Alpha Blondy, sans détour, les vérités crues : « Les pro-Gbagbo sont perdus » - « Danser pour la mort de Ouattara, c'est inhumain ! » - « Même si vous ne l'aimez pas, reconnaissez que le Président Ouattara travaille ! »


(Photo d'archives)
  • Source: Le Patriote
  • Date: vend. 21 mars 2014
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Sans doute, est-ce l'une des rares interviews accordées par Alpha Blondy ces dernières années, où l'homme s'ouvre aussi grandement et sans faux-fuyants aux journalistes. Le MASA, le FESTA, le BURIDA et la piraterie, ses nouveaux investissements, Bédié, Guéi, Gbagbo, Soro, Ouattara, la Côte d'Ivoire sous Ouattara, la question de la libération de Gbagbo, de Blé Goudé, l'article 35, la réconciliation nationale… autant de sujets que la méga star, dans le franc-parler qu'on lui connaît, passent au peigne fin.

Le Patriote : Lors de la clôture du MASA (Marché des arts du spectacle africain) 2014, le samedi 8 mars dernier, au Palais de la culture d'Abidjan-Treichville, votre montée sur scène a été retardée d'une heure. Il y a eu beaucoup de spéculations. Qu'est-ce qui coinçait véritablement ?

Alpha Blondy : La console était en panne. Pourquoi cela est-il arrivé ? On ne le sait pas. Mes techniciens se sont attelés à réparer cela très vite. Ça arrive dans ce métier.

 

LP : C'est quand même curieux que cela survienne juste avant votre montée sur scène…

AB : Les pannes techniques, ça arrive.  Ce n'est donc pas grave.

 

LP : Vous avez clos de façon mémorable ce MASA-là par un très grand spectacle. Comment jugez-vous le retour de cet événement, après sept années d'absence ?

AB : C'est une très bonne chose. Vous savez, la Côte d'Ivoire n'est pas une exception. Les individus comme les Nations doivent traverser dans leur vie des épreuves que Dieu met sur leur chemin. Je crois que la Côte d'Ivoire a traversé cette épreuve-là. Le MASA, c'est une sorte de convalescence pour la Côte d'Ivoire. Il y a eu beaucoup de travers, parce que ce ne sont pas forcément des professionnels. Il faut encore un certain temps pour qu'ils se fassent la main. Mais, c'est une initiative qui mérite d'être encouragée. On va toujours dénoncer les choses. La critique est facile, c'est l'art qui est difficile. Je pense qu'il fallait que ça redémarre. Maintenant, les uns et les autres vont prendre conscience du rôle qu'ils doivent jouer pour que les choses se passent bien prochainement. Mais, la Côte d'Ivoire rompt avec le négativisme ambiant dans lequel on s'était plongé. Donc, le fait que ce MASA arrive, je ne parlerai pas des erreurs, c'est normal. Je dirais que ça met la Côte d'Ivoire en lumière. Là, on ne parle plus de charniers, et on ne fait plus le décompte macabre des morts. Ce n'est pas par ces horreurs qu'on connaît la Côte d'Ivoire. On connait la Côte d'Ivoire sous de meilleurs jours. Et je crois que c'est cette renaissance-là qu'il faut encourager. C'était bien.

 

LP : Quelle est la part des artistes dans cette renaissance, quand on sait qu'Alpha Blondy, qui est quand même  la tête de pont, avait un festival, le FESTA (Festival d'Abidjan), qui, depuis quelques années, n'existe plus ?

AB : La raison est simple. Je me suis maintenant orienté vers l'immobilier. Vous savez en Europe, les projets comme le Festa ou le Femua (Festival des musiques urbaines d'Anoumabo) bénéficient d'une subvention étatique. Moi, je n'ai pas eu droit à ça. Pour chaque Festa, il fallait engloutir (dans les dépenses liées à l'organisation) 100 millions voire 150 millions de FCFA.  Pour ma petite poche, c'était trop. On est en affaire. No business, no show. J'ai donc décidé d'investir dans l'immobilier.  Quand j'aurai des partenaires fiables et  des sponsors ou si jamais la Côte d'Ivoire, comme la France, arrive à subventionner les projets comme  ça,  je pourrais alors relancer le Festa.   Mais, je ne peux pas en tant que moi, pour mon amour pour la musique, engloutir autant d'argent dans le Festa. Et en plus, à chaque fois, je me fais insulter. Je perds de l'argent et je me fais insulter. La politique a bousillé également le Festa, avec  le tiraillement entre les partis politiques. Chacun veut que tu sois de son côté. Et des fois, tu es embêté, tu es en permanence entre le marteau et l'enclume. Tu as écrit à tous les présidents pour qu'ils viennent à ton concert. Certains disent qu'ils ne viennent pas parce que Charles Sanga qu'ils n'aiment pas,  arrive. Ils ne veulent pas être à la même tribune que lui. Mais, ce n'est pas de ta faute. Finalement, Charles Sanga arrive et leurs journaux proches de ceux qui ne sont pas venus commencent à te tirer dessus. On t'accuse de souper avec Charles Sanga. Mais, si j'ai invité tout le monde  et que seul Charles Sanga est venu, que voulez-vous que je fasse ? Donc, il y a tous ces non-dits et toutes ces guerres derrière le rideau. C'est pourquoi, j'ai choisi de prendre du recul et de passer à autre chose. Toutefois, ce n'est pas un abandon. Quand je serai prêt, le Festa reviendra. J'ai déjà un espace à Bassam prévu pour ça. Pour le moment, je ne peux pas dépuceler le projet. Mais, je l'ai en préparation.

 

LP : Doit-on donc comprendre qu'Alpha Blondy est plus homme d'affaires qu'homme de culture ou artiste. Pourquoi, au-delà du soutien de l'Etat, vous n'useriez pas par exemple de vos relations pour faire de la Côte d'Ivoire la plaque tournante du reggae ? 

AB : C'est ce qu'on voulait faire avec le Festa. Lors de la deuxième édition (ndlr, en 1998), Alpha Blondy  arrive à 5 h du matin. Pourquoi ? Il devait passer à minuit. J'étais à Grand-Bassam, dans ma chambre d'hôtel au Koral Beach. Et puis j'ai dit à Meiway de partir, parce qu'il devait se produire à 22 heures. J'ai dit aux gendarmes qui étaient chargés d'emmener Meiway de revenir me chercher. Ils sont partis avec Meiway, mais ne sont pas venus me chercher. Vous vous rendez compte, j'ai été à mon propre concert en auto-stop ! On a même failli se noyer dans les pneumatiques des pompiers, sur le fleuve en allant sur le lieu du concert à Azuretti. Après, on a appris qu'une pression avait été exercée sur eux. Les agents de la Police nationale, qui devaient assurer la sécurité du festival, étaient prêts, lorsque le matin du concert, ils ont exigé que je leur paie 7 millions cash. Je leur ai proposé de le faire après le concert, ils ont refusé. Du coup, je me suis tourné vers les gendarmes qui ne demandaient que 2 millions, ce qui est facile à payer. C'est après que j'ai appris que l'équipe qui pilotait les  Afro-musiques  les avaient dressés contre nous. A l'époque, j'avais dit à mon manager, Koné Dodo, que je ne participerais pas  à  ce projet de 57 milliards de FCFA. Donc, ils ont empêché la police de sécuriser mon festival.  Pour 200 milles personnes, il n'y avait que 7 gendarmes ! Et en plus, des policiers avaient confectionné des billets parallèles qu'ils vendaient. Ça a dégénéré,  heureusement qu'il n'y a pas eu de morts.  Mais,  ça m'a un peu refroidi. Des gens ont écrit qu'Alpha avait fumé de gros pétards et puis s'est endormi. Ce qui n'est pas vrai du tout. J'ai pris des mois pour transformer, avec des bulldozers, ce marécage en une plage lagunaire, parce que je voulais un Festa à l'image des grands festivals d'Europe. On préparait le 3ème Festa, lorsque le coup d'Etat a eu lieu. Mes musiciens étaient déjà dans l'avion. Du coup, je ne pouvais pas sortir, vous connaissez mon courage légendaire. La Côte d'Ivoire vivait pour la première fois un coup d'Etat, et les musiciens sont restés coincés à Grand-Bassam puis sont repartis. Quelques années plus tard, on l'a tenu toujours à Grand-Bassam. Pour l'occasion, j'avais invité tout le monde : mon frère Soro (ndlr : Guillaume), mon grand-frère Alassane Ouattara ainsi que le président Gbagbo. Soro ne pouvait pas venir parce que, comme par hasard, il y avait une attaque sur Bouaké. Gbagbo est donc venu. Mais, là encore au corridor d'entrée à Grand-Bassam, les hommes en tenue faisaient retourner les cars, des « Bramôgôs » qui venaient. A la fin de toute cette opération, j'avais une dette de 48 millions de FCFA. Parce que votre journal à l'époque avait écrit qu'Alpha Blondy avait reçu 300 millions de la part de Gbagbo et que j'avais remis 100 millions à Blé Goudé. Ce qui était faux. Quand les gens ont lu ça, ils ont monté les enchères. Le guitariste Sangaré dit qu'il ne veut plus 20 mille, mais 50 mille ou rien. Chacun a triplé ses prix. Je me suis retrouvé avec cette lourde ardoise.

 

LP : Justement, aujourd'hui, avec cette nouvelle Côte d'Ivoire qui retrouve la paix, ne pensez-vous pas que le Festa a toute sa place ?   

AB : Chaque chose en son temps. Je vais essayer d'abord de trouver des partenaires, peut-être que je vais voir le ministre Bandaman pour une subvention, le ministère de la Francophonie en France pour un appui,  histoire de faire quelque chose de grandiose. J'ai le carnet d'adresses de Ziggy Marley, de Stephen Marley, de Sean Paul. Mon manager est le tourneur de Sean Paul, Ziggy Marley, Stephen Marley, Rita Marley, Beenie Man et d'autres artistes que je ne saurai énumérer ici. Donc, on a toute cette possibilité-là. Mais si je veux le faire, ce serait bien qu'on fasse une sorte de triangle, c'est-à-dire, entre le MASA, le Femua et le Festa. Que ce soit un deal, une alliance et un partenariat gagnant-gagnant. Qu'on puisse fournir aux autres nos carnets d'adresse par rapport aux artistes. On va peut-être encore réessayer de faire le Festa.  J'ai l'espace. Maintenant, il faut qu'on trouve les fonds. Je vais en discuter avec mon petit-frère A'salfo, le ministre Maurice Bandaman et le Pr Yacouba Konaté, pour voir ce qu'on peut faire pour faire ce triangle événementiel.

 

LP : En attendant, vous renouez avec la production, en tendant un peu la perche à deux de vos jeunes frères, notamment Nash et Ras Goody. Pourquoi singulièrement le choix de ces artistes ?

AB : Dans ce métier, qui trop embrasse, mal étreint. J'ai commencé avec Queen Adjoba, qui est  sur le marché. Ensuite, ce sera le tour de  Ras Goody, qui va sortir ce mois-ci un single de deux titres. Après Ras Goody, Nash sortira aussi un single. Puis suivront Julien Goualo et d'autres comme Kaloudja, Jah Light, peut-être Slamty, du groupe Reggae Light. Ce sont des jeunes qui font de la bonne musique. Et comme c'est une affaire de gros sous, il faut aller mollo-mollo. Sinon tu vas sortir beaucoup et puis ça ne sera pas bien fait.  Et je ne veux pas pénaliser leur talent. C'est pourquoi, je prends mon temps pour les faire travailler, pour amener les musiciens à les accompagner et en même temps, faire un travail médiatique pour leur décollage. Voilà pourquoi ça prend du temps et ça demande beaucoup de sous et d'énergie.

 

LP : Vous vous lancez dans cette entreprise-là au moment où l'industrie musicale est carrément à terre. N'est-ce pas un risque financier que vous prenez ?

AB : Bien sûr que c'est un risque financier. Mais, la nature n'aime pas le vide. Quand tu signes un contrat avec une maison de disque européenne, elle te dit qu'elle te distribue dans le monde entier sauf en Afrique. Parce que les pirates ont pris le marché africain. Et nos différents ministères de la Culture africains sont en train de s'organiser afin d'éradiquer ce phénomène de la piraterie. Parce qu'il faut que les artistes vivent de leur art. On nous a marginalisés, nous sommes la 7ème roue de la charrette. Il faut donc qu'on s'organise. Sans nous, il n'y a pas de fêtes. Sans nous, il n'y a pas de radio, parce que la radio vit avec la musique, la télé vit avec la musique. Les gens ne vont pas écouter la radio ou la télé pour juste entendre que les discours des politiques. C'est ennuyeux et fatigant. Donc quelque part, ce n'est pas juste que des musiciens soient en train de mourir comme des mouches, des malheureux, sans rien. Tandis que quand tu vas à des mariages, c'est leur musique qui est en train d'être diffusée. Ce n'est pas juste. Je ne parle même pas de droit, je parle sur le plan humanitaire. Il faut que cette injustice soit réparée.

 

LP : Vous êtes membres du Conseil de gestion et de restructuration du Burida (Bureau ivoirien du droit d'auteur), qui a justement pour vocation aussi de lutter contre ce phénomène. Comment expliquez-vous que jusque-là, cette structure peine à juguler ce fléau en Côte d'Ivoire

AB : Je vais vous dire la vérité. Le problème du BURIDA vient du ministère de la Culture et de la Francophonie. Je ne veux pas être celui qui va lancer la pierre à qui que ce soit. Tous les ministres de la Culture ont été défaillants. Parce que je soupçonne des personnes qui sont tapis dans l'ombre. Tous les ministres passent, mais elles (ces personnes), elles sont là. Et ce sont elles qui s'enrichissent avec l'argent des artistes. Ce n'est pas normal que Charles Sanga, qui a fait un disque qui marche et Sangaré, qui a fait un disque en 1972, un seul disque qu'on connait, reçoivent la même somme. On se croirait au temps du régime communiste. On dirait que le gouvernement fait de la charité aux artistes. Moi, je pense qu'il faut privatiser le Burida. Et qu'il faut le séparer du ministère de la Culture. Le malheur du Burida vient du ministère de la Culture. Je ne dis pas que c'est du ministre, parce que tous les ministres qui sont passés, ont été aussi victimes de ce comptoir installé au sein du ministère de la Culture sans que les ministres ne puissent le savoir. Je prends un exemple : le ministre Augustin Komoé avait dit que je devais recevoir 10 millions, pour l'organisation d'un concert au Café de Versailles. J'en avais fait la demande, et cela m'avait été accordé. Pour avoir ces 10 millions, on m'a fait tourner et tourner. Et quand tu viens voir le ministre, on te dit qu'il n'est pas là, même quand il est là. Et c'est quelqu'un qui m'a soufflé que je devais donner un peu d'argent pour que la situation soit décantée.  J'ai dit que je ne marchais pas dans ça. Et lorsque j'ai eu le ministre, je lui ai fait savoir qu'il paraît que pour avoir mon argent, il fallait que je soudoie d'abord quelqu'un. Et là mon argent est sorti, avec beaucoup de grincements de dents. Il y a donc toute une mafia au sein du ministère de la Culture que ni Bandaman Maurice, ni son prédécesseur ne peuvent combattre. C'est pourquoi,  il serait impérieux de privatiser le Burida, à l'instar de la Sacem.  En France, elle ne dépend pas du ministère de la Culture. Copions les bonnes choses. Il serait souhaitable que le ministère de la Culture soit séparé complètement du Burida. Des gens disent que le Burida est la caisse noire du ministère de la Culture.

 

LP : Vous y croyez ?

AB : Oui, parce que des responsables du Burida me l'ont dit. Et ce sont ceux-là qui manipulent chaque fois le Conseil d'administration contre le directeur du Burida. Mais, ils ont bien divisé les artistes et le Burida pour nous enc…

 

LP : Mais, l'Ivoirien lambda, il dira qu'Alpha Blondy  donne des concerts partout  dans le monde, au Japon, en Argentine, en France, etc. Mais Que va t-il faire avec les maigres moyens du Burida en Côte d'Ivoire ?

AB : C'est bien dit. Mais, il faudra dire à cet Ivoirien lambda, que s'il ne pleut pas sur l'Océan, il tarira. Et c'est ce genre de mentalité que nous devons bannir. Combien d'artistes sont morts par manque de soins ? Les gens confondent être célèbre et être riche. Souvent le gars, il est célèbre, mais il n'a rien en fin de compte. Sans compter les fameux ‘'grand-frères, ton petit a faim'' ou ‘'Vieux-père, ton petit frère…''. Tu donnes à gauche, tu donnes à droite. Donc quelque part, il faut absolument que les gens comprennent que l'artiste ne peut pas vivre que de compliments,  d'amour et d'eau fraîche, parce qu'il a aussi ses enfants, il a son loyer à payer. Et puis, il paie les impôts. Les impôts sont prélevés à la source. Donc, ce n'est pas juste que nous soyons les parias d'un système, que nous soyons les laissés pour compte, ce n'est pas juste. Ce n'est pas parce qu'Alpha Blondy a réussi qu'il va laisser mourir Sangaré de faim. Ce n'est pas parce que Charles Sanga a une carrière internationale, que les autres doivent crever. Nous sommes une famille et quand un est touché, on est tous touchés. Un exemple criant : les Ivoiriens vont présenter leurs vœux au président de la République. Ils ont invité tout le monde sauf les artistes. Quand ils avaient besoin de nous pour la caravane de réconciliation, on était là. Mais pour aller présenter nos vœux, on n'était pas là. J'étais un peu fâché avec le ministre par rapport à cela.

 

LP : Vous considérez cela comme du mépris ?

AB : Oui,  c'est un mépris. Je ne parle pas seulement des artistes en tant que musiciens, mais aussi  des acteurs, des comédiens. On n'a pas été convié à cette cérémonie. Tout le monde est venu présenter ses vœux, sans nous. Mais quand il s'agit de descendre dans la foule, dans la fosse aux lions pour aller réparer les bêtises commises par les politiques, on nous appelle. Ce n'est pas juste. C'est nous qui avons emprunté les routes brûlées, les routes foutues pour aller parler aux populations. Ayez quand même la décence de nous inviter aussi quand il s'agit de présenter les vœux au président de la République.

 

LP : Lors de la caravane pour la réconciliation, certains artistes ont déploré, pour ce devoir citoyen, que les têtes d'affiche dont vous, aient touché de gros cachets. On parle même de 60 millions de FCFA !

AB : Ce n'est pas qu'à l'artiste de faire face au devoir citoyen. Les ministres qui sont des politiques auraient pu au moins sacrifier chacun deux mois de salaire. Ça, ça aurait au moins été aussi un geste à faire. Pourquoi forcément nous ?

 

LP : C'est vous qui drainez du monde

AB : Nous drainons du monde dans le bon sens. Et ceux qui envoient le monde s'entretuer ? Pourquoi, ceux, qui ont posé des actes ayant entrainé la mort à travers le pays  ne feraient-ils pas un geste ? Ont-ils fait quoi ? Y a-t-il un ministre qui a renoncé ne serait-ce qu'à un mois de salaire pour la CDVR (Commission Dialogue Vérité Réconciliation) ?  Pourquoi nous ? Première question. Deuxièmement, Ghislain Kouassi (son ancien manager Afrique) et moi avons rencontré le président de la République, le ministre Maurice Bandaman et le Conseiller en communication, Amadou Gon Coulibaly. Ensuite, les équipes de Kanté Production, de Voodoo Communication et d'Alpha Blondy ont travaillé pour faire un budget pour la caravane. Il s'élevait à un milliard trois cent millions. Quand on s'est mis d'accord, on est allé présenter le projet au président de la République, qui l'a approuvé.   Il a même ajouté que ça pourrait aider les artistes. Quand on est sorti de cette rencontre, le ministre m'a félicité pour avoir bien défendu le dossier. Puis, je pars en tournée, après avoir dit à Meiway, Tiken et A'salfo que le président avait validé le budget. On était tous contents. Un mois plus tard, on m'appelle pour me dire le ministre de l'Economie et des Finances n'est pas d'accord avec le budget que le président a validé. Et que lui ne peut pas sortir ce montant d'un milliard trois millions et que lui, il ne peut que donner 840 millions. Ça m'a un peu énervé. J'ai donc décidé de me retirer de la caravane. C'est ainsi que mon  jeune frère, Fabrice Sawegnon, est venu me voir pour me dire de ne pas me retirer, parce que c'était mon initiative et qu'il fallait que je reste. Mais j'ai dit à Fabrice que ce n'était pas normal. Si le ministre de l'Economie peut dire non au président, moi je peux dire quand même non au ministre, c'est mon droit. A un moment donné, j'ai appelé Tiken et Niamkey, le manager de Meiway, pour leur demander de défendre ce qu'on a retenu pour eux. Et j'ai exigé que le cachet prévu pour ceux qui sont sous ma coupe soit respecté. Pour les autres, je leur ai dit d'aller discuter avec eux, parce que je n'avais pas envie d'être encore taxé de trouble fête. C'est ce qui a été fait. Mais ce qui m'a blessé, c'est  le fait qu'on ait épilogué sur ce qu'Alpha Blondy et Tiken ont reçu, et que le ministère de la Culture n'ait pas réagi pour expliquer à l'opinion que le budget initial n'avait pas été respecté.  Et que finalement, c'est 840 millions qui avaient été  finalement  décaissés. Cela nous aurait au moins dédouanés. Mais, ils ne l'ont pas fait. Ça m'a vexé et ça m'a blessé. Comme ce sont des gens que je respecte, je n'ai pas voulu en parler à la presse. Et maintenant, quand des gens disent oui mais ils auraient pu faire ça gratuitement, je leur dis en anglais, f…. J'ai des enfants à nourrir, j'ai des charges. Je paie ma facture d'électricité. Je ne vais pas mendier pour qu'on me donne  1000 FCFA afin que je puisse payer les médicaments avant que mes enfants ne crèvent. De grâce, qu'ils arrêtent ça. S'il y a des gens à qui ils devraient demander ce qu'ils demandent à nous les musiciens, c'est les politiques, les différents partis politiques, les gars du FPI, du RDR, du PDCI. Ce sont eux dans leur politique qui ont mis le pays dans cette posture délicate. Parce qu'ils devraient avoir la décence de dire que nous, on est prêt à renoncer à deux mois voire trois mois de salaire, pour aider les victimes. Mais ce n'est pas bien chaque fois de nous éclabousser avec leur mépris. C'est indécent.

 

LP : Aujourd'hui, quels sont les projets  immédiats d'Alpha Blondy, quand on sait qu'il a obtenu une fréquence radio ?

AB : J'ai déjà ma radio et je travaille sur mon prochain album. Et puis, je produis des artistes et j'ai une tournée mondiale qui se profile à l'horizon. Je suis en vacances pour le moment. Je passe du temps avec ma femme et les enfants. D'autres sont en France. Avant de repartir en Europe, je vais me bronzer à Grand-Bassam sur les plages africaines. 

En outre, je suis actuellement sur un projet qui concerne l'Union Africaine. A mon avis, l'Unité africaine devait pouvoir se bâtir sur les cerveaux africains. Je suis pour que l'Union Africainelivre des bourses aux jeunes africains les plus méritants dans les domaines scientifiques afin qu'ils aillent se former dans les grandes universités occidentales. Ils reviendront en Afrique et devraient être payés par l'Union Africaine. Par exemple, un Nigérien peut être chercheur dans une université ivoirienne et payé par l'Union Africaine. Nous avons longtemps compté sur les cerveaux en littérature. Ce n'est pas mauvais, mais il faut renverser la tendance comme l'ont  fait les dragons d'Asie que nos pays africains veulent copier dans leur course à l'émergence. Pour moi, l'Afrique doit faire un inventaire de ses cerveaux. Ce sera le début de la vraie union africaine des peuples et non l'Union Africaine des dirigeants, comme c'est le cas actuellement. 0 + 0 + 0 + 0 = 0000. Il faut donc, additionner ce qui est positif pour atteindre un chiffre croissant.

 

LP : Alpha Blondy est reconnaissant aux Ivoiriens, qui, dit-il, l'ont fait. Mais, on a l'impression qu'il se détourne un peu de ses milliers de fans qui sont à l'intérieur du pays et n'ont pas les moyens d'aller suivre un concert en France. Pourrons-nous voir un jour Alpha Blondy en concert à 0dienné, Korhogo et Abengourou ?

AB : Tout a un poids, tout a un prix. Avec la crise, les bramôgos n'ont pas assez d'argent pour payer les blés. Donc si l'Etat veut offrir  un concert Alpha Blondy aux populations. Mais, je me vois mal aller faire un concert à Abengourou et demander aux gens de payer des tickets. Je ne peux pas non plus dire à mes musiciens que nous allons faire des tournées bénévoles. Je pense qu'il y a eu l'occasion de la caravane de la réconciliation (en 2011), ils ont eu l'occasion de voir Alpha Blondy à Abengourou, Man, Gagnoa. C'est déjà ça. Ce sont des concours de circonstances qui vont me permettre de jouer en attendant que nous ne mettions en selle le Festa. A l'extérieur du pays, j'ai la chance de pouvoir tourner aux Etats-Unis,  au Canada, au Brésil. Nous commençons maintenant à percer le marché sud-américain. Là-bas, ils sont chauds et très passionnés. J'avoue que ça commence à me faire du bien. Quand je vais dans ces pays, j'y rencontre des Ivoiriens, notamment au Brésil, même dans les petits coins perdus. J'ai rencontré un Ivoirien en Nouvelle-Calédonie, à 6 heures de route de Nouméa. Je lui ai demandé ce qu'il faisait là-bas. Il m'a répondu qu'il est venu ‘'se chercher'', à cause du « gbangban». Ça m'a fait un pincement au c?ur. A Tahiti et en Australie, j'en ai vu. J'ai même rencontré à Marie-Galante, une île de la Guadeloupe, une famille de Français. Leurs enfants partaient au Collège Mermoz, avec mes enfants. Quand je les ai vus, mon cœur a pleuré. A Saint-Martin, où on a fait le clip du titre « Vuvuzela », j'ai aussi rencontré des Ivoiriens. Vous êtes mon miroir. J'ai besoin de vous voir. J'ai besoin  d'entendre vos compliments, même vos insultes, j'en ai besoin. Si le pays brûle, où vais-je aller ? Notre âme est ici.  Quand je gagne 10 FCFA ailleurs, je réfléchis à l'endroit où je pourrai l'investir en Côte d'Ivoire. Je n'ai pas de pas passeport français. Ma femme est Française d'origine Coréenne. Mes enfants sont Ivoiriens et Français. Ils sont tous nés en France, sauf Ismaël Agana. Je peux donc avoir droit aux papiers français, mais je ne veux pas. Pour moi, c'est comme si je trahissais le pays. Quelque part, les Ivoiriens ne comprennent pas ce qu'ils représentent pour moi. (Il fond en larmes). Désolé, je suis comme mon grand-frère Benson, je pleure vite. Je connais tout le monde. C'est à cause de vous qu'on m'a nommé Ambassadeur de l'ONU, de la Cedeao. Donc, quand des responsables d'un pays te respectent à une certaine dimension, tu es ému. Moi, j'ai peur de ceux qui me respectent, parce que je ne veux pas faillir. Bédié m'a honoré, Gbagbo m'a honoré, Ouattara m'a honoré. Le seul honneur que je ne voulais pas, c'est celui de l'autre (ndlr, le Général Guéi), parce qu'il m'avait fait peur. Les Ivoiriens m'ont toujours honoré. Je leur serrai toujours redevable. Je peux rentrer dans n'importe quelle maison, en Côte d'Ivoire, les gens vont m'accueillir à bras ouverts. Je suis dans la circulation, des agents de la police m'appellent papa, mon premier fils a aujourd'hui 42 ans. Et ceux qui sont plus âgés que moi m'appellent petit-frère. Y a-t-il plus grande richesse que ça ? Certains comptent les richesses en billets numérotés,  c'est gentil. Mais, Dieu m'a donné plus que ça : l'estime des Ivoiriens. Et cela, je tiens à cela. Le jour où Dieu m'enlève le souffle de vie, ce que je demande à l'Etat ivoirien, qu'il m'enterre chez moi à la maison. Je vais avoir l'impression de continuer une longue nuit.

 

LP : Dans l'un de vos morceaux, vous n'accusez pas que les politiques. Vous accusez aussi les journalistes, les imams, les prêtres, qui selon vous, seraient « vendus ». Ça fait trois ans que nous sommes sortis de la crise postélectorale. Comment Alpha Blondy juge aujourd'hui la Côte d'Ivoire ?

AB : Accuser n'est pas le vrai mot. Je n'ai fait que nommer les acteurs qui ont joué un rôle principal dans le pourrissement de la situation. Chaque parti ou famille politique avait sa presse. On disait à Sangaré, voilà ce que tu vas écrire pour le bâtard-là et on disait à Charles voilà ce que tu vas écrire pour les autres là-bas. Je l'ai déjà dit il y a longtemps,  la disposition des partis politiques de Côte d'Ivoire sur le plan constitutionnel était illégale. Je reviens là-dessus. Quand tu dis que tu t'appelles Koffi, tu es PDCI, lorsque tu t'appelles Sangaré, tu es RDR, et si tu t'appelles Séry Digbeu, tu es FPI. Voilà comment les gens fonctionnent jusqu'à demain. C'est dangereux. Les trois groupes ethniques qui forment la Côte d'Ivoire sont le reflet des trois grands partis politiques en Côte d'Ivoire. C'est dangereux. C'est une disposition ethnique et régionaliste. Je leur ai dit, il m'a dit que je parle comme les Blancs et que c'est toujours comme ça. Oui, c'est dangereux. La preuve, l'ivoirité, je vous l'ai dit, était un couteau à triple tranchant. Mais quand ça arrangeait les uns et les autres, ils se sont servis. J'ai dit à mon frère Laurent, tu n'es pas le père de l'ivoirité. Arrête de porter la couronne  ivoiritaire, c'est dangereux. Donne les papiers de tout le monde. Ainsi, tu auras été l'acteur qui aura mis fin à cette crise politique et ethnique qui déchire ce pays depuis. On ne m'a pas écouté. Je lui ai dit que les ivoiritaires qui étaient derrière M. Bédié quand Bédié est tombé, ils sont partis se mettre derrière Guéi. Les mêmes ivoiritaires quand Guéi est tombé, ils sont partis se mettre derrière Gbagbo. Je lui ai dit que ceux qui ont pris les armes, ne sont pas venus contre lui. Ils étaient venus contre Guéi. Et que lui qui se trouvait au bon endroit au mauvais moment et qu'il fallait qu'il fasse attention à ces ivoiritaires cachés derrière lui, qui font semblant de l'aimer et qui disent que les autres sont des ennemis, ce n'est pas vrai.

 

LP : Est-ce que vous avez le sentiment qu'il vous a écouté ?

AB : Il m'a écouté, voilà pourquoi il a voulu discuter directement avec Soro, avec les Forces Nouvelles. Je lui ai dit d'enlever tous les médiateurs. Et que c'est bien qu'ils se parlent directement. Parce que les médiateurs ne connaissent pas les Ivoiriens comme nous nous connaissons entre nous. Ce qui m'a frustré, c'est chaque fois qu'on dit qu'Alpha l'avait dit. Je ne suis pas politicien. Je n'ai ni l'aptitude, ni l'abnégation. Chacun de nous a un rôle. Dieu a confié à chacun un rôle, une mission. Les politiciens sont programmés pour la chose politique. Nous ne pouvons que leur parler qu'aux critiques de fois acerbes, mais pas méchants. Moi j'ai tendance toujours à faire des critiques constructives.

 

LP : Alpha, dans un de vos morceaux récemment, vous avez dit : « J'aurais dû, j'ai fait ce que j'ai pu, mais j'aurais dû ». Est-ce que vous pensez qu'il y a quelque chose que vous devriez pouvoir faire en tant que star mondiale pour amener les politiques à la raison et que vous n'avez pas fait ? 

AB : Je ne suis pas parfait. J'ai mes carences, j'ai mes qualités. Mais quand je dis j'aurais dû c'est une façon de montrer mon impuissance. Une façon d'accentuer l'effet de mon impuissance. J'aurais dû. Mais ça ne finit pas. J'ai fait ce que j'ai pu. J'ai couru après le camion Côte d'Ivoire, je leur ai dit : «  attention, il y a un mur devant ». J'ai couru. On m'a traité de tous les épithètes. On m'a traité de drogué, fou. J'ai eu droit à tout. La question n'est pas par là. C'est le rôle que Dieu m'a confié. Je l'assume. Mais seulement, ce que je voudrais que l'on sache, c'est que je suis le produit que vous les Ivoiriens, avez fabriqué. C'est votre amour qui m'a fait. Donc, j'ai du mal quand je vous vois prendre des sentiers de haine. J'ai du mal à dire que c'est vous. Ce n'est pas vrai. Vous êtes des haineux circonstanciels. Voilà pourquoi des fois à des sujets délicats, je me suis permis de dire des choses. Je suis un être courageux. Je suis très loin d'être lâche.

 

LP : Vous avez à ce propos demandé pardon comme vous avez aussi  accepté le pardon de ceux qui vous ont offensé. Mais est-ce que tout cela est sincère?

AB : Tout à l'heure, je parlais de Dieu. Je ne peux pas ne pas être sincère avec Dieu. Si je ne suis pas sincère avec Dieu, ma langue tombera. Je suis sincère quand je le dis. Je me suis réveillé au pied du mur de ma vanité. J'ai entendu ma conscience pleurer. Moi, je pleure très vite. Et je me suis mis à prier.  A tous ceux que j'ai offensés, je demande pardon. A tous ceux qui m'ont offensé, je demande pardon. Tous ceux qui m'ont compris, pardon. Tous ceux qui ne m'ont pas compris, et que moi je n'ai pas compris aussi, pardon. Parce que je ne suis qu'un humain. Je peux me tromper, je peux dire des choses qui auront blessé quelqu'un, mais mon intention n'était pas de le blesser. Je vous donne un exemple. Moi, j'ai critiqué M. Bédié quand ce concept d'ivoirité est arrivé. Il y avait en ce moment-là, M. Tapé Koulou qui n'arrêtait pas de me déchiqueter dans les journaux. J'ai averti M. Bédié que c'était dangereux. Mais je n'ai jamais accepté le coup d'état contre Bédié. Le grand frère Balla Kéita est venu me voir pour me dire que le Général Guéi voulait me rencontrer, j'ai dit non. Moi, depuis le temps d'Houphouët, je n'ai jamais mis les pieds à Akouédo et puis j'ai peur des armes, je ne vais pas aller là-bas. C'est pour ça qu'à un moment donné, les soldats de M. Guéi sont venus fouiller chez moi pour dire que je suis la cache d'armes du RDR. La vérité, c'est qu'il voulait me rencontrer, mais je ne voulais pas. Et j'ai même dit que la Constitution que vous avez là est illégale. Quand M. Guéi voulait faire le référendum en question, j'ai dit à des frères du RDR qu'ils étaient victimes de tous les arbitraires, qu'ils ne devraient pas cautionner un arbitraire plus grand. Un coup d'Etat est un acte anticonstitutionnel. C'est illégal. Un président qui vient par coup d'Etat, qui veut un référendum, c'est un référendum illégal. On m'a dit : « Alpha, tu sais, c'est la politique ».

 

LP : La fin ne justifie-t-elle pas souvent les moyens en politique ?

AB : La fin ne justifie pas les moyens. La vérité politique triomphera toujours. J'ai dit aux responsables du FPI de ne pas aller à ce référendum et qu'ils allaient légaliser un acte anticonstitutionnel. Ils m'ont répondu que c'est de la politique et que moi je suis artiste. J'ai dit d'accord. J'ai dit à ceux du PDCI la même chose surtout qu'eux, ils ont été renversés par un coup d'Etat. J'essaie d'être cohérent, d'être conséquent envers moi-même. C'est vrai qu'en politique, je ne m'y connais pas. Je ne sais pas faire de la politique. Vous savez, c'est Giscard d'Estaing qui dans une émission a donné une définition de la politique que j'ai beaucoup appréciée et qui m'a convaincu de ne jamais faire la politique. Il a dit : « En politique, tous les coups sont permis, y compris le meurtre ». Là, il m'a impressionné. Pour moi, c'était vrai et sincère.

 

LP : On vous a vu, il y a quelques années, arborant une chemise RDR. Vous avez même déclaréêtre militant de ce parti politique. Ou bien était-ce pour  faire du  buzz ?

AB : C'était un ras-le-bol. Tu t'appelles Seydou, donc tu es RDR. J'envoie ma petite sœur, Koné Ténin, qui est ma secrétaire, pour aller renouveler mon passeport et on met « refusé ». Je dis pourquoi ? Ténin a  le droit d'être RDR, mon manager Koné Dodo a le droit d'être RDR. Moi, je refuse qu'on mette une étiquette sur ma foi. J'ai défendu tout le monde ici. J'ai défendu Houphouët. J'ai fait la caravane de l'unité avec Bédié. J'ai défendu Alassane Ouattara avant même qu'il ne soit candidat à la présidence. Je défends aujourd'hui Gbagbo. Donc quelque part, je suis dans mon rôle. Je suis RDR pian ! Je suis PDCI pian ! Je suis FPI pian ! J'étais ambassadeur avant l'heure. Et je le répète, c'est vous qui nous fabriquez. Je ne peux pas applaudir quand l'un de vous à des problèmes. A mon modeste niveau, j'essaie toujours de faire des critiques constructives. C'est vrai, des fois, je suis légèrement excessif ou irritant, mais je ne dis jamais quelque chose dans l'intention de blesser. Je n'ai pas cette culture là. Tu cherches un monsieur bien élevé, tu me dépasses, tu n'en auras plus. Tu cherches un ami, tu me dépasses, tu n'en verras pas. Tu cherches un monsieur timide, tu me dépasses, tu n'en verras plus. Mes chiens sont toujours collés à moi parce qu'on a le même caractère. Je suis fidèle comme un chien.

 

LP : On a vu Alpha Blondy chanter Houphouët-Boigny à plusieurs reprises. Aujourd'hui, il y a une nouvelle classe politique, avec le président Ouattara, le président Bédié et le président Gbagbo. Vous êtes un homme, vous devez avoir un penchant pour l'un de ses leaders. Peut-on savoir lequel ?

AB : J'ai un penchant pour la Côte d'Ivoire qui marche. J'ai un penchant pour la Côte d'Ivoire pacifiée. Les Ivoiriens sont faciles à lire parce qu'ils sont des naïfs politiques comme moi. Ils aiment passionnément, sans retenue. Donc, quand ils ont mal, c'est visible. Très souvent,  j'ai la chance ou la malchance d'être celui à qui ils veulent expliquer ce qu'ils veulent. Ils me disent : «  Il faut chanter ceci, il faut chanter cela »… Ecoutez les gars, si je veux chanter tout ce que vous me dites, ça fera au moins 1000 disques !  Je connais aussi leur susceptibilité. Si je dis que j'adore ce que M. Ouattara est en train de faire avec son équipe, on me taxera d'être RDR. Mais, il y a longtemps qu'on n'avait pas vu de grue en Côte d'Ivoire. Il n'y avait que des pneus qui brûlaient dans les rues. Un grand-frère me disait lors d'une discussion : «Tout ce qui est débout là, c'est Houphouët-Boigny et son équipe qui l'ont fait. Tout ce qui brûle là, c'est vous-là». Aujourd'hui, cette Côte d'Ivoire qui nous a rendus si fiers est en train de renaître. Le Boulevard Mitterrand est en chantier. Même la rue qui jouxte ma maison et dont on m'accuse de l'avoir inondée, est praticable aujourd'hui. Le lac a disparu et la voie a été bitumée.  Bref, quand tu regardes cette Côte d'Ivoire au travail, c'est encourageant. Quand je vois des jeunes frères en train de travailler à 23h sur les chantiers, je suis content. Nous avons fait la caravane de la réconciliation. Toutes les infrastructures hôtelières sont à retaper, je ne parlerai même pas des hôpitaux. Le chantier est donc vaste. Il est donc impérieux que les Ivoiriens se réconcilient. Je peux dire que je suis fier du travail que le gouvernement est en train d'abattre pour le bien-être des Ivoiriens. Même si tu n'aimes pas le lièvre, il faut reconnaître qu'il a quand même de grandes oreilles et qu'il court vite.

 

LP : De l'autre côté, on dit que ce n'est pas les routes qu'on mange…

AB : Oui, mais c'est sur les routes qu'on marche pour aller chercher à manger. Quand quelqu'un fait quelque chose de bien, même si tu ne l'aimes pas, il faut l'encourager. Je comprends les blessures des uns et des autres. L'Ivoirien est un apprenti haineux. Il découvre la haine, donc il en fait un peu trop. Il est excessif en tout. Nous les Ivoiriens sommes trop gonflés. Dieu nous a fait subir cette épreuve pour nous apporter un peu d'humilité. J'ai par exemple demandé, il y a quelques années, dans un organe de la place, si le président pouvait contribuer à la libération de M. Gbagbo. On demande pardon, parce qu'on est entre Ivoiriens. Il ne faut pas qu'il meurt là-bas. C'est mon cœur qui parle.  Je ne suis pas politicien.

 

L.P : Renouvelez-vous cette demande-là aujourd'hui ?

AB : On va encore m'insulter, mais ce n'est pas grave. Quand on demande pardon, et que M. Ouattara tombe malade et qu'il doit subir une intervention chirurgicale, il faut savoir être humble. Si certaines personnes étaient intelligentes au  FPI, elles  auraient fait une délégation pour aller souhaiter un prompt rétablissement au Président de la République. Et puis, elles auraient pu profiter de la situation pour soumettre une doléance au Président Ouattara, en lui demandant de peser de tout son poids pour ne pas que Gbagbo meurt là où il est là actuellement. Peut-être ça aurait réussi. Peut-être, je n'en suis pas sûr. Mais, comment vous pouvez danser en disant que le  chef de l'Etat est mort. Ils ont donc bouclé ma gueule.  Je n'ai plus rien à dire.

 

L.P : Conséquence, la réconciliation est bloquée…

AB : Je n'aime pas les équations bêtes. Je ne sais plus. (Il fond en larmes…)J'espère que Dieu parlera au cœur des uns et des autres et ils sauront raison garder. Ils auront la lumière. Tôt ou tard, quand Dieu aura touché leur cœur, le pardon aura le dessus sur la haine. Ce n'est pas avec la haine et la revanche qu'on bâtit un pays. Nous sommes une petite famille, dans un petit pays. Donc, quelque part, on ne peut pas se réjouir de la mort et du malheur de quelqu'un. Sachons garder cette fibre d'humanité que nous avons encore en Afrique. Ne laissons pas la haine bouffer cela. C'est ce que je peux leur dire.

 

L.P : Il y a un débat qui a crispé l'actualité, c'est l'article 35. Pensez-vous qu'il faut le réviser ?

AB : Ecoutez, je ne connais pas la Constitution. Je n'ai pas pris le temps de la lire. J'ai peur de dire une bêtise. C'est quoi l'article 35 ?

 

L.P : C'est cet Article qui définit les conditions d'éligibilité à la présidence de la République…

AB : Oh non, ça suffit là. Je vais être vulgaire. On est en train de me gonfler les c… avec les histoires de ET et de OU. La Côte d'Ivoire a déjà beaucoup saigné pour le Et et le OU. Que les politiques nous rendent un service. Qu'ils fassent leur devoir. Et qu'ils arrêtent de nous emmerder avec leurs équations  à la ET, OU, Donc.  (Il fond en larmes…)

 

L.P : Un autre sujet brûlant de l'actualité, c'est l'incarcération de Blé Goudé. Vous avez été proche du leader du Cojep. Souhaitez-vous qu'il reste en prison ou plaidez-vous, comme pour les autres, pour qu'il soit libéré ?

AB : Je souhaiterais qu'on ne l'envoie pas à la CPI. Mais, je suis content qu'il soit vivant parce que j'avais cru qu'il était mort. Et j'avais pleuré.

 

L.P : Pourquoi ?

AB : Mais,  je suis content qu'il soit vivant. J'avais cru qu'il était mort et j'avais pleuré. Maintenant, sur la question, j'en ai déjà parlé. Et je ne souhaiterais pas revenir là-dessus.

 

L.P : Supposons qu'Alpha Blondy soit devant le président de la République, premier des Ivoiriens  ou encore le président de l'Assemblée Nationale. Qu'allez-vous demander aujourd'hui aux uns et autres ?

A.B : Je leur expliquerai que la richesse première de la Côte d'Ivoire, c'est la paix. Et que nous devons continuer à cultiver cette paix-là, à la maintenir. Sans cette paix, aucun développement n'est possible. Sans cette paix, nous ne pourrons pas être un pays émergent. Sans cette paix, nos enfants ne pourront pas faire des études, les universitaires ne sauront pas le réservoir de cerveaux qui pourront demain être, sur le plan politique, une relève digne de ce nom. Il faut donc fondamentalement préserver cette paix. Et cette paix doit aussi se nourrir de pardon. Je voudrais  en même temps lui (Alassane Ouattara, Ndlr) dire merci pour tous les prisonniers qu'il a libérés. Après notre caravane de réconciliation, c'est ce que nous avons demandé. Et il a libéré beaucoup d'entre eux. Il a dû peut-être quelque part pardonner, maintenant je souhaiterais sincèrement, s'il le peut vraiment, qu'il aille encore plus loin que ce qu'il a fait. S'il réussit, il sera plus que Mandela pour la Côte d'Ivoire.

 

L.P : Mais, quand il tend la main et qu'il n'y a personne pour la saisir, je pense notamment à nos frères qui sont à l'extérieur par exemple. Quels messages avez-vous à leur lancer ?

AB : Dieu merci qu'ils refusent de saisir la main, sinon ils peuvent la mordre. Il ne faut pas oublier ceux qui mordent la main qui les nourrit. Je crois que la question n'est pas là. N'est pas Président qui veut. Moi, je ne peux pas être Président parce que je suis un rancunier. M. Ouattara a une attitude que nous ne pouvons pas assumer. Qui pensait que M. Ouattara et M. Bédié allaient s'entendre ? Ouattara a eu un geste grand. Mon souhait est qu'il arrive à faire pleurer les pro-Gbagbo, en pesant de tout son poids pour libérer Gbagbo. J'aimerais voir ça (il fond en larmes). J'aimerais voir ça. Les faire pleurer, de sorte qu'ils arrivent à dire : «Ato, ce type là, on ne l'aime pas, mais il est bon». J'aimerais voir ça. Les pro-Gbagbo sont tellement perdus qu'ils posent des actes qui compromettent Gbagbo.   Gbagbo a été un naïf et aujourd'hui, c'est lui qui croupit en prison. Si Ouattara ne fait rien, il va mourir en prison. S'ils veulent, qu'il lui fasse signer un papier dans lequel, il s'engage à ne plus faire de la politique. Au moins, il a la vie sauve. Si j'interpelle le Président Ouattara, c'est parce que je ne vois personne d'autre. Il y a Dieu et puis Alassane (Ouattara) pour lui aujourd'hui. Sinon, il ne faut pas qu'ils comptent sur les pro-Gbagbo, parce que les actes que les uns et les autres posent compliquent son cas. Et c'est dommage. Cette page-là, je veux qu'elle soit tournée dans toute sa grandeur et toute sa splendeur. Et je sais que Ouattara en est capable.                  

 

Réalisée par Charles Sanga et Y. Sangaré




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