Exclusif - Livre de Gbagbo / Les extraits que vous n'avez pas encore lus : L'attaque des rebelles de 2002 - L'investiture de 2010 et ce qui en a suivi - Le CFA et la BCEAO

  • Source: Linfodrome.com
  • Date: vend. 27 juin 2014
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Le livre de Gbagbo "Pour la vérité et la justice" est sorti le 26 juin. Nous vous en diffusons en exclusivité les meilleures feuilles. Dans ce premier extrait du livre, l'ancien chef d'Etat aborde le coup d'Etat de du 19 septembre 2002 et les motivations des parrains de la rébellion, l'investiture de 2010 et ce qui en a suivi, le CFA et la BCEAO.

L'ATTAQUE DES REBELLES DE 2002

(...) Les 18 et 19 septembre 2002, j'étais en voyage officiel à Rome. À peine arrivé, qui est-ce que je vois, à l'hôtel ? Robert Bourgi. Bien sûr, j'ai trouvé la coïncidence curieuse, et pour tout dire, ça ne pouvait pas en être une. Nous avons dîné ensemble.

J'ai rencontré le président de la République, puis j'ai rencontré Silvio Berlusconi, qui était à l'époque président du Conseil. On parle politique, projets: il m'a brillamment entretenu sur «l'e-gouvernement », et m'a proposé la collaboration de son pays pour l'informatisation de notre administration. Il m'a dit qu'il avait perdu beaucoup d'argent en France. Il m'a raccompagné à la voiture en me tenant le bras, et quand nous avons été seuls, qu'il a été certain que personne ne l'entendrait, il m'a dit : « Tu me plais, toi. Si je peux te donner un conseil : méfie-toi de Chirac. Il est très sympathique, comme ça, mais il poignarde dans le dos. »**

Après cela, j'ai vu le maire de Rome, et je devais voir le pape, le lendemain. Je suis rentré à l'hôtel. Vers 3 ou 4 heures du matin – il était 2 heures à Abidjan – j'ai été informé par un coup de fil de l'attaque militaire massive déclenchée dans tout le pays. Je décide de rentrer immédiatement. Robert Bourgi apparaît à ce moment et insiste : « Passe à Paris voir ton grand frère [Chirac] ». Sur le moment, j'ai pensé à tous ces chefs d'États, en Afrique, qui étaient partis en voyage, et n'avaient jamais pu rentrer... Je n'avais pas vu le pape, je ne suis pas allé à Paris, voir Chirac. Je suis rentré à Abidjan.

Il y a eu un problème avec le plan de vol, les pilotes n'ayant pas été prévenus assez tôt. Je n'ai pas pu quitter Rome le jour même. Je suis rentré le 20 septembre. Le ministre de la Défense et le Premier ministre m'attendaient à l'aéroport. Ce sont eux qui m'ont appris la mort d'Émile Boga Doudou, le ministre de l'Intérieur assassiné alors qu'il tentait de fuir son domicile, seul et sans arme.

J'ai fait une intervention à la télévision ivoirienne, le jour même de mon arrivée. J'ai appelé au rassemblement face au coup d'État. J'ai rappelé nos objectifs de progrès. J'ai souligné que nous étions passés, du jour où j'avais prêté serment, le 26 octobre 2000, d'un taux de croissance négatif à moins 2,3 % à moins 0,9 % à la fin de 2001, et que nous allions vers les 5 à 6 %, selon les prévisions des experts. Notre place dans les institutions internationales était rétablie. Il n'était pas question que l'on vienne nous voler le fruit de nos efforts, et que l'on remette en cause l'avenir du pays pour le seul bénéfice de quelques-uns. J'ai évidemment condamné l'action des putschistes.

Chirac m'a téléphoné pour me reprocher d'avoir été trop dur dans mes propos : « Tu les as traités de terroristes ! » « Mais enfin, lui ai-je dit, si vous vous réveillez et qu'on vous dit que des rebelles viennent d'attaquer la capitale, qu'est-ce que vous dites ? » Il m'a dit : « Il faut négocier avec eux. » Je me doutais que les rebelles avaient été entraînés au camp de Pô, au Burkina. Des bruits avaient couru. Mais, le jour où j'en avais parlé à Villepin, quelque temps avant le coup d'État, il m'avait répondu : « Blaise [Compaoré, le président du Burkina Faso] ne ferait pas ça ! »

Le coup a échoué, laissant des centaines de morts sur le terrain. Les rebelles ont occupé plus de la moitié du pays. La France a envoyé une force d'interposition, et instauré une «zone de confiance ». J'ai décrété une amnistie générale, c'était un message de paix. 

L'INVESTITURE DE 2010 ET CE QUI EN A SUIVI

(...) Tout y est, difficilement concevable comme émanant d'un assassin, même si certains ne connaissent que la contrefaçon :

J'ai prêté serment le samedi 4 décembre 2010, au Palais, après que le Conseil constitutionnel eut statué sur les recours que nous avions déposés à la suite des fraudes massives constatées dans le Nord du pays et après qu'il eut pris acte de l'incapacité dans laquelle se trouvait la Commission électorale indépendante de se prononcer dans le délai qui lui était imparti. La veille, le vendredi 3, j'ai compris que tout pouvait se terminer très mal. Le Conseil constitutionnel venait de proclamer les résultats, et me désigner comme vainqueur de l'élection. J'ai reçu le jour même un coup de fil de Sarko. Il était furieux : « Il ne fallait pas que le Conseil constitutionnel fasse ça, non, non, il ne fallait pas! » C'est la démarche d'un fou, pas celle d'un chef d'État. Comment peut-on se permettre aujourd'hui, au XXIe siècle, d'appeler un autre chef d'État pour lui dire une chose pareille? C'est à ce moment précis, quand j'ai raccroché, que j'ai eu le sentiment que tout pouvait déraper. Je sais que les institutions des pays africains, ils s'en fichent ! Il ne s'agit après tout que de mettre leur homme sur le trône… mais s'asseoir sur le Conseil constitutionnel d'un pays souverain, dont la Constitution est calquée sur celle de la France, avec autant de culot, comme ça, par téléphone, c'est une mauvaise blague. Ce n'est pas un chef d'État que j'ai eu au téléphone

...

Le samedi, juste avant mon départ pour le Palais, où doit se dérouler la prestation de serment devant le Conseil constitutionnel, mon chef du protocole vient me dire qu'un message nous est parvenu indiquant que Nicolas Sarkozy a demandé que l'on s'oppose physiquement à cette investiture. J'ai décidé d'y aller quand même. Il agit comme voyou, me suis-je dit, je n'ai pas à en tenir compte. C'était du bluff, ou un avertissement…

Le lundi 6 décembre, nous avons formé le gouvernement, un gouvernement de technocrates, et nous avons commencé à travailler.

La France nous avait coupé les robinets de la BCEAO, en espérant que nous ne pourrions pas payer les salaires des fonctionnaires et honorer les factures de l'État, ce qui aurait eu pour effet de dresser la population contre nous. Sarkozy m'a intimé l'ordre de partir dans un discours fait à Bruxelles, sur un ton plus proche de casse-toi de là, pauvre c., que dans le langage maîtrisé d'un chef d'État.

Mais à la fin du mois, à partir du 22 décembre, nous avons payé tous les salaires, idem en janvier. Ils ont compris qu'ils ne nous auraient pas comme ça…

Et on me le reproche aujourd'hui…! parce que j'ai continué à faire mon travail, et à payer les fonctionnaires. Même motif, même punition pour les mesures que j'ai prises dans le souci du maintien de l'ordre. J'ai utilisé un décret qui existe depuis 1961, et qui permet d'ouvrir la possibilité, ce n'est pas une fatalité, de mettre en état d'alerte les forces de maintien de l'ordre si la situation est telle que des incidents sont à craindre. Bref, je faisais mon métier pour assurer la sécurité de l'État et des populations, je gouvernais. C'est cela, qu'on veut faire passer pour un plan criminel… Les rebelles avaient introduit des commandos armés au cœur d'Abidjan, toute une armée. Ils devaient faire leur jonction avec les centaines de soldats rebelles, des mercenaires burkinabés pour la plupart qui étaient cantonnés à l'Hôtel du Golf, un vaste complexe situé au bord de la lagune, où se trouvaient depuis septembre, les Ouattara et les chefs rebelles.

Dès le début du mois de décembre 2010, les attaques contre la population et les forces de l'ordre ont commencé à Abidjan jusqu'à ce que la stratégie de prise de pouvoir violente par Alassane Ouattara et ses soutiens soit révélée lors de l'attaque générale et concertée, lancée dans tout Abidjan le 16 décembre 2010.

Les hommes politiques de mon parti, de mon gouvernement, mon fils même, et beaucoup d'autres, sont poursuivis en justice, et ont été emprisonnés, pour « atteinte à la Défense nationale, attentat ou complot contre l'autorité de l'État, constitution de bandes armées, direction ou participation à une bande armée, participation à un mouvement insurrectionnel, atteinte à l'ordre public, coalition de fonctionnaires, rébellion, usurpation de fonction, tribalisme et xénophobie ». Rien que ça… Ce serait seulement grotesque si cela n'entraînait pas autant de souffrances, de privations de libertés, tant d'injustices. Nous, on nous pourchasse, on nous fait passer pour des criminels. C'est le monde à l'envers.

Il y en a eu des morts, beaucoup de morts, il y a eu tant de morts. N'est-ce pas indigne de vouloir me les attribuer alors que je n'ai cessé de prôner la réconciliation? Je craignais tellement que le pays soit définitivement coupé en deux, j'étais tellement préoccupé par le fait que la situation pouvait conduire à des tensions profondes et définitives entre Ivoiriens, que j'ai tout fait pour parvenir à une solution pacifique. J'ai accepté tous les compromis. Je l'ai souvent dit, je n'ai jamais eu d'arme, je n'aime pas les armes, je n'aime pas la guerre, je n'ai jamais fait de coup d'État… J'ai écrit des livres, Pour une alternative démocratique, Agir pour les libertés, et quelques autres. J'ai proposé aux juges de La Haye de les leur faire porter, car c'est dans ces livres que l'on peut me connaître, savoir qui je suis, quel est le sens de ma vie… J'ai toujours entendu sur mon compte des commentaires contradictoires : certains de mes amis m'ont reproché de ne pas être assez dur, et de composer, même avec les adversaires. Mais parler à tout le monde, c'est cela la politique ! Par ailleurs, mes adversaires, eux, prétendent que je serais un dictateur. Toute ma vie j'ai lutté pour la démocratie. J'ai passé des mois en prison et des années en exil du fait de ma lutte pour la démocratie. J'ai refusé le système du parti unique parce que je pensais que l'avenir de l'Afrique ne pouvait s'organiser que dans un cadre démocratique. Lorsque j'étais en exil en France, j'ai refusé les propositions d'Houphouët-Boigny qui cherchait à me récupérer. J'ai toujours joué le jeu des élections, j'ai toujours cru en la volonté populaire. Et finalement, c'est cela que l'on me reproche : être le porte-parole du peuple. Donner voix au (...)

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