Ils ont été arrêtés au Liberia et extradés en Côte d'Ivoire quelque temps après une attaque à Taï( 8 juin 2012), à la frontière ivoiro-libérienne, qui a coûté la vie à 7 casques bleus de l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (Onuci). Depuis, c'est le silence radio au sujet de ces jeunes gens présentés en son temps comme les auteurs de l'attaque ayant occasionné la mort de ces 7 casques bleus. Dans ce document, dont nous avons eu copie, ils retracent leur mésaventure.
Nous sommes le groupe des 41 jeunes extradés du Libéria et présentés par les autorités ivoiriennes à l'ensemble de la population de Côte d'Ivoire comme étant des miliciens impliqués dans l'attaque qui a coûté la vie à 7 casques bleus de l'Onuci, le 8 juin 2012, à Taï.Après notre extradition et un séjour à Abidjan, où nous avons subi quelques interrogatoires de la part des autorités policières et militaires, nous avons été disséminés dans plusieurs prisons, essentiellement au nord de la Côte d'Ivoire: 9 à Katiola, 10 à Boundiali, 15 à Bouna et 7 à Abidjan.
Nous portons ce témoignage pour clamer notre innocence et dire que nous sommes plutôt des victimes de la crise post-électorale.
Depuis plus d'un an, nous n'avons cessé de souffrir le martyr dans les geôles libériennes et aujourd'hui dans celles de notre propre pays.
Depuis que nous sommes incarcérés dans les prisons ivoiriennes, aucun juge d'instruction ne nous a encore entendus, et nous ne bénéficions même pas de l'assistance d'un avocat. Malgré tout, nous continuons de croire que justice nous sera rendue dans notre pays. C'est pourquoi nous racontons notre histoire pour qu'elle éclaire les uns et les autres sur la réalité des faits.
C'est en fuyant les violences et les exactions contre les sympathisants du président Gbagbo, au moment de la crise post-électorale, que nous nous sommes retrouvés au Liberia, comme beaucoup d'autres Ivoiriens, chacun en provenance de sa région de résidence. Le groupe de réfugiés que nous formions, composé d'hommes, de femmes et d'enfants, venus de différentes villes de la Côte d'Ivoire, est entré au Liberia par la région libérienne de RIVER GEE. C'est dans un gros village, appelé GBEH, non loin du fleuve Cavally, que nous avons été enregistrés par le HCR.
Les réfugiés, qui étaient présents ce jour-là devaient avoisiner 200 à 250 personnes, femmes et enfants compris. Le HCR ne disposant pas dans l'immédiat, de moyen de locomotion pour nous transporter dans un camp d'accueil, a demandé aux réfugiés d'aller, par leurs propres moyens, jusqu'à la ville de FISHTOWN, capitale de la région de RIVER GEE. À partir de cette ville, le HCR pourrait alors convoyer tous les réfugiés dans le camp de réfugiés le plus proche. Cependant, les choses ne se passeront pas ainsi, puisque nous attendrons tous un mois et demi dans cette ville. Ceux qui ne pouvaient pas ou ne voulaient pas attendre, ont poursuivi la route par leurs propres moyens.
Par la suite, Mme le Gouverneur de cette région donnera des instructions pour que tous les Ivoiriens présents dans cette région, à titre de réfugiés, soient arrêtés. C'est ce qui a été fait le jeudi 16 juin 2011, par la Police qui a mis aux arrêts tous les réfugiés encore présents dans la ville de FISHTOWN.
Aux représentants de l'ONU, qui sont venus s'enquérir de notre situation, les autorités, dont le Gouverneur de la Région, ont répondu que nous sommes soupçonnés d'être des mercenaires venus déstabiliser le Liberia. Le pays étant dans une période électorale, les autorités de la Région ont décidé de nous placer dans un lieu sécurisé, pour nous libérer après les élections.
Après 4 jours dans les cellules de la Police, nous avons été transférés, le lundi 20 juin 2011, dans une des plus grandes prisons du Libéria, la NPC (National Palace of Correction), dans la ville de ZWEDRU.
Dans cette prison, où nous avons passé un an, nous étions dans des conditions difficiles et durement traités, sans droit de visite et de communication, sans l'assistance d'un avocat et surtout sans avoir été régulièrement inculpés. Le vendredi 08 juin 2012, on nous a conduits, pour la première fois, devant un tribunal, bien sûr sans l'assistance d'un avocat.
À cette audience, le Procureur de la République du Liberia, sans même nous avoir entendus, a déclaré que le Liberia ne retient aucune charge contre tous les réfugiés qui viennent de passer un an en prison, et que par conséquent tous sont libres. Nous avons laissé éclater notre joie dans la salle d'audience, mais notre joie sera de courte durée.
En effet, le Procureur nous a fait comprendre qu'il a reçu un fax du Gouvernement ivoirien, qui demande notre extradition en Côte d'Ivoire, pour des crimes que nous aurions commis avant de quitter le pays. Le Procureur conclut en disant qu'une nouvelle audience se tiendra le jeudi 14 juin 2012, en vue de faire la lumière sur cette accusation et statuer définitivement sur notre libération. Nous avons donc été ramenés encore en prison.
À la date indiquée, l'audience n'aura pas lieu du fait de l'absence du Procureur qui est allé, le mercredi 13 juin 2012 en Côte d'Ivoire, sur invitation du Gouvernement ivoirien.
Finalement, l'audience s'est tenue le jeudi 21 juin 2012. Ce jour là , tous les réfugiés de la Région étaient présents. Nous avons aussi remarqué la présence de personnes qui semblaient être venues de Côte d'Ivoire. Plus tard, nous apprendrons leur identité et saurons qu'elles appartiennent, toutes, à la Cellules d'Enquêtes de la 7ème Tranche, à Abidjan Deux Plateaux (...)
Prenant la parole, le Procureur libérien a dit que la Côte d'Ivoire et son pays sont liés par un accord d'extradition signé en 1962. Selon les termes de cet accord et suite à la requête du Gouvernement ivoirien, le Liberia a décidé d'extrader les réfugiés que nous sommes, pour que nous soyons jugés en Côte d'Ivoire, pour les crimes dont nous sommes accusés et qui ne nous ont pas été precisés. En conséquence, le Procureur a décidé de nous ramener en prison, en attendant le jour de notre extradition. Tout au long de ces différentes procédures, en aucun moment nous n'avons bénéficié de l'assistance d'un avocat, au demeurant, la parole ne nous à jamais été donnée pour nous permettre de nous défendre et exposer notre point de vue.
Le samedi 23 juin 2012, à 3h du matin, alors que nous dormions, des soldats de l'armée libérienne, armés jusq'aux dents, ont pénétré dans nos cellules et nous ont réveillés avec une brutalité extrême. Sans ménagement, ils nous ont menottés, les mains dans le dos, et jetés dans des camions. Dans ces camions, les soldats nous ont aussi mis des menottes aux pieds, et nous sommes restés dans cet état jusqu'à la frontière ivoirienne.
LE RETOUR AU PAYS
Aux environs de 10h, alors que nous avions toujours les pieds et les mains liés, est arrivé un contingent de l'ONUCI et des FRCI à qui les militaires libériens nous ont remis. Nos nouveaux gardiens nous ont fait embarquer dans des mini-cars qui ont aussitôt pris la direction d'Abidjan.
Dans les mini-cars, nous étions toujours menottés, les mains dans le dos. Pour corser notre calvaire, les soldats de l'ONUCI et les FRCI ont pris la décision de ne pas nous donner à manger et à boire. De plus, ils ont refusé de s'arrêter pour nous permettre de nous soulager, nous étions ainsi obligés d'uriner dans des bouteilles vides. Nous avons subi ces différents traitement jusqu'à Abidjan.
Par ailleurs, nos convoyeurs ne cessaient de nous menacer de mort, ils nous accusaient d'avoir tué les sept casques bleus qui sont morts dans les combats, lors des attaques du 8 juin 2012, à Taï. À ce propos, il convient de rappeler qu'à cette date, nous comparaissions devant le tribunal de ZWEDRU, au Liberia, où nous étions incarcérés depuis le 16 juin 2011 à ce 23 juin 2012, jour de notre extradition en Côte d'Ivoire.
C'est dans ces conditions que nous sommes arrivés, aux environs de 23h 30, au corridor de Gesco, à Abidjan, soit après 20 heures de route et toujours menottés les mains dans le dos. Notre souffrance était indicible. À 23h 47mn, notre convoi est arrivé à la Préfecture de Police d'Abidjan où on nous a tous fait descendre. C'est là que, dans des cellules, nous avons passé notre première nuit à Abidjan. Toutes les clefs des menottes n'ayant pas été remises aux policiers, ce (...)
Lire la suite sur L'Inter
radio village Côte d'Ivoire transport don Abidjan communication jeunes femmes Gbagbo FRCI ONUCI Plateau Katiola HCR Gouvernement Police réfugiés élections Ivoirien crise post-électorale casques bleus

