Le 10 avril 2015, un reportage diffusé sur la chaine de télévision nationale ivoirienne, révélait à la Côte d’Ivoire l’existence d’un phénomène: la pâte d’arachide, mélangée à du papier carton, commercialisée sur les différents marchés. Après les émois des premiers jours, force est de constater que rien n’a été encore fait concrètement pour éloigner les consommateurs du danger, et mener une campagne ardue contre la consommation de cette pâte d’arachide de mauvaise qualité qui expose, chaque jour, les Ivoiriens à de graves problèmes de santé.
La consommation régulière de l’arachide, excellente source de protéines, favorise une diminution du cholestérol sanguin et du risque de maladies cardiovasculaires, selon plusieurs recherches. Sa présence sur les différents marchés d’Abidjan, la capitale économique ivoirienne et de l’intérieur du pays, montre à quel point elle occupe une place importante dans l'alimentation de la population. Mais compte tenu des nouvelles pratiques, Maelis Kouadio, a décidé de ne plus consommer la sauce d’arachide, pour être à l’abri de toute intoxication. « Moi je ne mange même plus la sauce arachide, à cause de ce que j’ai vu à la télévision. Hormis le carton, certaines femmes y ajoutent de la poudre de farine », indique-t-elle, avouant que ce n’est pas « toujours facile » d’autant plus qu’elle vit en famille et qu’elle n’a pas la capacité d’imposer ses choix gastronomiques. « Quand je serai chez moi, je crois que ce sera moins compliqué », se console-t-elle. A défaut de supprimer de son menu la pâte d’arachide qu’elle affectionne tant, Marcelle N’Guessan préfère la confectionner elle-même, afin d’être sûre de la qualité de ce qu’elle consomme. Pour ce faire, elle achète les graines d’arachide et a ainsi l’opportunité de choisir les meilleures afin d’obtenir un produit fini de qualité qu’elle peut conserver plusieurs jours. « Ce n’est pas facile de faire soi-même la pâte d’arachide, mais c’est mieux pour être sûre de ne pas consommer une mauvaise pâte », conçoit-elle. Cette pratique demeure la plus fiable, mais combien de mères au foyer trouvent-elles le temps de s’y conformer, avec les nombreuses occupations qui meublent leur quotidien. En fait, entre travaux domestiques et de gestion de la famille, celles qui adhèrent à cette pratique, mais dont le temps ne permet de la mettre à exécution, s’en remettent à la bonne foi de leurs fournisseuses avec qui elles ont une certaine familiarité. «Je me ravitaille chez la même commerçante depuis plus de 15 ans, et je n’ai jamais eu des problèmes de santé, ni mes enfants ni mes clients », indique Adèle N’Gbé, tenancière de maquis, qui appelle néanmoins à la vigilance des femmes.
Les commerçantes se défendent
Au marché de Koumassi (sud d’Abidjan), Assita hèle les dames qui passent devant son étal. Cette jeune fille âgée d’une vingtaine d’années s’est consacrée, depuis qu’elle a eu 15 ans, au commerce. Elle vend un peu de tout : les épices, les arômes, la pâte de tomate et la pâte d’arachide. Elle avoue que certaines clientes sont devenues méfiantes. Assita ne cache pas son étonnement face à la réaction de certaines dames qui lui demandent si son arachide est vraiment de bonne qualité. « Pourtant avant, elles venaient en acheter sans problème », indique-t-elle, l’air désolé. Sa voisine, elle, se dit vexée par cette attitude des clientes mais reconnaît, tout en reconnaissant que cette pratique existe. Cependant, elle dit ne se sentir concernée, ni de prêt ni de loin, par celle-ci. « Tout le monde me connaît, j’achète les arachides, je trie j’envoie au moulin et j’écrase, devant tout le monde ici », explique Oumou, de grands gestes à l’appui. Madame Ballou, commerçante au marché de Treichville, indique qu’elle ravitaille plusieurs clientes à Abidjan. Elle dit confectionner, elle-même, tous les produits qu’elle vend. « Mon piment, c’est moi-même qui le fait, pareil pour ma poudre de poisson, de crevette, de poivre », relate cette mère de famille d’une cinquantaine d’années. Ses bénéfices n’ont pas connu de régression, et même si elle dénonce le phénomène, elle atteste que toutes les commerçantes ne s’adonnent pas à cette pratique dangereuse. « Demandez à mes clientes, mon arachide est originale. Personne ne peut dire qu’elle est de mauvaise qualité. C’est vrai qu’il y a des femmes qui mélangent les graines d’arachide pourries avec les bonnes mais moi je ne le fais pas », clame-t-elle.
L’astuce d’Aïcha Camara, étudiante et commerçante
Chaque jour, Aïcha parcourt les différentes communes d’Abidjan, pour satisfaire sa clientèle en lui livrant de la pâte d’arachide. Elle a mis les bouchées doubles : du conditionnement à la livraison, en passant par l’approche. Dans de petits pots transparents et qui portent des étiquettes, c’est d’abord la couleur de l’arachide qui attire. Ensuite, l’odeur est agréable lorsqu’elle ouvre la petite boîte. Aïcha qui a su se faire une clientèle fidèle, assure qu’elle vend la meilleure pâte d’arachide, en montrant l’huile à la surface. « C’est la meilleure pâte d’arachide sans mélange, le pot coûte 2000 », précise-t-elle. Originaire du nord de la Côte d’Ivoire, elle s’est lancée dans ce commerce avec sa mère. Sa génitrice qui se charge de la confection, lui achemine la marchandise par voie terrestre, qu’elle va réceptionner à la gare. « Au début, cela n’a pas été facile, surtout à cause du prix mais aujourd’hui ; je m’en sors, parce qu’en plus de la pâte d’arachide je vends de la pâte de pistache, qui est aussi l’objet de contrefaçon », ajoute Aïcha. Si plusieurs femmes attestent que la pâte d’arachide vendue par la jeune dame est naturelle, de quels éléments le consommateur lambda dispose pour vérifier la véracité de leurs assertions ? Attend-on une intoxication alimentaire à grande échelle, pour s’attaquer concrètement à ce problème ?
A l’instar de l’arachide contrefaite, plusieurs denrées alimentaires vendues sur les marchés font l’objet de la mauvaise foi de personnes cupides et dépourvues de tout scrupule. Ainsi, au dire de certaines commerçantes, la poudre de colas serait additionnée au piment en poudre, à la poudre de crevette et autres épices, afin d’augmenter leur volume et d’engranger plus de d’argent. Ces temps-ci une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, montre du carton enroulé dans du poisson fumée pour donner à ce dernier un aspect plus épais. Chaque jour, des personnes malintentionnées redoublent d’ardeur et d’ingéniosité pour duper les consommateurs qui, en échange de leur argent gagné dignement à la sueur de leur front, retournent chez eux avec du poison. Dénoncer, certes, mais trouver des stratégies pour endiguer le phénomène s’avère une urgence. C’est d’ailleurs un sujet qui mérite d’être débattu au cours des rencontres de nos autorités, notamment en conseil des ministres, afin que soient prises les mesures idoines.
MYNA
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