. Ceux qui ont échappé à la mort en 2010, ne peuvent pas raconter les évènements de la même manière, que celui qui a été épargné! On n'a pas besoin de nous conter ce qui nous est arrivé. On devrait comprendre qu'il ne faut pas que cela se répète. Si nous aimons notre pays, nous devons faire en sorte que, dans l'union et dans un esprit de concorde, les choses qui se sont produites en 2010, ne se reproduisent.

Depuis toujours, c'est le pouvoir qui organise les élections en Côte d'Ivoire. N'est-il pas judicieux, aujourd'hui, de confier l'organisation des élections à une structure autonome et totalement indépendante du pouvoir et des partis politiques ?

La CEI ! C'est pour nous une expérience relativement nouvelle. Il ne faut donc pas l'accabler. Si nous aimons notre pays, nous devons l'aider à réussir, plutôt que d'épier au quotidien ses moindres gestes pour l'accabler ou pour lui attribuer, rien que de mauvaises notes. Cela dit, qui est vraiment indépendant et qui est vraiment autonome ? Il est difficile de donner une réponse aisée à ce questionnement. J'ai assisté à une réunion où il y avait des partis politiques et la société civile. Les partis politiques disaient des membres de la société civile, qu'ils étaient en fait, des lions habillés en agneaux. Qu'ils étaient plus partisans, que les membres des partis politiques. Parce que la société civile dénonçait le caractère trop partisan des partis politiques. Mais est-il impossible de trouver dans ce pays des personnes non inféodées aux partis politiques, et capables de nous organiser des élections relativement parfaites ? C'est une quête. Pour l'instant, ça me semble trop tard, mais il faut en arriver là. C'est-à-dire, par exemple, établir une liste de personnes éligibles. On donnerait alors compétence à l'Assemblée nationale d'élire les personnes ayant une grande expérience en matière électorale, compétentes et intègres moralement. Mais pour l'instant, il est bon que l'on soutienne la CEI, afin que la prochaine élection soit démocratique et pacifique.

Que dites-vous de la nomination du président Koné Mamadou au Conseil Constitutionnel qui suscite des réactions et inquiétudes, comme ce fut le cas lorsque Laurent Gbagbo nomma Paul Yao N'Dré ?

Vous me donnez l'occasion de revenir sur ce que j'avais déjà dit, et pour lequel des gens m'en avaient voulu. Les membres du Conseil Constitutionnel sont nommés par le Président de la République. Comme les membres du gouvernement, le Président de la République nomme des gens en qui il a confiance. Bien sûr, ils doivent être compétents. Mais il ne peut nommer quelqu'un en qui il n'a pas confiance, ce n'est pas possible. Même aux Etats-Unis d'Amérique, le Président nomme à la Cour Suprême des gens en qui il a confiance. Vous pourriez bien avoir des diplômes et des expériences, mais si on n'a pas confiance en vous, comment voulez-vous qu'on vous nomme ? Maintenant, une fois que vous êtes nommés, au lieu de renvoyer l'ascenseur à l'autorité de nomination, c'est à vous de montrer votre sens de grandeur, et manifester votre devoir d'ingratitude envers l'autorité de nomination. Cela consiste à lui dire: « Je vous prie Monsieur le Président de bien vouloir m'acquitter pour m'acquitter honorablement de mon devoir ». Si la personne qui vous a nommé n'est pas satisfaite, c'est à elle de prendre ses responsabilités. Moi, je ne jette pas a priori l'anathème sur une personne. Monsieur Yao N'Dré a été nommé en 2009, malheureusement cela ne s'est pas bien passé vers la fin. On en prend acte. En 2011, le Président Ouattara a nommé le président Wodié, une personnalité qui n'était pas de son obédience, dit-on. Ça s'est bien passé en partie. Mais à la fin, il a démissionné pour des raisons, que vous et moi, nous ignorons. Aujourd'hui, c'est monsieur Koné Mamadou. Attendons de voir ! Surtout, évitons les préjugés.

On constate un parti pris du pouvoir dans la crise au FPI et au MFA. D'un c&oci (...)

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