Politique

SEM. Terence P. McCulley (ambassadeur des Etats-Unis en Côte d'Ivoire) : ''Pour qu'il y ait une vraie réconciliation en CI, il faut une justice équitable'' - ''Il faut que le progrès économique profite à l'Ivoirien moyen, cela doit se ressentir dans le panier de la ménagère''

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SEM. Terence P. McCulley, ambassadeur des Etats-Unis en Côte d'Ivoire.

Le vendredi 16 décembre 2015, SEM Terence McCulley, l'ambassadeur des Etats-Unis en Côte d'Ivoire, s'est ouvert à L'inter.

Il s'est exprimé sur les différents sujets de l'actualité, aussi bien au plan national qu'international. Justice ivoirienne, réconciliation, élections, ''émergence'' du pays à l'horizon 2020, terrorisme en Afrique, etc. Malgré quelques réserves, le diplomate américain a tout de même été très franc sur bien des questions.

 

Excellence, après la crise post-électorale qui a fait 3000 morts, selon les chiffres officiels, la Côte d'Ivoire est dans une dynamique de paix et de réconciliation. Quelle est votre appréciation du processus ? 

Depuis la fin de la crise post-électorale au mois d'avril 2011, la Côte d'Ivoire a fait des progrès impressionnants en matière de croissance économique, de consolidation des institutions démocratiques et de réconciliation nationale. Tout le monde est impressionné par les pas que la Côte d'Ivoire a faits. Il reste encore des progrès à faire pour la réconciliation : il faut une justice équitable, pour que tous ceux qui ont commis des crimes pendant la crise soient poursuivis en justice ; il faut que cela soit fait des deux côtés. Mais les Etats-Unis considèrent que la Côte d'Ivoire est sur la bonne voie en matière de progrès sur tous les plans, y compris la réconciliation nationale, même s'il reste encore beaucoup à faire.

 

Etes-vous d'avis avec ceux qui disent que l'ancien président, Laurent Gbagbo, est incontournable pour la réconciliation en Côte d'Ivoire ?

Je crois que ce qui est important, c'est que tous les acteurs politiques, tous les partis politiques, acceptent de tourner la page et de participer sincèrement à la construction et à la consolidation des institutions démocratiques en Côte d'Ivoire. Il faut que tout le monde participe au processus.

 

Le couple ‘’réconciliation et justice’’ est diversement interprété, et certains parlent de ''justice des vainqueurs''. Quel commentaire faites-vous à ce sujet ? 

Ce sujet fait partie de notre dialogue avec le gouvernement ivoirien. Nous avons toujours dit que pour qu'il y ait une véritable réconciliation ici en Côte d'Ivoire, il faut une justice équitable. Je crois que le gouvernement a fait des pas dans ce sens avec la Commission nationale d'enquête, avec l'établissement de la cellule spéciale au sein du ministère de la Justice. Comme je l'ai dit tantôt, il faut tout de même que le gouvernement continue de montrer sa bonne volonté d'amener en justice tous ceux qui ont commis des crimes.

 

La Côte d'Ivoire est dans une année électorale, le pays se prépare pour des nouvelles échéances électorales à partir d'octobre prochain, comment voyez-vous ces élections à venir ?

Ce que souhaitent les Etats-Unis et tous les amis de la Côte d'Ivoire, c'est qu'il y ait en octobre 2015, des élections crédibles et transparentes, avec la participation sans exclusive des Ivoiriens. Je crois que les conditions sont en train d'être mises en place pour qu'il y ait des élections crédibles et transparentes. Il y a déjà la Commission électorale indépendante (Cei) qui regroupe tous les acteurs politiques, gouvernement et opposition. Je crois qu'elle est à la hauteur de la tâche, pour gérer les élections. Maintenant, c'est aux acteurs politiques d'accepter de participer à ces élections. Que le débat commence et que le meilleur gagne.

 

Justement, excellence, parlant de la Cei, il y a encore débat en ce qui concerne sa composition. Quel est votre avis ? 

Je crois que, suite aux discussions entre le gouvernement et l'opposition, il a été décidé d'élargir le bureau de la Commission centrale de la Cei, en réponse à la demande de l'opposition. Suite au projet de loi qui a été voté à l'Assemblée nationale, l'opposition a décidé de retourner à la Cei. Je crois qu'on peut dire qu'il y a une commission établie par consensus avec la participation des uns et des autres : du gouvernement, de la société civile et de l'opposition. Donc, une commission capable de superviser ces élections si importantes en octobre 2015. Pour ce qui concerne les Etats-Unis, nous accompagnons la Cei à travers un projet qui apporte un appui technique pour renforcer sa capacité à gérer cette échéance électorale.

 

Quel rôle pensez-vous que les médias doivent jouer dans ce processus électoral, dans la mesure où ils sont très souvent accusés quand il y a des conflits ?

Dans toutes les démocraties, les médias ont un rôle important à jouer. Nous estimons que la liberté d'expression est fondamentale. La presse a un rôle de sensibilisation des électeurs. Elle doit les éclairer sur les grandes questions de l'actualité. Elle doit couvrir de façon équitable, les activités des candidats et en rendre fidèlement compte aux lecteurs.

 

L'opposition reproche pourtant au pouvoir de l'empêcher d'avoir équitablement accès aux médias d’État. Cela ne constitue-t-il pas un obstacle à la démocratie ? 

La position des Etats-Unis, c'est qu'il y ait un certain équilibre dans la couverture des différentes campagnes. Nous espérons vivement qu'il y ait une couverture objective et accessible à tout le monde, qu'il s'agisse des médias d'Etat ou des médias privés.

 

L'un des volets essentiels de ce processus électoral, c'est la sécurité. Il se trouve cependant que dans la période de campagne, la question se pose sérieusement. Que préconisez-vous ? 

Nous suivons avec beaucoup d’intérêt la réforme du secteur sécuritaire. Je crois ici aussi, comme dans beaucoup de secteurs, que la Côte d'Ivoire a fait énormément de progrès depuis la fin de la crise post-électorale. Dans le cadre du processus Ddr (ndlr : Démobilisation, désarmement, réinsertion) actuellement en cours, un schéma des différentes composantes des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (Armée de terre, armée de l'air, et la marine) a été établi. Je crois que ces deux processus ont beaucoup contribué à apaiser la situation sur le plan sécuritaire. En plus, il y a l'Onuci qui appuie les forces armées ivoiriennes dans la stabilisation de la situation sécuritaire, pour que les élections se déroulent dans le calme.

 

La Côte d'Ivoire est toujours sous embargo, n'est-ce pas là aussi un frein à la sécurisation des élections ?

Je ne pense pas. Vous savez que les sanctions ont été imposées par la communauté internationale pendant la crise, cela fait quatre ans que la crise a pris fin. Depuis l'année dernière, le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé d'alléger ces sanctions pour permettre au pays d'acquérir des armes légères. Le président Ouattara, dans son discours à la Nation, à l'occasion du nouvel an et devant le corps diplomatique, a clairement indiqué que la levée de ces sanctions représente une priorité pour le gouvernement ivoirien. Le Conseil de sécurité va suivre la situation de très près et au moment propice, il avisera de la levée de ces sanctions. A mon avis, vu le rôle important que joue déjà l'Onuci, cet embargo n'est vraiment pas un frein à la sécurisation de ces élections.

 

Il y a aussi la sécurité sous-régionale, notamment la sécurité maritime et transfrontalière. Le général David Rodriguez, le patron de l'Africom, était récemment en Côte d'Ivoire. Y a-t-il un problème particulier de sécurité qui ait nécessité son déplacement ?

En sa qualité de commandant de l'Africom, le général Rodriguez entretient de bons rapports avec tous les partenaires africains. Il est venu ici pour prendre contact avec les autorités ivoiriennes, discuter de l'avenir de la coopération militaire entre les USA et la Côte d'Ivoire. Cette coopération est à ses débuts. Un accent particulier a été mis sur le volet maritime. Nous avons organisé quelques ateliers pour discuter de la sécurité maritime, c'est un volet important de la coopération des Etats-Unis avec la Côte d'Ivoire en ce moment. Evidemment, la question de la criminalité transfrontalière est une priorité pour le gouvernement américain. Heureusement, pour l'instant, la Côte d'Ivoire est épargnée par ce fléau, mais il faut toujours rester vigilant.

 

Comment expliquez-vous le terrorisme transfrontalier, notamment la piraterie maritime qui sévit sur les côtes ouest-africaines?

L'insécurité maritime est un phénomène qui n’est pas propre à la Côte d'Ivoire, c'est un problème qui dépasse les frontières maritimes. C'est la raison pour laquelle nous mettons l’accent sur une bonne collaboration entre les différents pays de la sous-région. Nous encourageons tous les pays de la côte ouest-africaine à œuvrer ensemble contre le fléau. Nous organisons, avec nos partenaires africains, des exercices conjoints auxquels participent les forces maritimes américaines.

 

L'Afrique qui était relativement épargnée par le terrorisme, est subitement devenue le sanctuaire des jihadistes. Y a-t-il une explication à cela ?

Ce n'est pas un phénomène nouveau, le terrorisme en Afrique a commencé depuis la fin des années 1990 début 2000. Les jihadistes qui se trouvent en ce moment au Mali sont venus de l'Algérie suite à la guerre entre l'armée algérie (...)



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