Procès, liberté provisoire, procédures à la CPI : Un avocat de Gbagbo déballe tout...


Le procès est, pour nous, une perspective pour que la vérité soit dite, affirme Me Gbougnon. (Photo d'archives)
  • Source: L'Inter
  • Date: lun. 23 juin 2014
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Dix jours après la confirmation des charges contre l'ex-président, Me Jean Serge Gbougnon, membre du collectif des avocats de Laurent Gbagbo, revient sur le verdict des juges de la Chambre préliminaire et évoque la suite de la procédure. Interview.

Comment avez-vous accueilli la décision des juges confirmant les charges contre l'ancien président, Laurent Gbagbo?

Avec un brin de déception. Je m'attendais à une décision d'infirmation des charges parce que le dernier Ddc (Document contenant les charges) que j'avais vu me paraissait beaucoup moins fourni que le premier Ddc qui avait été rejeté en juin 2013. J'ai estimé que les charges ne seraient pas retenues contre notre client, parce que pour moi, il n'y avait pas de motifs substantiels de croire que celui-ci avait commis les crimes dont on le soupçonne. Cela dit, la décision a été donnée par les juges. Il faut regarder l'avenir en ne perdant pas de vue que notre client, lui-même, prend les choses avec beaucoup de hauteur. Il considère que le procès viendra offrir la réalité sur la crise ivoirienne. Le procès est donc, pour nous, une perspective pour que la vérité soit dite.

 

La démarche qui consiste à faire de l'affaire ''Laurent Gbagbo'' un procès politique ne comporte-t-elle pas des risques pour votre client?

Il y a, probablement, une incompréhension ou une mésinterprétation des propos qui sont tenus. Comprenez bien que lorsque la Défense plaide, elle ne plaide pas d'un point de vue politique mais sur la base d'arguments juridiques. La Défense plaide en Droit. Notre souhait, le souhait de la Défense est qu'il s'agisse d'un procès purement juridique, une affaire juridique. C'est dans ce sens d'ailleurs que toutes les requêtes de la Défense sont bâties. A côté, il serait inconséquent d'ignorer que le dossier en lui-même et la personne concernée par la procédure ont une résonnance politique. Il y a un certain nombre de paramètres extérieurs qu'on pourrait évoquer. Il y a notamment le fait que sur la Cpi pèsent de forts soupçons de ne pas être seulement une institution judiciaire, mais d'être fortement politisée.

 

Me Emmanuel Altit a dit, parlant du procès, que ce sera l'occasion de faire le procès des tenants de la Françafrique. Cette sortie a fait dire à l'un de vos confrères, Me Cheick Diop, que «ça finira mal pour Gbagbo». Me Diop n'est-il pas fondé à le penser ?

C'est une vision subjective que d'entrevoir que le fait de parler de Françafrique revient à amener notre client à la guillotine. Ce qu'on devrait comprendre dans le propos de Me Altit, sorti de son contexte, c'est qu'il y a un fait qui est occulté dans cette affaire. Il s'agit de la participation active et  effective de la France dans la crise qui a secoué la Côte d'Ivoire depuis 2002. Quand mon confrère avance que ce sera le «procès des tenants de la Françafrique», cela veut dire tout simplement que dans le débat judiciaire qui va s'ouvrir, l'occasion sera offerte d'évoquer la réalité de l'implication de la France dans le dossier. Ces questions seront probablement soulevées sans jamais s'écarter du problème de droit qui est posé. Il y a la manie, depuis novembre 2011 où Laurent Gbagbo se trouve à La Haye, de faire croire que c'est lui et lui seul qui est à l'origine de tous les malheurs survenus en Côte d'Ivoire. Lorsque la Défense parviendra à démontrer que la France était un acteur majeur dans la crise, on sera sur le chemin permettant de situer les responsabilités de tout un chacun. Je lisais, à ce propos, une tribune intéressante sur l'affaire Gbagbo. L'analyse a consisté à dire que tout se passe avec le bureau du Procureur comme s'il n'y avait pas eu de belligérance en Côte d'Ivoire, comme si en face des Forces de défense et de sécurité, il n'y avait jamais eu les ex-rebelles mués en Forces républicaines de Côte d'Ivoire. C'est dans cet esprit de belligérance, qu'il conviendra de démontrer qu'au côté des Frci, du moins devant les Frci, il y avait la France. Ce n'est pas que la Françafrique vienne comme un cheveu sur la soupe.

 

Est-il vrai que vous adoptez une ''défense de rupture''?

Je pense que ces propos ont dû être mal retranscrits. Parce que celui qui l'évoque est mon aîné. Il sait ce qu'on appelle une défense de rupture. Elle est contraire à la défense de connivence. A aucun moment de la procédure, ni Me Altit, ni aucun membre de la Défense n'a utilisé la défense de rupture. Cela n'a jamais été la ligne de défense et cela ne sera pas.

 

En quoi le procès va-t-il se différencier de l'audience de confirmation des charges?

Avec le procès, toutes les preuves sont débattues contradictoirement. A la confirmation des charges, on cherche des raisons substantielles qui pourraient faire croire que …. A l'occasion du procès, chaque preuve est débattue. C'est la différence entre les deux procédures tant et si bien que lorsque Me Altit dit la satisfaction de la Défense d'aller à un procès, c'est parce que sera l'occasion pour que la vérité judiciaire soit dite, pour que l'histoire ne soit pas tronquée et que les faits soient remis dans leur contexte. Quand on regarde le Ddc, on a le sentiment que les évènements se sont déroulés en Côte d'Ivoire entre décembre 2010 et avril 2011. Il faudra, à l'occasion de ce procès, faire ressortir les tenants et les aboutissants, les évènements ayant précédé la période en question. Ce ne sera pas un procès politique, mais ce sera des éléments qui permettront aux juges d'apprécier la réalité historique et juridique de ce qui s'est passé. A ce moment-là, les juges pourront, en toute responsabilité et en droit, décider de qui a fait quoi. Ils pourront dire si oui ou non Laurent Gbagbo est complice, co-auteur ou auteur de ces 3.000 morts ramenés à une proportion de moins de 100 morts dans le dernier document contenant les charges.

 

Que répondez-vous à ceux qui pensent qu'il y a des motivations personnelles, financières par exemple, au fait que Me Altit veuille aller à un procès?

Je ne suis malheureusement pas dans la tête de Me Altit pour savoir s'il a une raison particulière de vouloir que la procédure soit plus longue. En tout état de cause, même si par impossible, cela est sa raison, il ne peut malheureusement pas dicter aux juges de la Cpi leur décision. Je crois qu'il y a, ici, une polémique inutile. Il l'aurait souhaité que la procédure soit longue qu'il devrait faire coïncider sa volonté avec celle des juges.

 

On entend des partisans de Laurent Gbagbo qui s'accrochent à l'opinion dissidente de la juge belge pour se faire un moral. Est-ce que cette opinion dissidente aura une incidence sur la suite de la procédure?

Dans le système de la Cpi, cela n'a aucune forme d'incidence dans la mesure où devant la Chambre de première instance, il est question de débattre de nouveau. Les juges de la Chambre première instance, théoriquement, ne s'occupent pas de ce que la Chambre préliminaire a dit ou pas. Mais, ce sont des hommes, ils peuvent toujours avoir la curiosité de consulter les décisions rendues par la Chambre préliminaire ainsi que leurs motivations. Le plus important, ce sera d'avoir au moment du procès une défense solide, une défense qui ne s'attardera plus sur ce qu'il s'est passé pendant la confirmation des charges. Il s'agira de démontrer que le client n'est ni responsable ni co-auteur des crimes qu'on lui colle. Cela dit, pour le petit peuple, il y a un motif de satisfaction, mais, juridiquement cela n'a pas plus de sens que cela.

 

En demandant que les éventuels dirigeants ivoiriens impliqués dans la crise soient mis en accusation, la Défense ne justifie-t-elle pas, insidieusement, la présence de Laurent Gbagbo à La Haye ?

La Défense n'a fait que reprendre ce que la Chambre préliminaire, depuis environ trois ans, a demandé. Elle a demandé au Procureur qu'une enquête soit ouverte sur les événements qui ont eu lieu en Côte d'Ivoire depuis 2002. Ce n'est pas nouveau. La question qu'on devrait se poser est de savoir pourquoi depuis lors le bureau du Procureur n'a pas ouvert les enquêtes sur les événements qui ont eu lieu en Côte d'Ivoire depuis 2002.

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