Indispensable dans d’innombrables applications industrielles, le caoutchouc est irremplaçable à cause de ses propriétés d’élasticité et d’imperméabilité. Ces dérivés sont les pneumatiques, joints, gants chirurgicaux, gommes, chaussures entre autres. 1er pays producteur d’Afrique et 7ème mondial, la Côte d’Ivoire n’utilise pas le tiers de sa production dans son industrie. La grande partie n’étant pas transformée sur place, le pays est obligé de subir les cours internationaux. Quand ce genre de situation arrive, ce sont les paysans qui souffrent péniblement. Depuis quatre ans, les producteurs ivoiriens ne savent plus à quel saint se vouer. Dans cette situation, ils accusent en grande partie les usiniers. Alors que cette filière a suscité beaucoup d’espoir entre 2009 et 2010.Â
QUATRE ANS DE GALERE DES PRODUCTEURS
Au premier semestre de 2009, selon le Fonds interprofessionnel pour la recherche et le conseil agricole (Firca), le secteur enregistre une baisse des cours dont les origines sont attribuées, depuis le second trimestre de 2008, à la récession économique mondiale caractérisée par la chute du cours du pétrole et du secteur automobile ayant conduit à la réduction de la consommation du caoutchouc. La reprise de l’économie mondiale dans le dernier trimestre de 2009 a permis une remontée des cours sur le marché international, permettant aux opérateurs du secteur d’aborder l’année 2010 avec beaucoup de sérénité et d’enthousiasme. A cette époque, le kilogramme d’hévéa était négocié en Côte d’Ivoire à 2.100 Fcfa ou 2.200 Fcfa. Le secteur rivalise le poumon de l’économie ivoirienne, la filière café-cacao. L’hévéaculture a failli même remplacer le binôme café-cacao. Car entre 2009 et 2010, dans la folie des prix sur le marché international et national, ce sont plus de 10 mille hectares de pieds de cacao et de café qui ont été abattus au profit des pieds d’hévéa. Mais nul n’ignore le drame qu’a vécu ce secteur en 2011. Les prix chutent sur le marché international à Singapour et la Côte d’Ivoire, 7ème pays producteur de caoutchouc, est asphyxiée. Depuis cette date, les paysans ivoiriens ne font que broyer du noir. A Dabou, San-Pedro, Aboisso, Abengourou, et dans plusieurs zones de concentration de plantations, c’est un goût d’amertume que la déchéance du secteur laisse aux braves paysans.
LA CHUTE DES PRIX VUE PAR DES RESPONSABLES DU SECTEUR
Le mardi 3 février dans l’après-midi, nous avons constaté avec amertume que le kilogramme d’hévéa s’achetait à 281 Fcfa là où il était acheté à 1.100 ou 1.200 Fcfa en 2009 et 2010. Ce prix dérisoire fixé aux producteurs a pris ses origines en 2011 en Côte d’Ivoire. Les conséquences qui en découlent sont nombreuses. Les producteurs et leurs communautés sont dans la galère. Ici, les acteurs s’interrogent sur leur sort. Pourquoi c’est leur secteur d’activité qui est en proie à une crise interminable alors que les autres tels que la filière café-cacao se portent bien, depuis que le président Ouattara est au pouvoir. Pour un collaborateur du président du Fonds interprofessionnel de solidarité d’hévéa (Fish), l’ex-ministre Vincent Lohouess, la chute du prix du kilogramme du caoutchouc n’est pas du ressort du gouvernement. La crise du pétrole et de l’automobile sur les différents marchés internationaux a une grande responsabilité dans la baisse des prix de l’hévéa en Côte d’Ivoire. Pour lui, si les cours internationaux deviennent intéressants, la situation pourra s’améliorer dans notre pays. « Le gouvernement ivoirien qui veut un pays émergent d’ici 2020, ne saurait asphyxier les paysans », a-t-il fait remarquer. Même son de cloche du côté du président de l’Association des producteurs de caoutchouc naturel de Côte d'Ivoire (Aprocanci), Honest Wadjas. Pour lui, le président Ouattara et le gouvernement ne sont pas responsables du désert financier que traversent les producteurs. La surabondance sur le marché international du caoutchouc est la principale cause de la chute du prix de ce produit. En novembre 2014, les grands pays producteurs asiatiques ont voulu stopper la chute des cours mais, ils n’y sont pas parvenus. La Thaïlande, premier pays producteur mondial, a suspendu la vente de ses stocks d’Etat. L’Indonésie proposait à son tour un prix planché. Dans le même mois de novembre, le ministre malaisien des Matières premières et des Plantations s’était rendu en Thaïlande pour rencontrer son homologue. L’objectif de cette visite, à en croire nos sources, était de discuter pour remonter les prix du caoutchouc naturel. « C’est dire que la crise est internationale. Mais des solutions sont en train d’être envisagées pour relever les prix », rassure un autre interlocuteur. Des planteurs d’hévéa nous ont confié, hier, que les difficultés auxquelles ils sont confrontés sont causées par les usiniers du secteur. Ces derniers, déplorent-ils, sont de connivence avec certaines associations du secteur pour les appauvrir. Pour eux, les usiniers mettent plusieurs systèmes en place qui les obligent à brader leurs fonds de tasse. En effet, par le passé, après l’achat du produit, les paysans percevaient leur gain, deux jours après. Les choses ont changé. Il faut maintenant attendre un mois pour être payé. Pour les planteurs, tant que le secteur ne sera pas libéralisé, les usiniers feront toujours leur malheur faute de concurrence dans le secteur. L’inexistence de routes est un prétexte utilisé par les usiniers pour acheter les produits à des prix dérisoires. En plus, ces derniers ont supprimé la prime pour des raisons non connues. Ce qui constitue une perte énorme de ressources pour les hévéaculteurs désormais obligés de financer la collette. Le président de la Fédération nationale des coopératives d’hévéa de Côte d’Ivoire (Fenacoophci), Isaac Adi, a toujours combattu cette injustice dans la filière a-t-on appris. Il y a des départements où les usiniers ont décidé d’acheter les fonds de tasse. Le seul qui a décidé d’acheter le produit s’est limité à 50 tonnes. Ce qui fait intervenir les acheteurs véreux au prix bord champ. Ces derniers prennent le kilogramme à vil prix. « En réalité, ce sont les usiniers qui les envoient pour voler les producteurs. Car après l’achat des produits, ces usiniers qui refusaient d’en acheter aux mains des paysans, acceptent celui des acheteurs », fait remarquer un jeune pépiniériste.Â
Romaric Sako
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