Difficultés, accueil, prestations dans les CHU : Le calvaire des malades - Trois jours avec un ambulancier - Témoignage poignant sur des pratiques révoltantes

  • Source: L'Inter
  • Date: jeu. 19 juin 2014
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Dimanche 27 avril, il est 9h30. Déguisé en ambulancier, nous nous retrouvons à la maternité du Centre hospitalier et universitaire (Chu) de Treichville.

Une femme qui n'a pu accoucher dans un hôpital général d'une commune d'Abidjan sud, y est transportée d'urgence. Dans la grande salle où s'effectuent les césariennes, nous sommes reçus par des praticiens. Drapé d'une blouse verte, celui qui nous est présenté comme le chef demande les raisons de notre présence. «Nous avons une patiente. Est-ce qu'on peut l'emmener?», demandons-nous. Le visage fermé, le praticien acquiesce.

Mais, il engage un débat avec le chauffeur de l'ambulance. «Pourquoi ne l'emmenez-vous pas à l'hôpital général de Port-Bouët ? Ils ont un bloc opératoire là-bas !». Réponse de l'ambulancier: « Ce sont des instructions que nous recevons. Mes patrons m'ont demandé de l'emmener ici». «Vous auriez dû le faire», rétorque le praticien. La discussion s'anime entre l'ambulancier et le praticien. Agacé, l'ambulancier demande s'il est possible de transférer un malade, dont le cas nécessite des soins appropriés, d'un hôpital général à un autre. «Nous ne faisons qu'exécuter les ordres et rien d'autre», indique sèchement l'ambulancier.

Le praticien se fâche et se lance dans un monologue, tandis que la patiente attend, souffrante, impatiente d'être prise en charge. L'ambulancier laisse sur place le praticien et la fait rentrer. Celle-ci, visiblement mal en point, émet des gémissements de douleur. Il lui est demandé d'abandonner ses sandales à l'entrée de la salle et de monter sur une balance. Aussitôt fait, elle est conduite dans une petite salle à l'intérieur du hall où nous nous trouvons. «Tu vois, ces gars-là sont de mauvaise foi. Parfois, ils nous demandent de repartir avec les patientes dans un autre Chu», nous lance l'ambulancier, notre compagnon du jour.

Nous embarquons à nouveau à bord du véhicule, pour notre point de départ. Lundi 28 avril, dans l'après-midi, nous avons un autre cas signalé en urgence. Une femme, faisant une éclampsie, a besoin d'être évacuée. Sa tension artérielle a augmenté pendant qu'elle est en instance d'accoucher. Il faut l'emmener droit au Chu. L'ambulancier est prévenu. Nous récupérons la malade, direction le Chu de Treichville, comme cela est inscrit dans le registre des évacuations. Sur place, la malade est prise en charge par une praticienne. Une dame de forte corpulence, qui ordonne qu'on fasse entrer la patiente dans la salle. Nous nous exécutons aussitôt, avant de repartir.

Le même manège reprend. Du 27 au 30 avril 2014, la plupart des patients transportés au Chu de Treichville n'étaient que des femmes en accouchement difficile qu'il fallait césariser. Nous en avons dénombré quatre. Globalement, elles ont pu bénéficier d'un bon accueil, hormis le premier cas. Toutefois, sur les lieux, les familles ont vécu diverses fortunes pour voir leur malade bénéficier de soins appropriés. C'est le cas de Bansa Djeye, dont la génitrice, qui se lamentait quand nous l'avions approchée, à la maternité du Chu. Celle-ci dit avoir été victime de racket de la part des sages-femmes. «Voici l'ordonnance qu'elles m'ont fait payer, au motif que ma fille allait être césarisée. J'ai tout payé et grande fut ma surprise de constater qu'elle a accouché normalement. Les sages-femmes m'ont tout pris, me disant qu'après mon départ pour la pharmacie, elles ont dû administrer des médicaments à ma fille pour la faire accoucher normalement. Elles ont pris tous les médicaments», a-t-elle indiqué, nous brandissant une ordonnance médicale du service de gyneco-obstétrique de l'unité de la salle d'accouchement.

Selon cette plaignante, plusieurs d'entre elles ont été victimes d'une telle situation, consistant à faire payer des ordonnances à des femmes en travail sous le prétexte qu'elles devraient être césarisées, puis à garder par devers elles les médicaments quand la patiente accouche normalement. Elles savent bien qu'il n'y a pas de césarienne à faire, mais leur réflexe est de prescrire les ordonnances systématiquement. Ce n'est pas bien, par ces temps difficiles, de faire dépenser les pauvres gens que nous sommes, s'en plaint notre interlocutrice, qui nous a remist son ordonnance, en guise de preuve.

Dans la matinée, le même jour, un drame est survenu par la faute d'une praticienne. Appelé d'urgence, l'ambulancier est accouru pour transporter un nourrisson mal en point, au service de pédiatrie du Chu de Treichville. Une fois sur place, nous conduisons le bébé aux urgences dudit service. Dans la salle, le praticien, sur place, nous ordonne de sortir. L'ambulancier tente de lui expliquer qu'il y a un cas urgent, mais il refuse d'entendre raison. Monsieur et madame Bassi, les parents du nourrisson, sont priés d'attendre dehors avec leur bébé. Le praticien indique que son collègue, qui doit l'aider, a quitté la salle et que quelqu'un est allé le chercher.

Dix à quinze minutes environ, une dame de teint clair entre dans la salle des urgences. Quelques instants après, M. et Mme Bassi sont invités à entrer avec leur nourrisson. Trop tard, le bébé venait de décéder. Il n'aura vécu que deux jours, puisqu'il est né le 27 avril 2014. La mère, en sanglots, tient dans ses bras un enfant inerte, qui a arrêté de respirer depuis quelques minutes. M. Bassi, tout affolé, est au bord de la révolte. Mais, il refuse d'exprimer sa colère, de peur de se voir créer des problèmes. «Ils ont tué mon enfant», lâche-t-il impuissant, hors du service. Nous tentons de le consoler. Mais, l'homme reste convaincu que si son bébé avait été vite pris en charge, il aurait survécu. Il tente alors de convaincre les praticiens de le laisser partir avec l'enfant, pour lui éviter des dépenses supplémentaires. Niet, rétorquent les médecins.

Nous rembarquons à bord de notre ambulance, dépités par cette scène insoutenable. «C'est souvent comme ça ici. Plusieurs patients décèdent dans cette voiture à cause de ces genres de situation. Quand on parle d'émergence, je ne crois pas qu'on y arrivera avec une telle mauvaise foi. Peut-être que tu as de la chance. Hormis ce cas où tu as pu constater de visu la mauvaise foi de ces gens, les médecins se sont occupés plus ou moins bien des autres», nous lance l'ambulancier entre deux coups d'accélérateur. Triste et pathétique réalité dans l'univers des hommes en blouse blanche. Ces praticiens qui semblent plus inquiéter certains que de les rassurer dans les Chu et autres hôpitaux publics.

E.L. 

 

Ces réalités et ces pratiques cachées au gouvernement

Certes, les praticiens en blouse blanche ne sont p (...)

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