Madame la Procureur, que fera la CPI si les autorités ivoiriennes refusent de leur remettre Simone Gbagbo ?
Nous ne pensons pas que les autorités ivoiriennes refuseront de coopérer avec la CPI, que ce soit pour le transfèrement de Simone Gbagbo ou pour d'autres cas. Selon le statut de Rome, les autorités ivoiriennes ont plusieurs droits. Si les autorités ivoiriennes souhaitent juger Simone Gbagbo ici, elles ont aussi le droit de défier la recevabilité du cas par la CPI. C'est une prérogative que leur confèrent les statuts de Rome. Il sera laissé aux juges de décider si le cas est recevable devant la CPI ou non. Vous verrez que la même situation s'est produite en Libye. Ils ont défié l'admissibilité du cas devant les juges et les juges ont décidé.
Le 11 juillet 2013, les juges de la Chambre préliminaire I ont dit qu'ils sont disposés à accorder une liberté conditionnelle à M Gbagbo si les conditions sont réunies. Et dans ce cas, ils sont disposés à permettre aux avocats d'arriver à cette fin. Si la liberté conditionnelle est accordée à M Gbagbo, quelle sera votre réaction ?
Ce qui est arrivé en juillet concernait la confirmation des charges. Selon les procédures de la CPI et les statuts de Rome, le Bureau du Procureur doit apporter les preuves pour confirmer les charges. Et comme vous l'avez constaté, deux juges sur les trois ont souhaité que le Bureau du Procureur apporte des informations complémentaires. Cela doit être clair : les juges n'ont pas dit que M Gbagbo n'est pas responsable. Ce n'est pas le moment de déterminer si une personne est coupable ou pas. C'est juste le moment de dire si l'affaire doit aller en procès ou pas. Et les juges peuvent faire trois choses, selon les statuts : ils peuvent confirmer les charges, sans demander autre chose ; ils peuvent rejeter les charges ou alors ils peuvent demander des informations complémentaires. C'est ce que deux des trois juges ont demandé, à savoir avoir des informations complémentaires. Mais nous ne sommes pas d'accord avec ce que les deux juges ont décidé. Nous avons décidé de faire appel. L'autre chose que nous faisons, c'est continuer de chercher des informations complémentaires au cas où. Pendant que Bureau du Procureur fait ses enquêtes, nous pouvons continuer de chercher des informations jusqu'au procès. Même si nous n'avons pas besoin de ces informations en ce moment précis, nous en aurons besoin pendant le procès. Il est donc important pour le Bureau de consolider l'affaire. C'est aussi l'une des raisons de ma mission ici, c'est à dire, déployer mon équipe sur le terrain.
Après avoir été reçue par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, vous avez dit être venue récolter des informations complémentaires. Au terme de votre visite en Côte d'Ivoire, est-ce que votre équipe a pu vous donner de nouveaux éléments à charge ?
Lorsque je viens, c'est pour consolider le travail de mon équipe, parce que c'est elle qui est chargée de récolter les informations. J'ai eu l'assurance de ceux qui sont là que toutes nos requêtes auront des réponses. Nous avons déjà certaines des informations. Au niveau de la confirmation des charges, il n'est pas nécessaire de donner toutes les preuves que nous avons. Ils vont continuer de collecter les preuves et les donner au moment du procès, parce que ce n'est pas nécessaire de toutes les donner pendant la confirmation des charges.
Je voudrais vous demandez, en tant qu'Africaine, c'est la tradition vous comprendrez, comment se porte M Gbagbo ? Vous avez également dit qu'il est possible que certains auteurs de crimes, quel que soit leur rang, leurs responsabilités, soient déférés à la Haye. vous faites allusion à qui ? Est-ce que c'est un autre camp ou c'est celui qui n'a pas été touché jusqu'ici ? Est-ce que c'est Soro Guillaume ?
Concernant Gbagbo, je pense qu'il va bien. Mon Bureau n'est pas responsable de la détention de Laurent Gbagbo. Je le vois seulement pendant les procès, je pense qu'il va bien. C'est le greffe qui est responsable de sa détention, il peut recevoir des visites de sa familles, de ses avocats. Je voudrais souligner le fait que nous devrons arrêter de spéculer sur les prochaines cibles de la CPI. Je l'ai dit au tout début, le Bureau du Procureur va regarder dans tous les camps pour chercher des responsables. Et cela n'a pas changé. Mais, je l'ai dit à plusieurs reprises, il faut qu'on puisse commencer quelque part. Je voudrais que ce soit clair. Mon Bureau ne prend pas une personne parce que soit la presse parle de cette personne, soit les gens parle d'elle. Mon Bureau ne travaille de la sorte. Nous faisons des enquêtes et nous vérifions que des crimes relevant de la compétence de la CPI ont été commis, et qui en sont les responsables. Et c'est à ce niveau que nous pouvons identifier les auteurs de ces crimes et nous envoyons les preuves devant les juges. C'est à ce moment que nous allons devant les juges pour leur demander un mandat d'arrêt. Et même quand c'est fait, les juges prennent tout le temps pour regarder pour savoir si Monsieur x ou y est responsable, avant de prendre la décision d'émettre un mandat d'arrêt ou pas.
Vous avez affirmé que les charges seront confirmées contre Gbagbo, sur quelles preuves vous fondez-vous pour soutenir de telles affirmations ?
J'ai confiance en mes preuves. Devant les juges, elles pourront confirmer les charges qui sont retenues contre M. Gbagbo. C'est ce que j'avais dit et je le redis. Mais comme je l'ai dit, ce sont les juges qui décident et nous leur enverrons ces preuves. Jusque-là , ils n'ont pas dit qu'ils ne sont pas satisfaits des preuves. Ils ont demandé d'apporter des preuves complémentaires et nous le ferons. Nous allons faire également appel de la décision parce que nous pensons que ces preuves sont valables.
Le fait que les juges aient demandé des preuves complémentaires a fait débat à Abidjan. Certaines personnes ont considéré cela comme une défaite de votre Bureau. Que pensez-vous de cette appréciation ?
Concernant à ce que l'on pense ou ce que l'on dit, que ce soit un échec de mon bureau, je ne le pense pas. Nous avons fait le travail et nous ne sommes pas les seuls à apporter des documents. Nous apportons nos preuves, la Défense fait également son travail et comme on l'a dit, c'est aux juges de décider. Ils peuvent décider selon trois cas : soit ils confirment les charges, soit ils les rejettent, soit encore ils peuvent dire qu'ils prennent acte mais qu'il leur faut encore plus de preuves. Et c'est ce qu'ils ont demandé. Nous pensons que ces juges sont objectifs et qu'ils sont en train de faire leur travail, mais au Bureau, nous ne sommes pas d'accord avec la décision. C'est pourquoi, nous avons décidé de faire appel.
Vous dites que vous avez fait appel de la décision des juges. Vous avez été soutenue par la juge De Gurmendi, qui a produit une déclaration dans laquelle elle considérait que les preuves que vous avez fournies étaient suffisantes pour que les charges contre Gbagbo soient confirmées. Jusqu'à présent, nous n'avons aucune information de votre demande d'appel. Quelle est la procédure à ce niveau, vu que nous n'avons pas encore de suite ?
Concernant la Chambre préliminaire où on doit confirmer les charges, nous avons trois juges. Et toute décision prise par ces juges doit être soutenue par l'ensemble des juges ou alors par la majorité, c'est-à -dire deux. Dans le cas présent, ce ne sont pas tous les juges qui veulent que nous leur apportions des informations complémentaires. Ce sont deux juges sur trois. Comme vous le savez, un juge sur les trois n'est pas du tout d'accord avec les deux autres juges. Ce juge là pense que nous avons envoyé les preuves suffisantes et que nous n'avons pas encore à envoyer d'autres preuves. Mais elle est minoritaire et c'est la décision de la majorité qui prime. C'est pour cela que nous avons fait appel. Je dois être claire : faire un appel au niveau de la CPI, ce n'est pas automatiq (...)
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