Réforme constitutionnelle / Kakou Mathias, conseiller de Soro : « Nous pourrions accuser Ouattara de trahison »
A Hamed Bakayoko : « Il faut tourner sept fois la langue avant de parler »


Kakou Mathias De Vigny estime que la reforme constitutionnelle est la bienvenue.
  • Source: L'Inter
  • Date: mer. 17 août 2016
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Président du Parti pour le progrès et le socialisme (Pps), Kakou Mathias est aujourd'hui conseiller économique et social et conseiller du chef du parlement ivoirien, Guillaume Soro. Dans cet entretien, il revient notamment sur la réforme constitutionnelle, l'alternance en 2020 et les relations de son parti avec le Rhdp

Vous êtes président du Pps et par ailleurs très proche du chef du Parlement, Guillaume Soro. Le débat politique en cours c'est la réforme constitutionnelle. Quelle est la position de M. Kakou Mathias ?

Je souhaiterais revenir en arrière pour dire que depuis l'adoption de cette Constitution qui régit notre pays, le Pps a été le premier parti politique à la rejeter. On nous a rétorqué qu'elle a été votée à 86 % mais à l'époque, nous savons comment les militaires ont organisé le référendum. Donc, cette Constitution est ''ivoiritaire'' et je suis très heureux que toute la classe politique, y compris le leader de l'opposition ivoirienne, Pascal Affi N'guessan, disait il y a trois mois qu'il faut une nouvelle Constitution parce que celle que nous avons n'était plus à l'ordre du jour. Et puis, cette réforme est une promesse de campagne du président de la République, Alassane Ouattara. En principe, il devait le faire pendant son premier mandat, mais il a décidé de le faire, compte tenu des priorités, au second mandat. Il a été élu sur la base de cette promesse, parmi tant d'autres. Et il est de son devoir de tenir sa promesse, sinon nous, ses électeurs, pourrions l'accuser de trahison. Dans l'opinion nationale, les Ivoiriens, dans leur majorité, sont d'accord avec la réforme constitutionnelle. Le débat est sur la forme, c'est-à-dire la méthodologie à adopter devant aboutir à cette réforme. 

 

Vous parlez de l'adhésion de la classe politique au projet. Mais cette classe politique pense plutôt à une révision constitutionnelle et non à un changement de Constitution

Lors de la dernière campagne électorale relative à la présidentielle d'octobre 2015, Pascal Affi N'guessan a affirmé ici qu'il fallait à la Côte d'Ivoire une nouvelle Constitution. Donc le principe de doter la Côte d'Ivoire d'une nouvelle Constitution est un acquis. On ne peut comprendre la volte-face d'Affi qui, hier, était d'accord avec l'élaboration d'une nouvelle Constitution et qui, aujourd'hui, s'oppose. 

 

Pour des juristes, le passage d'une République à une autre implique la survenue d'une grave crise qui amène à suspendre ou à abroger l'ancienne Constitution...  

Quand ces juristes le disent, c'est qu'ils pensent à un coup d'État ou à une grave crise. On ne peut pas leur reprocher cet argument, au regard de certains faits dans l'histoire du monde. Mais, nous leur rétorquons qu'en Côte d'Ivoire, il y a eu des événements majeurs provoqués par cette Constitution. Nous avons en mémoire la rébellion de 2002, dont l'épilogue a été la grave crise post-électorale qui a endeuillé des centaines de familles. A la sortie de cette crise, cette Constitution devait être automatiquement modifiée. Pas seulement à cause de l'article 35 qui focalise l'opinion, mais aussi à cause de l'impunité qui y est consacrée à travers un article qui gracie des auteurs de putschs. Mais il y avait trop de priorités. Il fallait d'abord relancer l'économie parallèlement à la restauration de la sécurité et, ensuite, rassurer les investisseurs, tout en mettant à niveau les infrastructures. Nous ne pouvions donc pas parler de réforme constitutionnelle. Maintenant que les voyants sont au vert et que la Côte d'Ivoire se porte mieux, le président Ouattara a décidé de changer cette Constitution. Si nous voulons devenir émergents, avec des Ivoiriens nouveaux, il nous faut traduire cette ambition dans une loi fondamentale claire et moderne, à l'image de celle des États-Unis.

 

Vous étiez pourtant membre d'une commission chargée de la rédaction de cette Constitution. N'êtes-vous pas responsable des crises qu'elle a engendrées ?  

Non, pas du tout. En tant que représentant du Pps, en 2000, je faisais partie  du comité scientifique dirigé par le professeur Ouraga Obou, feu Boga Doudou Émile. Je faisais partie de ceux qui ont travaillé, en commission, sur cette Constitution. On avait retenu le ''ou''. Tout le monde était d'accord. A notre grande surprise, quand Gueï a su qu'avec le ''ou'', il avait en face des candidats sérieux, il a battu campagne pour le ''et'' qu'il a pris soin d'intégrer dans le projet de Constitution à la dernière minute, sur les conseils de certains hommes politiques. C'est sur la base du ''ou'' qu'Alassane Ouattara avait d'ailleurs demandé à ses militants d'aller voter ''oui''. Et quand Gueï y a introduit le ''et'', à quelques jours du vote, il était impossible d'appeler les militants à aller voter non. Voilà comment cette Constitution a été adoptée. Ça a été une vaste escroquerie intellectuelle et morale, une arnaque et un abus. Quand le Pps s'est opposé à une telle machination, il lui a été demandé de quitter le gouvernement. Souvenez-vous, en mai 2000, le Pr. Bamba Moriféré a quitté le gouvernement parce qu'il n'avait pas soutenu le ''et''. Gueï a refait son gouvernement et chassé tous ceux qui soutenaient Ouattara.  Une telle loi fondamentale qui, à la base, n'était pas consensuelle, ne pouvait que nous amener des problèmes. 

 

Quand vous parlez de nouvelle Constitution, des experts en droit comme Wodié vous diront qu'il faut interroger d'abord le peuple, par un référendum, sur la possibilité de changer de Constitution, avant un autre référendum pour son adoption  

Je respecte le Pr. Wodié, mais le droit est souple et peut faire l'objet de plusieurs interprétations. Le Pr. Jacqueline Oble a fait une sortie, dans votre organe de presse, si ma mémoire est bonne. Pour elle, qu'on passe par une constituante ou par la méthode du chef de l'État, à travers un comité d'experts, on arrive toujours au résultat suivant : tout le monde est appelé à aller voter la loi fondamentale. Quelle que soit la méthodologie, le peuple aura le dernier mot. A mon avis, il n'y a pas de problème. Si tous reconnaissent qu'il faut une nouvelle Constitution, le reste n'est qu'une question d'intérêt et de positionnement. Il faut à la Côte d'Ivoire une nouvelle Constitution. Elle en a besoin pour se réconcilier. Il faut qu'on aille à un État-nation. 

 

D'aucuns disent que le contexte n'est pas encore favorable à l'élaboration d'une nouvelle Constitution, au regard du nombre d'exilés ivoiriens et de détenus de la crise post-électorale proches de l'ancien président, Laurent Gbagbo

Le contexte se prête bel et bien à un réféérendum. De plus d'un million d'Ivoiriens à l'extérieur, juste après la crise post-électorale, nous sommes aujourd'hui à près de 40.000. C'est vrai, aucun Ivoirien ne doit être contraint à l'exil, mais le chef de l'État continue de se battre pour le retour de ceux qui sont encore hésitants. Il a toujours tendu la main. L'autre vérité, c'est qu'on ne peut aussi obliger une personne à revenir chez elle si elle est à l'extérieur. Pourquoi ''x'' rentre, sans être inquiété, et ''y'' refuse de revenir ? Ce sont des questions complexes auxquelles seuls ceux qui refusent de rentrer pourront répondre. En ce qui concerne les détenus, il y a aussi des efforts. La plupart a été libérée. C'est donc abusive (...)

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