Incarcéré depuis 2011 : Un lieutenant de IB parle... Des secrets livrés sur Soro, l'ex-rébellion et des proches de Ouattara


(Photo d'archives)
  • Source: L'Inter
  • Date: mer. 16 sept. 2015
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Il n'a rien d'un enfant de chœur. La liste des crimes dont il est accusé est longue comme le bras. Autrefois membre du Commando invisible et proche de son chef, il a contribué à la chute de Gbagbo. Aujourd'hui, il est incarcéré à la Maca. Son histoire, c'est aussi celle de la rébellion et de ses divisions.

« Vous êtes sûre d'avoir un lien avec lui ?» Regard inquisiteur derrière une paire de lunettes placée sur le bout de son nez, l'agent chargé de délivrer le « permis de communiquer », ce document sans lequel on ne peut rendre visite à un individu incarcéré, hésite. « Parce que pour ce genre de détenus, c'est un peu compliqué », ajoute-t-il, avant de céder. « Ce genre de détenus. » Banale et saisissante, la formule désigne ici une personne dont le dossier est géré par la Cellule spéciale d'enquête et d'instruction (Csei), mise en place en 2011 pour instruire les crimes commis pendant la crise postélectorale. Une personne sur laquelle pèse pas moins d'une trentaine de chefs d'accusation: « crime contre les populations civiles, génocide, atteinte à la liberté individuelle, assassinats, meurtres, viols, coups et blessures volontaires, menaces de mort, violences et voies de fait, tribalisme et xénophobie, attentat, complot et autres infractions contre l'autorité de l'État, bandes armées, participation à un mouvement insurrectionnel, atteinte à l'ordre public, pillage, destruction ou dégradation de denrées, marchandises ou matériels, vol, vol en réunion, extorsion de fonds, destructions volontaires de biens meubles et immeubles, complicité, co action et tentatives de toutes ces infractions ». Rien que ça. La majorité des Ivoiriens ne connaît pas le nom de Mamadou Sanogo. « Pourtant, fait remarquer un avocat abidjanais, il est sans doute le détenu le plus capé de Côte d'Ivoire, celui contre lequel le plus de chefs d'accusation sont retenus. Même l'ancien président Laurent Gbagbo, qui est à la Cour pénale internationale, n'en accumule pas autant !» Sauf que Mamadou Sanogo n'est pas un « pro-Gbagbo » mais un « pro-Ouattara », et que son arrestation, en novembre 2011, n'a bénéficié d'aucune publicité. En mai 2013, l'interpellation du chef de milice burkinabè Amadé Ouérémi, accusé d'exactions dans l'Ouest, avait pourtant été largement commentée dans la presse. En juillet dernier, la mise en examen d'une dizaine de chefs militaires pro-Ouattara avait, elle aussi, été mise en avant par les autorités comme preuve de l'impartialité de la justice ivoirienne. 

Seul deux rapports d'Ong mentionnent brièvement l'arrestation de Sanogo.  L'un a été publié en 2013 par Amnesty International et l'autre, fin 2014, par la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (Fidh). Contacté par Jeune Afrique, le garde des Sceaux ivoirien explique ne pas connaître les détails du dossier : « Il est en cours d'instruction. » Ce détenu, ajoute Gnénéma Coulibaly, « connaît une détention provisoire longue, mais ce n'est pas le seul. Laurent Gbagbo, par exemple, est aussi dans ce cas ». Mamadou Diané, le conseiller aux droits de l'homme du chef de l'État, n'est pas plus disert. « Mamadou Sanogo ? Je ne le connais pas. » Même réponse au cabinet du ministre de l'Intérieur, pourtant au fait des dossiers les plus sensibles. Sanogo - 46 ans aujourd'hui - est un ancien membre de la rébellion nordiste. Il a fait partie du célèbre Commando invisible, qui a contribué à la chute de Laurent Gbagbo en prenant progressivement le contrôle du nord d'Abidjan, début 2011. Surtout, c'était un proche du redouté Ibrahim Coulibaly, dit IB. Considéré comme le maître d'œuvre de plusieurs tentatives de coup d'État et des complots qui minèrent le pays pendant plus d'une décennie, IB était le chef du Commando invisible. C'était aussi, jusqu'à sa mort, en avril 2011, l'adversaire historique de Guillaume Soro. Rencontrer Mamadou Sanogo à la Maison d'arrêt et de correction d'Abidjan (Maca), à Abidjan, c'est donc replonger dans l'histoire de la rébellion et de ses divisions. 

Gangsters hollywoodiens. La Maca, c'est la plus grande prison du pays, située dans la commune de Yopougon. En ce jour férié, les visiteurs sont nombreux, les bras chargés de sacs remplis de nourriture et de vêtements. À l'entrée, des gardes aux surnoms de gangsters hollywoodiens engueulent les uns pour un mot déplacé, les autres pour un silence prolongé. À l'intérieur, d'autres réclament avec insistance de l'argent « pour [leur] sucrerie » (soda). Avec Sanogo, rendez-vous est pris dans la cour de l'infirmerie. C'est là que, moyennant 5000  Fcfa (environ 7,50 euros), les détenus qui en ont les moyens feuillettent des magazines et reçoivent, installés sur des chaises en plastique, loin des parloirs bruyants et bondés. Les matons restent à bonne distance. Le terrain, à l'évidence, n'est plus vraiment le leur. C'est celui de « Yacou le Chinois », le prisonnier qui règne sur la Maca grâce à ses trafics et à l'étonnante impunité dont il jouit, et qui reçoit, ce jour-là, une famille de Libanais. Avec sa carrure de sportif moulée dans un maillot de foot jaune fluo, Sanogo en impose. L'homme raconte être né dans le village Kohimon, près de Séguéla, dans le Nord-Ouest de la Côte d'Ivoire. Il explique avoir « naturellement » rejoint, dès la fin des années 1990, une rébellion « créée par [son] frère pour faire face aux autorités de l'époque, aveuglées (...)



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