Akwaba nanan Alloua
Vendredi 13 septembre, 11h, la cité royale de Krindjabo, à quelques kilomètres d'Aboisso, est « troublée dans sa quiétude » par des sirènes et une longue file de véhicules de luxe. Les populations, massées en bordure de la voie principale, se rendent tout de suite à l'évidence. Leur fille, petite-fille et arrière-petite-fille, Murielle Ahouré, qui constitue aujourd'hui l'essentiel de leur fierté, vient de fouler le sol de ses ancêtres. Direction, la cour royale. Sur place, « l'attoungblan », le tambour parleur, annonce l'arrivée de l'oiseau rare, celle qui est allée chercher le bonheur et la gloire pour son peuple. Les éloges dignes de son rang se multiplient. Au son du tambour se mêlent les chants de gloire des femmes du village.
Quelques instants après, la championne, habillée en tenue traditionnelle kita, descend de son véhicule de commandement sous les applaudissements des populations et de certains cadres de la région. Puis, elle s'installe sous le préau royal, pour l'audience avec le dépositaire du siège de Krindjabo. Allocution de bienvenue, félicitations, encouragements et tous les salamalecs habituels y passent. Après, la royauté passe à une étape supérieure et inhabituelle : l'intronisation de Murielle Ahouré. Elle est désormais reine mère du Sanwi et porte le nom de Nanan Alloua, du nom de la seule femme dans l'histoire du royaume de Krindjabo à avoir occupé le trône. Selon la notabilité, contrairement aux uns et coutumes en vigueur dans la région, les femmes ne sont pas éligibles au trône. Mais le règne de Nanan Alloua n'avait rien à envier à celui d'un homme. La performance de Murielle Ahouré est donc, pour la notabilité, assimilable au courage, à la détermination et à l'autorité qu'incarnait la reine mère.
Passé l'étape de l'intronisation, le roi Nanan Amon N'Douffou V, se retire avec Murielle, sa mère, son père, le général Mathias Doué et quelques officiels, pour un tête- à- tête avec la championne.
L'escale de chez Bléoué Aka
Après quelques minutes d'entretien, le roi de Krindjabo procède, lui-même, à une longue libation, dans laquelle il invoque les ancêtres pour apporter leur assistance à sa fille. « C'est du jamais vu, le roi ne parle pas aux femmes. En plus, il ne fait jamais directement des libations », commente Joseph Gnohan, le porte-parole du chef de Modeste, village natale de la star.
Il est 14h passées, la délégation se met en route à vive allure, puisque le rendez-vous avec le roi des N'Zima Kotoko de Bassam est prévu à 15h. A environ un kilomètre après le corridor d'Assouba, les véhicules marquent un arrêt dans le village d'Adaou, alors que le motard de la police qui faisait la flèche, avait déjà traversé le bourg. Un léger demi-tour, la délégation emprunte une ruelle à droite, puis à gauche. Nous sommes dans l'imposante résidence du richissime planteur, Bléoué Aka. Qui ne cache pas sa joie de retrouver « son frère », le général Mathias Doué. Les deux hommes, après de chaudes accolades, se tiennent la main et font un tour à l'intérieur de la résidence. En cinq minutes, les échanges de civilités sont sanctionnés par la remise d'un cadeau du propriétaire des lieux à Murielle.
Direction Grand-Bassam. Il est presque 16h, le siège de la royauté au quartier France grouille de monde. Les sons de la fanfare, les chants de femmes et le tambour parleur s'entremêlent. La notabilité est dans sa tenue d'apparat, Sa Majesté Awoula Amon Tanoé désiré est installée à l'intérieur.
Reine mère des N'Zima Kotoko et ambassadrice de Grand-Bassam
Dès que Murielle met les pieds à terre, c'est le délire, tout le monde veut la voir, la toucher. Une légère procession la conduit au bâtiment principal de la royauté, où l'attendent le représentant du ministre de la Culture et de la Francophonie, Auguste Konan, celui du préfet, et le maire de Bassam, Georges Philippe Ezaley, appelé affectueusement « le maire choco » par les populations. Dans la salle, les chefs des différentes communautés vivant dans la ville sont aux côtés des N'Zima.
Echange de civilités dans la pure tradition. Roger Gnoan M'Balla, le premier notable du royaume, parle directement à Murielle et à ses parents : « Le peuple N'Zima te félicite. Que Dieu te donne la force de continuer. Nous implorons les génies pour qu'il te protège. C'est grâce à vous que nous avons Murielle, c'est grâce à Murielle que la Côte d'Ivoire a ces médailles. Soyez-en remercié ».
Après les libations faites par Ahizi Bona, un membre de la famille de Murielle, le maire traduit toute son admiration pour la jeune athlète qui, à force de travail, s'impose, aujourd'hui, comme modèle de la jeunesse ivoirienne, en général, et celle de Bassam, en particulier.
Le premier magistrat de la ville remet symboliquement les clés de la cité à travers un livre qui retrace l'histoire de Bassam et les projets du conseil municipal. Le ministère de la Culture et de la Francophonie, qui a obtenu l'inscription de Grand-Bassam au patrimoine mondial de l'Unesco, charge l'athlète de la mission de « vendre » la ville partout où elle sera et, si possible, trouver les moyens pour son développement.
Un modèle pour notre jeunesse
Autre temps fort, le roi des N'Zima Kotoko élève Murielle au grade de reine mère. Sur place, une chaise royale, des pagnes kita, des parures en or. La vice- championne est habillée et installée. La danse royale « Adjoua » salue l'événement. Le roi couvre Murielle et ses parents de présents. « Merci pour l'accueil chaleureux. J'accepte avec honneur mon titre d'ambassadrice de Bassam et de reine mère. Je ferai de mon mieux pour continuer de bénéficier de votre soutien », rassure la vice-championne.
Modeste, le village natal de Murielle Ahouré, est la dernière étape de l'hommage du peuple N'Zima à sa fille. Une foule immense se trouve, samedi matin, sur la place publique du village.
A 13h, la star du jour, habillée dans la pure tradition et portée dans un hamac, apparaît au public. La joie est à son comble.
Les différentes communautés ivoiriennes et de la Cedeao vivant dans le village accompagnent la reine dans sa procession. Dans le même élan de joie, le directeur de cabinet adjoint, Koffi Ahoutou
Emmanuel, représentant le ministre, dira de Murielle qu'elle est « un modèle pour notre jeunesse et une icône de la Côte d'Ivoire qui gagne… ».
L'inauguration du mini-stade de maracana qui porte le nom de Murielle Ahouré et la remise des clés de sa nouvelle maison offerte par le chef de Modeste, Nanan Konney Ahoua Simon, oont été des temps forts de cet hommage.
MARC YEVOU
ENVOYÉ SPÉCIAL À KRINDJABO,
BASSAM ET MODESTE
Unesco ministère de la Culture Grand-Bassam village Côte d'Ivoire monde don projet jeunes femmes livre bâtiment athlétisme Murielle Ahouré Cedeao Aboisso France CIA Francophonie police développement ivoirien