Dr Daniel Aka Ahizi, président du PIT sans détour : « C'est une honte que Gbagbo soit à la Haye » - « Ouattara doit démissionner du RDR »

  • Source: L'Inter
  • Date: mar. 25 juin 2013
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Ancien ministre de l'Environnement et des Eaux et Forêts, Dr Daniel Aka Ahizi est le président du Parti ivoirien des travailleurs, à l'issue du dernier congrès de ce parti. Le successeur du Pr Francis Wodié, interlocuteur de la ''Grande interview du mois'' de L'inter, ne donne pas dans la langue de bois quant à toutes les questions marquant l'actualité du pays. Face à face avec le leader politique qui défraie la chronique du moment en Côte d'Ivoire.

Président, si on vous demandait de définir le PIT aujourd'hui, que diriez-vous ?

Le PIT a, aujourd'hui, 23 ans. C'est un parti créé lors du grand mouvement du multipartisme en 1990. Officiellement, nous étions le tout premier parti de l'opposition contre le PDCI. C'est un parti qui s'est fixé d'emblée à gauche, pour des valeurs de gauche, des valeurs qui portent sur l'homme.

Nous partons du fait que l'économie, le développement se fait par l'homme, mais aussi pour l'homme. L'homme est au commencement et à la fin. Il ne faut pas s'en écarter. C'est ça fondamentalement la mission d'un parti de gauche; faire en sorte que l'homme soit au centre et qu'il soit le premier bénéficiaire de toutes les richesses qui sont créées. C'est pourquoi nous sommes le Parti ivoirien des travailleurs. Dans l'analyse économique, globalement il y a deux facteurs de production.

A savoir le capital et le travail qui se combinent pour créer les richesses. Mais, une fois les richesses créées, on constate que c'est le capital qui est privilégié et le travail abandonné. Notre but est de faire en sorte que le travail soit rémunéré à sa juste valeur. C'est le travailleur qui crée les richesses et il doit bénéficier, en priorité, des richesses créées.

Le travail est au centre de la lutte du PIT, est-ce que votre parti a toujours respecté cette ligne qu'il s'est donnée depuis le départ ?

Je dois avouer que nous nous sommes un peu écartés, dans la pratique, de cette vision. Sur le terrain, on ne nous a pas souvent vu aux côtés des travailleurs au point où les Ivoiriens, pour caricaturer le PIT, disent que c'est le parti des intellectuels. Comme dans leur entendement, les intellectuels ne sont pas des travailleurs, cela paraissait contradictoire. On se disait parti des travailleurs, mais on n'était jamais du côté des travailleurs. C'est une erreur dans la mesure où la compréhension n'a pas été développée à ce niveau, parce qu'un intellectuel est un travailleur dès l'instant qu'il n'est pas propriétaire d'un capital. Cela nous a desservis.

Pendant très longtemps, on est restés un parti d'intellectuels et nous n'avons rien fait pour être au quotidien aux côtés des travailleurs. Nous sommes un peu fautifs, et c'est tout cela que nous voulons redresser maintenant. Pendant nos actions, ces quatre années, nous allons faire en sorte qu'à chaque fois que les travailleurs auront une revendication, nous soyons en mesure de les porter au niveau politique. Voilà pourquoi nous avons participé à la fête du travail cette année. Nous avons déjà rencontré des syndicats. Nous étions du côté des enseignants quand ils étaient en grève, pour interpeller le gouvernement et lui dire de tenir compte de leurs revendications. Ce n'est pas pour déranger quelqu'un ou perturber pour le plaisir de le faire que les gens revendiquent ou font la grève. Heureusement qu'on a été entendu et ils ont eu quelques satisfactions.

Président, qu'est-ce que vous mettez dans le concept de travailleur? N'est-ce pas la mauvaise interprétation de ce concept qui fait que vous êtes confinés dans le cercle des intellectuels ?

Le travailleur, c'est celui qui n'est pas propriétaire de capital. Il y a deux facteurs de création des richesses, le travail et le capital. Donc, il y a les propriétaires du travail qui sont les travailleurs, et les propriétaires du capital qui sont les capitalistes. Le travailleur, ce n'est pas seulement celui qui est en activité, c'est aussi celui qui n'est pas en activité, qui doit rentrer dans le processus de production. C'est celui qui n'a que sa force de travail à offrir. Ça devient complexe parce qu'il y a des Ivoiriens qui nous disent qu'ils ne travaillent pas, donc ils ne sont pas des travailleurs.

En termes plus simples, qui est travailleur? Le professeur, le paysan, le maçon, etc. ?

C'est à la fois le professeur d'université qui n'a pas de capital, le manœuvre qui n'a pas de capital, le paysan qui n'a pas de capital, le jeune étudiant qui vient de terminer ses études qui n'a pas de capital et qui veut entrer sur le marché du travail, dans le processus de production. Il ne peut pas être capitaliste, parce qu'il n'est pas propriétaire de capital.

C'est complexe et nous en avons pris conscience. Nous avons même souhaité, au congrès, qu'on change de dénomination, qu'on ne parle plus de l'appellation ''Parti ivoirien des travailleurs'' mais le ''Parti ivoirien du travail'', pour mettre tout le monde d'accord. C'est clair, l'étudiant fait des études pour chercher du travail, et même le capitaliste va dire qu'il travaille. C'est beaucoup plus facile à comprendre et c'est beaucoup plus rassembleur. Mais, j'ai été mis en minorité au congrès sur ce point et on a gardé ''Parti ivoirien des travailleurs''. Mais, je sais que ça pose problème. Cela va nous amener systématiquement, à chaque fois, à expliquer.

On passe le temps à expliquer et on ne va pas à l'essentiel. Mais, retenez simplement que les travailleurs, c'est tout le monde, tous ceux qui n'ont pas le capital, qui ne sont pas propriétaires d'un capital, qui ne sont pas héritiers d'un capital et qui n'ont que leur force de travail. Je parle de l'intelligence pour travailler dans un bureau, le manœuvre, le paysans avec ses outils. C'est une analyse assez complexe, une analyse marxiste qui n'est pas à la portée de tout le monde, même de nos dirigeants. Nous sommes un parti qui fait la promotion du travail. J'ai proposé cela mais ce n'est pas passé. Bon, on va continuer d'expliquer (…).

Au plan purement politique, on sait que le PIT est un parti de gauche. Avez-vous marché comme tel, surtout quand on entend parler aujourd'hui de RHDP plus PIT ?

Ce sont des alliances qui ont pu se faire, mais ce n'est même pas une alliance en ce qui nous concerne. À un moment donné, il fallait choisir dans une situation particulière. Nous allons prendre le temps d'analyser tout cela. Nous allions faire un séminaire sur la question, pour savoir les alliances que nous pouvons faire. Il ne faut pas faire les choses à chaud, faire des choix qui peuvent quelquefois nous desservir.

Pensez-vous que cela a été une erreur ?

Je pense que cela a été traité à chaud, on n'a pas eu suffisamment de recul. Chacun a pris la position qu'il a pu prendre et cela a divisé le parti. On n'a pas eu le temps de digérer.

En son temps, nous avions choisi majoritairement de soutenir le RHDP pour favoriser l'alternance, et puis il y a eu la confusion qui s'est faite après le départ du président Wodié. La direction, qui était là, pensait que le fait d'avoir soutenu le RHDP était une alliance. Ce qui n'est pas normal, ce n'est pas correct. Dorénavant, nous allons travailler sur les alliances, et aucune alliance ne se fera s'il n'y a pas une plate-forme minimale. C'est-à-dire que nous avons nos valeurs.

Du jour au lendemain, si nous devons nous mettre en alliance contre Alassane Ouattara, ça peut être notre objectif immédiat mais si demain Alassane Ouattara tombe, on fait quoi? C'est le problème du RHDP. Nous pensons que toute alliance doit se faire sur un minimum, et ce minimum, cette plate-forme minimale va nous permettre de faire un programme de gouvernement. Là, les choses sont préparées et c'est cohérent. Nous n'allons pas tout de suite nous engager dans des alliances que des gens nous proposent. Nous allons nous asseoir et voir ce qui nous unit, ce qui nous rapproche.

À partir de ce minimum qui nous rapproche, on peut, peut-être, développer un programme de développement pour créer une alternance par rapport au régime en place.

Beaucoup sont surpris qu'un parti socialiste se retrouve en alliance avec des idéologies contraires. On le voit en France, les partis politiques ne peuvent faire des alliances qu'à partir d'une base idéologique commune. Comment avez-vous compris cela, notamment avec les commentaires qui estiment que cela a été un piédestal pour le président Wodié pour se retrouver au Conseil constitutionnel ?

En France, il n'y a pas eu d'alliance, mais il y a eu quand même une mobilisation de tous les partis politiques pour une cause spécifique. Vous savez que Chirac a été élu à plus de 80% avec l'appui des socialistes, contre Jean Marie Lepen. Donc, on peut avoir des soutiens, des regroupements pour une situation spécifique.

Quand il s'agit par exemple de défendre le territoire, de défendre la nation, on ne va pas regarder la couleur politique de tel ou tel homme politique. Là, le regroupement doit se faire immédiatement.

Quand il s'agit de sauver la nation, de protéger l'essentiel, nous n'allons pas discuter sur ces bases. Mais maintenant, nous allons regarder. Prenons les partis et regardons ensemble ce qui s'y passe. Le RHDP est composé du PDCI, du RDR. Prenons ces deux-là seulement. Nous avons quel type de PDCI à l'intérieur du RHDP? Il se disent libéraux mais nous avons pris le temps de regarder. Il y a le PDCI d'Houphouët-Boigny avec sa vision libérale qui est totalement différente de la vision libérale de Bédié, qui est totalement différente de la vision libérale d'Alassane Ouattara. Mais, ils se disent libéraux tous les trois. Nous serons peut-être plus proches du libéralisme d'Houphouët-Boigny, et peut-être encore plus proches du libéralisme de Bédié que celui d'Alassane Ouattara. Pourquoi? Parce que le libéralisme d'Houphouët-Boigny, c'est l'État providence. Il le disait lui-même, ils ne sont pas des socialistes, mais ils font un socialisme des plus hardis, l'État providence. Le capital appartient quelquefois à l'État, à des privés, mais on met l'accent beaucoup plus sur le social. Il était très avancé en termes de socialisme.

Après, on a eu le capitalisme de Bédié où le tissu économique était essentiellement les PME. Et dans cette logique, il faut faire la promotion de ces entreprises ivoiriennes. C'est du libéralisme, mais il faut que l'économie soit maîtrisée par les Ivoiriens et par les PME puisque les Ivoiriens n'ont pas de grands moyens pour avoir des capitaux importants. Il s'agissait de faire la promotion des petits capitaux maîtrisés par les Ivoiriens et l'économie natio (...)

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