Dans ce reportage réalisé par l'Organisation dénommée IRIN, l'on apprend que bien des Ivoiriens réfugiés au Liberia ont choisi de s'y établir durablement. Pourquoi refusent-ils de retourner en Côte d'Ivoire ? Les raisons sont à découvrir dans ce reportage.
Bien que la paix soit officiellement rétablie en Côte d'Ivoire depuis plus de deux ans, une grande partie des 60 000 réfugiés restés au Liberia prévoit de s'y installer pour longtemps, prétextant l'instabilité constante, la violence et la crainte des persécutions politiques dans leur pays d'origine.Deux ans après la fin du conflit, la population dans des camps comme celui de PTP, près de Zwedru, dans l'est du Liberia, est effectivement toujours en hausse. Le 21 mars 2011 à 3 heures du matin, des combattants rebelles associés à l'actuel président ivoirien, Alassane Ouattara, ont envahi la ville de Bloléquin, dans l'ouest de la Côte d'Ivoire. Jérôme Gibao faisait partie des milliers de personnes qui ont fui à l'aube, emportant à peine plus que les vêtements qu'ils portaient. Son frère cadet a été tué pendant la fuite et M. Gibao et sa famille ont marché pendant deux semaines à travers la forêt pour se réfugier dans l'est du Liberia.
Deux ans plus tard, ils n'ont pas l'intention de rentrer chez eux. « Voici ma maison, numéro B3-1 », a dit M. Gibao en indiquant une petite bâtisse faite de terre, de bâtons de bois et d'une bâche, dans l'une des rues quadrillées du camp PTP (du nom de l'ancienne entreprise Prime Timber Production qui se trouvait à cet endroit). Ce qui était à l'origine une simple tente blanche fournie par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) se transforme petit à petit en maison. Des matériaux de construction sont entassés dans une petite extension à l'avant de l'habitation que M. Gibao prévoit de consolider.
Hantés par l'insécurité dans l'Ouest
Le problème, a dit M. Gibao à IRIN, c'est que l'ouest de la Côte d'Ivoire reste dangereux, notamment pour les sympathisants de l'ancien président Laurent Gbagbo - qui attend d'être jugé par la Cour pénale internationale à La Haye - et pour tous les membres du groupe ethnique Guéré. Comme de nombreux autres réfugiés, M. Gibao accuse la justice postconflit de partialité et signale qu'au lieu d'avoir été désarmés, de nombreux rebelles qui ont commis des atrocités dans l'ouest du pays font désormais partie de l'armée nationale. « Si je rentre, ils vont dire que j'ai voté pour Gbagbo », a dit M. Tahr, un autre réfugié qui a fui l'attaque de Bloléquin en mars 2011. Ses voisins mettent leur grain de sel en évoquant des histoires d'anciens réfugiés incarcérés ou tués par les « Burkinabé », nom donné par les Guéré à l'alliance des groupes pro-Ouattara du nord du pays. « Les Burkinabé continuent de tuer des gens », a dit Éveline Bali, qui s'est échappée par la fenêtre en n'emportant que deux vêtements dans un sac plastique lorsque les rebelles ont attaqué sa maison à Toulepleu. « La vie ne sera plus jamais la même ». L'animosité est attisée par un conflit foncier qui dure depuis très longtemps.
L'ancien président Félix Houphouët-Boigny, arrivé au pouvoir juste après l'indépendance et qui a conservé son mandat pendant trente-trois ans, avait mené une politique d'intégration, encourageant les migrants à venir travailler dans les riches plantations de cacao de Côte d'Ivoire. Après sa mort, en 1993, les régimes successifs se sont servis de l'ethnicité comme instrument politique, suscitant des rivalités ethniques et ravivant les tensions sous-jacentes. « Les Burkinabé sont armés et lorsqu'ils vous voient, ils se débarrassent de vous pour prendre vos terres », a dit M. Gibao, dont la femme, Victoire, dit qu'on lui a pris sa ferme. Nombreux sont ceux qui pensent que des membres des groupes du Nord et des migrants ont profité du conflit pour chasser les propriétaires locaux et s'emparer de leurs biens. « Les étrangers occupent la terre maintenant », s'est plaint Franck Pehedjia, qui dit qu'il ne pourra pas rentrer chez lui tant que tous les Burkinabés ne seront pas partis.
Tournés vers l'avenir
Les rapatriements se poursuivent, mais lentement. De nombreux réfugiés disent qu'ils ne peuvent qu'espérer que M. Ouattara perde les prochaines élections de 2015 et que les Burkinabés quittent la forêt. C'est dans cet état d'esprit que les camps de réfugiés de l'est du Liberia se transforment peu à peu en des villages plus permanents. Lisa Quarshie, agente de protection du HCR, remarque que le camp PTP s'établit de plus en plus solidement. « De plus en plus de personnes enduisent leur maison de torchis et nous espérons obtenir plus de ressources pour pouvoir leur fournir du zinc pour leurs toitures ». Le HCR prévoit également de redoubler d'efforts pour développer les moyens de subsistance dans le camp, tandis que les services essentiels comme les écoles ont quitté les tentes exiguës pour s'installer dans des bâtiments en béton élégamment peints. Les réfugiés ont également accès à un dispensaire sur place.
Martine Bahi a traversé la forêt p (...)
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