AMU, CMU, crise au FPI, Appel de Daoukro, KKB, Essy, Banny, retour au pays... / La ministre Ohouochi Clotilde explose depuis son exil : Ses révélations sur des manœuvres pour la libération de Gbagbo


(Photo d'archives)
  • Source: Soir Info
  • Date: mar. 07 avr. 2015
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Cadre du Front populaire ivoirien ( Fpi), Ohouochi Clotilde était ministre de la Solidarité, de la Sécurité Sociale et des Handicapés avant de devenir Conseillère à la Présidence de la République, chargée du projet de l'Assurance maladie universelle ( Amu) jusqu'à la chute du régime du Président Laurent Gbagbo.

Aujourd'hui en exil, elle accepte pour la première fois de parler. A travers cette interview exclusive qu'elle nous a accordée le vendredi 3 avril 2015, par la magie des Tics, elle dit absolument tout. Notamment sur le projet de l'Amu qu'elle a piloté, la Cmu mise en place par les nouvelles autorités, la crise au Fpi, son parti, l'Appel de Daoukro, les candidatures à la présidentielle d'octobre 2015 de KKB, Essy Amara, Banny, son mentor Laurent Gbagbo...

 

Pourquoi écrire un livre sur l'Assurance maladie universelle ( Amu) au moment où se met en œuvre la Couverture maladie universelle (Cmu) ?

Je voudrais vous remercier de l'opportunité que vous m'offrez de présenter mon nouvel ouvrage intitulé : « l'Assurance Maladie Universelle (AMU)  en Côte d'Ivoire: enjeux, pertinence et stratégie de mise en œuvre », paru, il y a environ une semaine, aux Editions l'Harmattan, à Paris. Cet ouvrage fait suite au premier intitulé: « On ira jusqu'au bout », paru en juin 2013, sur la crise post-électorale et la manière dont je l'ai vécue en tant que personnalité proche du président Laurent Gbagbo. Pour en revenir à votre question, deux raisons essentielles m'ont amenée à écrire cet ouvrage.

 

Lesquelles ?

Premièrement, en 2001, vu l'échec de l'Initiative de Bamako qui, par le principe de l'instauration du paiement direct des soins de santé, excluait les populations, notamment les plus démunies, des structures de santé, le gouvernement avait initié le projet de l'Amu. Cela, partant du fait que dans notre monde globalisé, les politiques ou initiatives qui, ailleurs, ont permis d'apporter des progrès fulgurants au bien-être des populations, devaient également être envisagées pour les sociétés africaines en pleine mutation et au sein desquelles la promotion d'une importante culture proactive et préventive gagnait de plus en plus de terrain. Le système de l'assurance maladie qui, en Occident, était le fruit de nombreuses conquêtes du corps social, émanait, dans notre contexte, plutôt d'une volonté politique affichée.

 

Que s'est-il passé par la suite ?

Lors du vote de la loi sur l'Amu en 2001, la pensée de la Communauté internationale était frileuse, voire hostile à l'instauration de systèmes d'assurance maladie obligatoire en Afrique. L'assurance maladie sociale ne faisait pas partie des considérants des « développeurs » et les initiatives qu'ils engageaient sur le continent en matière de financement de la santé, consacraient, toutes, la primauté des mutuelles de santé. Or le constat général révèle que, sur le terrain, la propagation des mutuelles est lente et limitée. En 2003, par exemple, on dénombrait en Côte d'Ivoire, une quarantaine d'organisations mutualistes de types divers avec seulement 662.457 personnes couvertes. Quant aux assurances privées, elles ne couvraient que 3% de la population globale.

 

Comment se présentait concrètement la situation avant le projet de l'Amu ?

Au moment de l'étude sur l'Amu, environ 6% de la population ivoirienne bénéficiaient d'une protection sociale contre le risque maladie. Les 94 % restants étaient des laissés-pour-compte face aux aléas de la maladie. L'Etat a donc pris ses responsabilités régaliennes par l'instauration de l'Amu comme moyen d'accessibilité des populations à des soins de santé de qualité.

 

Qu'en est-il à ce jour ?

Aujourd'hui, le temps nous donne raison et l'assurance maladie est à l'ordre du jour en Afrique. En effet, dans la continuité des conclusions du G20 de Cannes, en novembre 2011, l'Assemblée Générale des Nations unies a adopté, le 12 novembre 2012, à l'initiative de la France, une résolution en faveur de la Couverture sanitaire universelle (Csu) dans les pays du Sud. De ce point de vue, je me suis sentie interpellée, en tant qu'intellectuelle, et cet essai sur l'Amu intervient dans l'objectif clairement affiché d'apporter ma contribution au débat engagé et de partager, par la même occasion, mon expérience.

 

Quelle est la deuxième raison de la sortie de votre livre ?

La 2è raison est d'ordre politique. L'Amu est née de la vision politique et du rêve d'un homme : Laurent Gbagbo. C'est un pan important de son projet de société, de son programme de gouvernement et du contrat social qu'il avait passé avec les Ivoiriens, alors même qu'il était dans l'opposition. J'estime que le « patrimoine » politique de Laurent Gbagbo doit à tout prix être préservé et reproposé aux Ivoiriens. J'ai écrit cet essai dans l'optique de la réactualisation du programme de gouvernement du Fpi.

 

Quelle différence faites-vous entre l'Amu dont vous conduisiez le projet à l'époque et la Cmu mise en place par les autorités ivoiriennes ?

On pourra difficilement épuiser la question dans le cadre de cette interview tant la différence entre les deux projets est monumentale. Je me bornerai uniquement à relever les points les plus clivants.

 

Quels sont ces points-là ?

D'abord au niveau du principe de la cotisation à montant unitaire de 1000 F Cfa. La cotisation à montant unique de 1000 F Cfa préconisée mécaniquement dans le cadre de la Cmu ne repose, de mon point de vue (et beaucoup d'observateurs extérieurs partagent cette opinion), sur aucune base concrète et contrevient gravement au principe d'équité qui est la base fondamentale de toute assurance à caractère social. En effet, qu'est-ce qui justifie le fait que le pauvre paye 1000 F Cfa de même que le riche ?

 

Comment les choses étaient-elles prévues au niveau de l'Amu ?

Au niveau de l'Amu, c'était différent. En termes d'équité, les dispositions de la loi sur l'Amu prévoyaient une contribution des populations, proportionnellement à leurs revenus et à leur capacité contributive. Les cotisations des affiliés étaient assises sur le revenu ou fixées sur la base d'un forfait si l'adhérent n'a aucune source de revenu ou des revenus difficilement estimables. Les enfants de moins de 5 ans étaient exemptés de toute cotisation, pris en compte sur la carte Amu des parents. La grille des cotisations, en fonction des strates sociales pertinentes, a été élaborée selon les hypothèses de l'étude actuarielle que nous avons commandée en 2002.

 

Que disait cette étude ?

Selon cette étude, la contribution financière attendue à partir des cotisations variait entre 457 milliards de F Cfa en 2002 et 567 milliards F Cfa en 2007. Or, la dépense nationale de santé (Dsn), d'après une étude de la Coopération française de 2000, se situait à 386 milliards de F Cfa par an. Par conséquent, les cotisations attendues de l'Amu permettaient de couvrir, largement, la dépense globale de santé.

 

Quels sont les autres points de différence entre l'Amu et la Cmu ?

Il y a l'équité dans la distribution des soins. La loi sur l'Amu précise que tous les prestataires de soins, aussi bien publics que privés, sont conventionnés dans le système. Aussi, riches et pauvres peuvent-ils se soigner aussi bien dans le public que le privé. Il y a également la gratuité des soins au premier niveau de la pyramide sanitaire. Les structures de santé primaires constituent le soubassement du système de santé. Ce sont les structures de base de 1er accès à la population (infirmeries, maternités, centres de santé). Ils représentent environ 93% de l'offre de soins. A ce niveau, l'Amu prévoit la distribution gratuite des soins pour la population. Il y a également l'approche participative et citoyenne comme méthodologie de mise en œuvre de l'Amu.

 

Comment comprendre ce point ?

En fait, compte tenu du caractère innovant de l'Amu, des écueils importants ont été répertoriés. A savoir, le scepticisme, l'ignorance, les pesanteurs socio-culturelles, les appréhensions et les réticences de certains partenaires-clés. Pour aplanir ces difficultés et garantir la réussite du projet, l'approche participative et consensuelle a été adoptée comme stratégie de mise en œuvre. Cette approche s'est traduite par un dialogue social initié à travers une vaste campagne d'information et de sensibilisation qui a permis de recueillir les avis et suggestions de toutes les couches de la population à chaque étape du processus.

 

Qu'avez-vous retenu, par exemple, à la suite de ces avis et suggestions ?

Par exemple, la gratuité de la cotisation pour les enfants de moins de 5 ans et les facilités à accorder aux ménages polygamiques ont été suggérés à l'équipe-projet par les populations de Korhogo en 2001, avant la guerre. Ces rencontres ont permis l'élaboration consensuelle de la loi sur l'Amu. Le Comité de pilotage s'est aussi bâti autour de 4 grandes composantes : santé, identification, cotisations, création des organismes de l'Amu. Ces composantes sont formées à partir de l'expertise locale émanant des structures publiques, parapubliques et privées, de la société civile et des représentants des différents secteurs de la vie sociale, économique et politique.

 

Il avait été évoqué des sites d'expérimentation à l'intérieur du pays...

En effet. Toujours dans le cadre de la sensibilisation en vue de l'appropriation de l'Amu par les populations, il a été mis sur pied, sur les deux sites d'expérimentation de Bondoukou et de Soubré, des Comités locaux Amu, regroupant les acteurs de terrain et les leaders d'opinion pour porter le projet à la base. Disons, en un mot, que le dialogue social et la concertation permanente ont été érigés en règle de gestion du projet de l'Amu. Postulant qu'il n'y a pas de solutions durables dans une telle entreprise sans compromis successifs. Tel ne semble pas être le cas en ce qui concerne la Cmu.

 

Les responsables de la Cmu justifient l'abrogation de la loi sur l'Amu par la lourdeur de ce projet. Qu'en dites-vous ?

J'ai déjà entendu cette critique lorsque je conduisais le projet. Elle est principalement formulée par certains partenaires au développement pour justifier, à l'époque, leur refus d'accompagner le projet ivoirien. Et je ne suis guère surprise de constater, aujourd'hui, que le schéma organisationnel et la stratégie opérationnelle qu'ils voulaient nous imposer sont pratiquement identiques à ce qui est fait par les responsables de la Cmu. Là où l'Amu proposait, dans une optique de justice sociale, une couverture de base minimale obligatoire pour tous les membres du corps social sans exclusive, les partenaires internationaux préconisaient, quant à eux, un mécanisme mutualiste tendant vers la couverture sectorielle des seuls acteurs du monde du travail organisé.

 

Pourquoi ces partenaires avaient-ils opté pour ce choix ?

Ces partenaires pensaient qu'une extension rapide et à grande échelle de la couverture de sécurité sociale dans les pays à faibles revenus était impossible. Or, les faits observés depuis quelques années balaient cette idée reçue. Au Rwanda par exemple, l'assurance maladie est aujourd'hui une réalité. Le projet de l'Amu, tel que décidé par ses concepteurs, se présentait comme une véritable spécificité ivoirienne, voire africaine. Il n'était ni une imitation ni une reproduction systématique de modèles étrangers. Il tirait son originalité et son authenticité de la capacité qu'ont eue ses responsables à le rendre cohérent avec les réalités économiques, sociales et culturelles des populations ivoiriennes.

 

Sur la question, vous aviez participé à une conférence à Ouagadougou, au Burkina Faso...

A la conférence internationale sur les soins de santé primaires et les systèmes de santé en Afrique organisée par l'Oms (Organisation mondiale de la santé) à Ouagadougou du 28 au 30 avril 2008, l'occasion m'a été donnée d'observer quelques similitudes entre l'Amu et le projet de l'assurance maladie en Tanzanie. Cela m'a confortée dans le combat en faveur de l'instauration de mécanismes d'assurance maladie obligatoire en Afrique pour sortir définitivement notre continent de la zone de silence sanitaire.

 

Selon vous, pourquoi n'avoir pas adapté l'Amu à la nouvelle situation de crise connue dans le pays au lieu d'arrêter sa mise en œuvre ?

C'était impossible pour plusieurs raisons. L'environnement de guerre à partir du 19 septembre 2002 a, indéniablement, eu de lourdes conséquences sur la poursuite du projet. Le chronogramme d'exécution s'en est trouvé gravement contrarié. Le président Laurent Gbagbo a refusé d'opter pour une Amu uniquement tournée vers les populations de la zone gouvernementale au détriment de celles placées sous l'autorité de la rébellion à l'époque. Ceci pour respecter les principes fondamentaux de l'Amu. A savoir la solidarité, l'universalité et surtout, pour éviter d'entériner la partition de fait du pays.

 

L'Amu a-t-elle donc été sacrifiée sur l'autel d'intérêts ?

Oui. L'Amu est un projet transversal dont la mise en œuvre nécessite l'implication de tous. Or des postes-clés, des postes stratégiques du dispositif de l'Amu se sont retrouvés aux mains de ministres provenant de l'opposition armée et civile à l'issue du partage du pouvoir de Laurent Gbagbo exigé par les accords de paix (Linas-Marcoussis, Accra 1 et 2, etc.). Victime d'intérêts politiques divergents, l'Amu va souffrir du manque de solidarité et de cohésion au sein des gouvernements successifs dits de réconciliation nationale au sein desquels les forces politiques et armées vont transposer leurs antagonismes et dissensions.

 

Mais si le projet avait effectivement été mis en route, d'où devraient provenir les fonds pour assurer son démarrage ?

Je précise que les dispositions de la loi sur l'Amu font obligation à l'État de mettre à la disposition des organismes de l'Amu un fonds d'établissement leur permettant de démarrer leurs activités. Ce fonds doit être rendu disponible avant les cotisations sociales et dûment constaté par les mandataires adhoc de l'Amu avant le dé (...)

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