Lutte contre la corruption / La déclaration de patrimoine : une opération claire-obscure


Le président de l'Assemblée nationale, Guillaume Soro (à g.), en compagnie de Seydou Diarra, président de la haute autorité pour la bonne gouvernance, le jour de sa déclaration de patrimoine. (Photo DR)
  • Source: Soir Info
  • Date: jeu. 12 nov. 2015
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La déclaration de patrimoine. Voilà la trouvaille sortie de leur chapeau par nos gouvernants pour endiguer ou, à tout le moins, faire reculer le phénomène de la corruption en Côte d'Ivoire.

La déclaration du patrimoine semble être, aux yeux des autorités, un moyen pour lutter efficacement contre les détournements de deniers publics et autres malversations, qui donnent de la Côte d'Ivoire l'image d'un pays corrompu. Le pays, il est vrai, traîne une mauvaise réputation de nation corrompue, vu qu'elle figure parmi les pays les plus corrompus au monde. C'est que, en dépit des mesures adoptées en vue de juguler le mal, la Côte d'Ivoire demeure dans le précipice des pays corrompus. En témoigne la position qu'elle occupe dans le classement 2015 de Transparency International, relativement à l'indice de perception de la corruption : 115e sur 173. Le pays a certes fait des progrès depuis l'accession d'Alassane Ouattara au pouvoir, puisqu'il est passé de 154 e sur 183 en 2011 à 136e en 2013, pour être aujourd'hui au 115e rang. C'est d'ailleurs pour inverser cette tendance qu'a été créée, depuis septembre 2013, la Haute autorité pour la bonne gouvernance (Habg), l'équivalent français de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (Hatvp). Pensée par l'ex- Secrétariat national à la gouvernance et au renforcement des capacités (Sngrc, devenue aujourd'hui Secrétariat national au renforcement des capacités (Snrc), cette institution est essentiellement dévolue à la lutte contre la corruption. C'est dans ce cadre qu'elle a conçu la stratégie fondée sur la déclaration de patrimoine, comme moyen de prévention de la corruption. Cette procédure est, en effet, inscrite dans l'ordonnance n°2013-660 du 20 septembre 2013, portant prévention et lutte contre la corruption et les infractions assimilées. 

 

Mystère autour des richesses déclarées

L'article 5 de ladite ordonnance indique clairement les catégories de personnes astreintes à la déclaration de patrimoine. Il s'agit, entre autres : du président de la République, des présidents d'institutions ou personnalités ayant rang de président d'institution, des membres du gouvernement ou des personnalités ayant rang de ministre ou de secrétaire d'État, des personnalités élues (députés, présidents de conseils régionaux et leurs vice-présidents, maires et leurs adjoints), des gouverneurs et vice-gouverneurs des districts, des membres de la Haute autorité pour la bonne gouvernance, y compris le secrétaire général de cette institution et toute personne agissant pour le compte de l'État et utilisant, dans le cadre de ses fonctions, les moyens financiers de l'État. La déclaration est faite, en principe, dans les trente jours qui  suivent la prise de fonction ou le début de l'exercice du mandat ( Article 8 de l'ordonnance). Une autre déclaration est produite après la cessation de fonction ou en fin de mandat. Mais que déclare au juste les concernés ? Aux termes de l'article 9 de l'ordonnance évoquée ci-dessus, ils déclarent « les biens meubles, corporels et incorporels, et immeubles des intéressés, qu'ils soient situés sur le territoire ivoirien ou en dehors de celui-ci ». Dans les faits, on sait peu de choses sur ce qu'ont déclaré posséder les personnalités qui ont défilé jusque-là dans les locaux de la Haute autorité pour la bonne gouvernance. Les responsables de cette institution entretiennent, en effet, un mystère autour des richesses déclarées par les premiers membres du gouvernement qui se sont pliés à l'exercice. Sans doute à cause de la confidentialité, censée entourer cette déclaration de patrimoine, conformément à cet alinéa de l'article 9 de l'ordonnance : « La déclaration du patrimoine a un caractère confidentiel ». Soit. Mais, au nom de la transparence, inhérente à la bonne gouvernance, il aurait été bien indiqué que l'opinion soit informée plus amplement des types de biens que ces personnalités sont supposées avoir déclarés, en se fondant sur un spécimen du formulaire. Mais là aussi, on n'en sait pas plus, puisque aucun responsable de la Haute autorité pour la bonne gouvernance n'a daigné le mettre à disposition à l'occasion des deux ateliers de sensibilisation organisés par l'institution à l'intention des hommes de média d'une part et des organisations de la société civile, d'autre part. Mieux, le formulaire vierge est indisponible sur le site internet de l'institution. Quand on tente de télécharger le document comme indiqué, on tombe sur une page qui affiche : Société nationale de développement informatique/ Avertissement/ Accès interdit. Pourquoi est-ce ce formulaire-là seul qui est inaccessible alors qu'on peut télécharger le formulaire relatif à la plainte et dénonciation ? 

 

Vraie ou fausse déclaration de patrimoine ? 

On s'étonne que soit entretenue une telle opacité d'autant plus que des documents du même genre sont disponibles sur le site de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, l'équivalent français de notre Haute autorité pour la bonne gouvernance. C'est d'ailleurs grâce au spécimen figurant sur ce site que l'on peut se faire une meilleure idée de ce qu'ont dû déclarer comme biens, certains membres du gouvernement et des présidents d'institution ayant déjà sacrifié au rituel. Et même le président de la République (voir encadré 1). A l'image d'Ahoussou Jeannot, ministre d'État, ministre auprès du président de la République, tous ceux qui se sont pliés à l'exercice ont exprimé leur pleine adhésion à l'opération. « C'est un exercice pour amener tous les Ivoiriens à être vertueux (…). Le seul message, c'est de respecter l'argent public, le bien (...)

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