Rébellion en Côte d'Ivoire : Un auteur français fait des révélations

  • Source: linfodrome.com
  • Date: sam. 25 août 2018
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« Un pompier pyromane - L'ingérence française en Côte d'Ivoire d'Houphouët-Boigny à Ouattara ». C'est le titre du livre publié par l'Association Survie (Une association loi 1901 créée en 1984 qui dénonce toutes les formes d'intervention néocoloniale française en Afrique et milite pour une refonte réelle de la politique étrangère de la France en Afrique). David Mauget, co-auteur, était l'invité du journal Afrique de Tv5monde du mercredi 22 août 2018. L'écrivain donne les grandes lignes du nouvel ouvrage sur la Côte d'Ivoire en faisant des révélations, de la mort d'Houphouët-Boigny à la chute de Laurent Gbagbo, ainsi que des précisions sur l'arsenal de ''la Françafrique'' déployé en Côte d'Ivoire : diplomatie parallèle, réseaux officieux, affaires troubles...

Vous avez choisi de faire l'inventaire de l'implication française depuis l'indépendance de la Côte d'Ivoire. Pourquoi ce parti pris ?

On s'est concentré sur la période de la crise ivoirienne qui va de 2002 à 2011 avec quelques rappels sur la période qui a précédé, notamment sous Houhphouët, sous Bédié… et cette période française en Côte d'Ivoire qui date de l'époque coloniale. Beaucoup de Français ne savent pas que la présence militaire française, à savoir le camp militaire qui se trouve du côté de l'aéroport d'Abidjan, n'a jamais cessé depuis l'époque coloniale. On revient sur les fondamentaux qu'on appelle ''la Françafrique''. C'est un style particulier qui perdure entre la France et les anciennes colonies en Afrique, notamment à travers notre dispositif militaire et le Franc cfa. Dans cet ouvrage, on en vient à la crise militaire qui démarre avec la succession d'Houphouët et qui connaît son épilogue en 2011 avec l'installation d'Alassane Ouattara. Nous, on analyse cela, pas en tant que crise ivoirienne en tant que telle, mais on analyse l'ingérence française dans cette crise.

 

En insistant sur le rôle de la France, ne risquez-vous pas d'avoir une vision biaisée quand on sait qu'il y avait d'autres acteurs extérieurs comme le Burkina Faso ?

 

C'est vrai qu'on prend nos précautions dès l'avertissement qui est au début du livre. En fait, il y a eu un certain nombre de travaux français sur cet aspect-là, c'est-à-dire l'étude en elle-même de la crise ivoirienne, du jeu entre les différents acteurs politiques ivoiriens, les revendications de la rébellion… Mais très souvent, ces travaux ont délibérément ou pas laissé de côté le rôle que peut jouer la France. Or, nous, en regardant les choses de plus près, les négociations de Marcoussis qui ont eu lieu à Paris entre les acteurs ivoiriens, en janvier 2003, en regardant aussi le jeu de la France à l'Onu, à travers des résolutions qui, le plus souvent, étaient écrites par la France, on essaie de mettre à jour ce qui a consisté à déposséder Laurent Gbagbo, le président ivoirien de l'époque, de la plupart de ses pouvoirs.

 

Vous soutenez que l'ingérence française trouve son origine dans les conditions de l'indépendance sous Houphouët-Boigny. Pourquoi ?

 

Il faut savoir déjà que Houphouët-Boigny avait une vie politique en France très importante. C'est un ministre d'État. Il fait partie des hommes politiques français qui seront à l'origine de la Ve République. Et lui voyait relativement d'un mauvais œil l'indépendance qui était, en fait, accordée à la Côte d'Ivoire. C'est d'ailleurs lui qui a forgé l'expression ''Françafrique'' puisqu'il y voyait quelque chose de très positif. Finalement, c'est à lui qu'on a confié la Côte d'Ivoire en 1960. Mais aussitôt, en 1961, il y a eu des accords qui ont été signés entre Paris et ses anciennes colonies : quatre pays, dont la Côte d'Ivoire. Ces accords installent de manière durable les forces africaines et expliquent que les matières premières stratégiques devraient être destinées, avant tout, à la France. Il y a parallèlement aussi tout un ensemble de coopérants français qui vont à Abidjan et sont dans tous les rouages : le cabinet à la présidence, dans le gouvernement, au sein de l'armée ivoirienne…

 

En 1993, le président Houphouët-Boigny meurt. La guerre de succession est déclarée. Selon vous, la France prend parti. Quel était l'enjeu à ce moment-là ?  

 

Au moment de la succession d'Houphouët, il faut se rappeler qu'Alassane Ouattara, aujourd'hui président, était à l'époque Premier ministre. Le dauphin constitutionnel, c'était Henri Konan Bédié, qui était un homme du parti unique, alors qu'Alassane Ouattara, lui, avait eu une carrière internationale, notamment au Fmi. Il y a eu une bataille entre ces deux personnes pour savoir qui est-ce qui allait finalement succéder à Houphouët. Finalement, Henri Konan Bédié, le dauphin constitutionnel, a récupéré le pouvoir. Il va être élu en 1995. Il y avait déjà, dans les années 1990, le parti de Laurent Gbagbo qui, à l'origine, était clandestin mais qui a été le premier opposant à se présenter contre Houphouët. Finalement, le début de la crise politique en Côte d'Ivoire, c'est la rivalité entre ces hommes politiques-là.

 

Comment on passe d'un conflit politique à un conflit armé à cette époque ?

 

Les années 90 ont été très douloureuses en Côte d'Ivoire. J'ai connu la Côte d'Ivoire, en fait, en 1996. Et ce qu'on a appelé l'ivoirité, on l'a lu dans beaucoup d'articles en France sous l'époque Gbagbo. En fait, c'est dans le milieu des années 90 que l'ivoirité se voyait à l'œil nu quand on voyageait en Côte d'Ivoire. C'est cette politique où on cherchait de manière délibérée à exclure une partie des habitants du nord de la Côte d'Ivoire du jeu politique parce qu'ils étaient soupçonnés de soutenir Alassane Ouattara. A l'époque, c'était Henri Konan Bédié qui avait le soutien de la France. Elle n'avait rien à redire à la politique d'ivoirité mise en place à ce moment-là. C'est uniquement lors de l'accession de Laurent Gbagbo au pouvoir que l'ivoirité va être dénoncée.

 

C'est ce concept d'ivoirité qui a été finalement le déclencheur de la guerre civile ?

 

Disons que la rébellion qui voit le jour en septembre 2002, deux ans après l'élection de Laurent Gbagbo, brandit cette question en tant que revendication politique. Elle dénie à Laurent Gbagbo une grande partie de sa légitimité en disant qu'il a été mal élu et continue à distiller le poison de l'ivoirité. Nous, sur ce jeu politique strictement ivoirien, on ne prend pas réellement position. On rappelle certains faits, mais ce qui nous intéresse, c'est de voir l'évolution de la grille d'analyse française entre l'époque d'Henri Konan Bédié, où Paris n'avait rien à redire sur ce qui se passait en Côte d'Ivoire, l'époque de la junte militaire, où il y a eu pas mal de remous au sein de la Côte d'Ivoire, et finalement l'époque de l'élection de Laurent Gbagbo. Il faut se rappeler qu'à cette époque, Jacques Chirac était président en France. Mais la doctrine à l'époque, c'était ni indifférence, ni ingérence et on a laissé un petit peu faire les choses. C'est de cette manière finalement que Laurent Gbagbo a été élu. Mais dès que Chirac a récupéré les rênes du pouvoir au printemps 2002, les choses se sont accélérées et il y a eu une rébellion effectivement qui a vu le jour en septembre 2002.

 

On en vient à 2002. Une rébellion se déclenche dans le Nord. Vous dites clairement qu'elle est soutenue par le Burkina Faso de Blaise Compaoré. Sur quoi vous vous basez ?

 

C'est tout à fait avéré. Il suffit de voir les analyses, les recherches du groupe d'experts qui étaient en charge de la surveillance de l'embargo sur la Côte d'Ivoire qui concernait aussi bien les forces loyalistes de Laurent Gbagbo que la rébellion de Guillaume Soro, pour s'apercevoir que la filière était assez claire. Il y avait de la contrebande de cacao, de diamant, de coton qui partait vers le Burkina Faso et passait par le Togo et le circuit inverse pour les armes. C'est absolument clair dans les rapports de l'Onu. Mais là, pareil, les autorités françaises n'ont jamais mis l'accent dessus. L'attitude ou la priorité française a toujours été la résolution de la crise, qui passe par des élections dans lesquelles Alassane Ouattara pourrait se présenter. Et on mettait sur le dos de Gbagbo une Constitution qui l'empêchait de se présenter. En fait, c'était la junte militaire qui avait mis en place cette Constitution qui empêchait Alassane Ouattara de se présenter. Je voudrais revenir sur l'épisode du déclenchement de 2002 qui explique, en partie, le titre de notre livre : ''Pompier pyromane''.

En septembre 2002, il y a une tentative de coup d'État qui échoue, prend finalement la partie nord de la Côte d'Ivoire et s'installe à Bouaké. Il y a une première intervention française pour extraire les ressortissants étrangers. Ça c'est la partie pompier. Mais, parallèlement, et ce qu'on sait moins, c'est qu'un commandant français, le commandant Luc Courcelle, était déjà chargé, à l'époque, de maintenir le contact avec les rebelles. Et c'est quelqu'un qui s'est retrouvé sur les théâtres des opérations, notamment lors de la prise de Vavoua aux côtés des rebelles. C'est lui qui va demander à ce qu'on soigne Chérif Ousmane lorsqu'il sera blessé au cours de la tentative de reprise de Bouaké. Et ça, c'est le côté pyromane. C'est-à-dire que la France a plusieurs fers au feu et, finalement, va n'avoir de cesse de légitimer la rébellion de Guillaume Soro qui, au départ, part de pas grand-chose.

 

Justement à ce moment, Laurent Gbagbo i (...)

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