Frappée par le mari d'une femme enceinte / La sage-femme Kouamé Nadège parle pour la première fois : « Je me suis sentie accusée par ma hiérarchie » - « Je ne pourrai plus travailler si je ne suis pas mutée »


(Photo d'archives)
  • Source: Soir Info
  • Date: vend. 08 mai 2015
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Kouamé Nadège, épouse Amani, est sage-femme à l'hôpital général d'Abobo sud. Le 29 mars 2015, à 20h15, elle a vécu un drame, des moments cauchemardesques, lorsque Sylla Moussa, venu accompagner son épouse qui était en travail, décide d'employer la manière forte lorsqu'il lui est signifié qu'il n'avait pas accès à la salle d'accouchement.

Mme Amani, son interlocutrice, devient alors son souffre douleur. Elle reçoit plusieurs coups qui lui valent une incapacité temporaire de travailler de 21 jours. Sortie peu à peu de son traumatisme, elle a accepté de parler, pour la p première fois, à Soir Info, entre autres, de la nouvelle personne qu'elle est devenue et de ce qu'elle attend de sa hiérarchie.

 

A quoi devons-nous votre présence, aujourd'hui, à notre rédaction ?

Je suis venue vous voir par rapport à l'affaire qui m'oppose à M. Sylla Moussa, surtout relativement au verdict qui a été donné par le tribunal.

 

Quel est la teneur de ce verdict ?

C'est une condamnation à six mois de prison avec sursis, suivie d'un million de FCFA de dommages et intérêts. Mais avec l'allure que prend l'affaire, je me demande si ça sera payé.

 

Que reprochez-vous à ce verdict ?

A mon sens, j'étais à mon lieu de service, et une femme en travail est arrivée. Je n'ai pas refusé de la prendre en charge mais cela n'a pas empêché son mari, Sylla Moussa, de me rouer de coups, de me tabasser... En fait, le verdict qui a été donné après le procès, ne reflète pas la réalité des faits. En clair, je ne suis pas d'accord avec le verdict du procès.

 

Quel est la raison de votre désaccord ?

Quand l'incident s'est déroulé dans la nuit du 29 mars 2015, quand on était au commissariat, lorsque le lieutenant en charge du dossier lui a demandé son numéro matricule – puisque qu'il prétend être militaire membre des forces républicaines de Côte d'Ivoire (Frci: ndlr) -, M. Sylla Moussa a répondu qu'il n'avait pas de numéro matricule. Subitement, le jour du procès, quand le juge lui a demandé son numéro matricule, il a donné ce numéro, en ajoutant qu'il est fonctionnaire, qu'il est militaire. Mais moi je ne comprends pas ! Est-ce parce qu'il est militaire qu'il a eu le droit de me battre, et qu'il ne soit condamné qu'à une peine avec sursis ? Est-ce qu'il a le droit de battre les sages-femmes sur leur lieu de travail impunément ? J'avoue que je ne comprends pas !

 

Que souhaitez-vous après ce verdict que vous déplorez ?

Ma démarche, c'est pour la justice, pour que les textes et la loi soient appliqués. Non seulement je suis une femme qui est à son lieu de travail, et qui est injustement battue. Et je me rends compte que rien n'est fait pour réparer ce tort, cette injustice-là. M. Sylla est libéré, il est dans la nature. A la limite, c'est comme si on lui disait qu'il avait six mois pour ne pas battre une autre sage-femme. Sinon, après les six mois, il est libre de faire ce qu'il veut. Moi, j'ai plus de chance car j'ai eu la vie sauve. Mais est-ce qu'on attend qu'une autre soit battue à mort pour qu'on condamne cet acte avec fermeté ? Je ne comprends pas ! Est-ce parce que je suis une femme, qu'il est libre de me frapper ? Je pense que la justice doit être rigoureuse pour dissuader toute personne qui voudrait agresser un agent dans l'exercice de ses fonctions. La justice doit donc nous aider à travailler, car si c'est le cas, nous serons plus galvanisés.

 

Quelle raison le juge a-t-il avancé pour arrêter ce verdict ?

Il a été mis en avant le fait qu'il était venu accompagner sa femme qui était en travail, et qu'il était sous pression. C'est donc ce qui a joué. D'ailleurs, l'individu a fait savoir à la barre et au commissariat, que c'est moi qui, voulant lui créer des problèmes, me suis frappée la tête contre le mur. Je me dis, ''mais c'est absurde. Comment me faire du mal, avec le visage tuméfié, le cou endolori, malade, juste parce que je veux lui créer des problèmes ?

 

Quel a été le diagnostic du médecin, lorsque vous avez été consultée ?

J'ai été hospitalisée pendant deux jours là-bas (hôpital général d'Abobo sud, son lieu de travail : ndlr) ; il y a eu un certificat médical, j'ai reçu des soins et j'ai eu 21 jours de repos.

 

Avez-vous repris le travail ?

Non, pas encore.

 

Depuis cet incident et le procès qui a suivi, avez-vous revu M. Sylla ?

Non, je ne l'ai plus revu.

 

L'incident a relancé le débat de la qualité d'accueil dans les maternités. Êtes-vous persuadé d'avoir été sans reproches le jour des faits ?

Je pense que les gens, comme il ne vivent pas les réalités de la sage-femme, ont tendance à avoir ce genre d'opinion. Dans mon cas, le motif de l'agression est évocateur, parce que quand on te dis que tu n'as pas accès à la salle d'accouchement parce que les femmes sont nues, tu dois comprendre que la sage-femme, en appliquant la consigne, c'est pour protéger la nudité des femmes, leur intimité. Cela, a mon sens, ne doit pas nous énerver au point de battre une sage-femme. Parce qu'on n'a pas refusé de recevoir ta femme ni toi-même ; on te dit seulement que les hommes n'ont pas accès à la salle parce que les femmes sont nues. Nous sommes en Afrique, et il n'y a pas de box par femme ; donc si la sage-femme vous demande d'attendre dehors, comprenez que c'est pour protéger l'intimité des femmes. Si les gens nous accusent toujours, c'est parce qu'ils ne connaissent pas les réalités. Ils n'ont pas idée de ce que nous faisons pour les femmes que nous recevons.

 

Quelle devrait être, selon vous, l'attitude des accompagnateurs de femmes en travail, pour éviter ce genre d'incident ?

Quand on vient à la maternité avec sa femme, c'est parce qu'on fait confiance à la sage-femme. On doit donc comprendre le souci de cette dernière, qui est d'assister la femme en travail. Son intention n'est pas de vilipender la femme. Si pendant la consultation, la sage-femme demande à l'homme ou au mari d'attendre qu'elle termine, il doit comprendre que celle-ci est en train de faire son travail. Donc, quand on accompagne sa femme à la maternité, il faut être patient et suivre les recommandations de la sage-femme, et tout ira bien.

 

Peut-on savoir le degré du soutien de votre hiérarchie, lorsque vous avez été battue ?

J'ai ét&eac (...)

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