Jean-Louis Billon : « Je me bats pour être le candidat du PDCI en 2025. Et je ferai tout pour l'être »

  • Source: jeuneafrique.com
  • Date: dim. 15 janv. 2023
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Croissance, industrialisation, inflation, monopole de Bolloré, Henri Konan Bédié, retour des soldats ivoiriens du Mali, Cedeao… Le patron de Sifca, ancien ministre du Commerce devenu opposant à Alassane Ouattara, cultive son image de présidentiable pour l'élection de 2025.

L'ACTU VUE PAR – À 58 ans, Jean-Louis Billon est une des personnalités les plus connues et les plus scrutées de Côte d'Ivoire. Actionnaire de Sifca, premier groupe privé du pays, ancien patron de la Chambre de commerce et d'industrie, l'entrepreneur est aussi, depuis une dizaine d'années, un des acteurs du jeu politique national.

Après son départ du gouvernement en 2017, où il a occupé pendant cinq ans le poste de ministre du Commerce, Jean-Louis Billon a été, au sein du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, dirigé par Henri Konan Bédié), l'un des partisans d'une rupture avec le camp du chef de l'État. Élu député de Dabakala en mars 2021, ce fan de grande vitesse a d'ores et déjà entamé son tour de chauffe en vue du scrutin présidentiel de 2025, alors que son parti n'a pas encore choisi son candidat. D'ici là, le patron de Sifca entend plus que jamais jouer son rôle d'opposant, sans langue de bois. Il est le grand invité de l'économie Jeune Afrique-RFI de ce mois de janvier. 

Jeune Afrique : Lors de vos vœux, vous avez dit : « Nombreuses sont les villes et les régions qui sont mal gérées. La Côte d'Ivoire a besoin d'un vrai développement. » Qu'entendez-vous par là ?

Jean-Louis Billon : Le pays a besoin d'un développement plus équitable. Je viens d'une région où il y a un problème d'eau potable criant, et cela depuis une dizaine d'années. Il y a un déséquilibre en faveur des grandes villes. Il y a aussi un problème d'assainissement qui n'est pas réglé depuis plus d'une trentaine d'années, y compris à Abidjan. Et puis, il y a bien sûr un problème de gouvernance.

Un vrai développement, c'est aussi plus d'efforts pour industrialiser le pays ?  

Oui, indéniablement. Depuis la sortie de la crise post-électorale de 2011, nous connaissons une croissance soutenue, même si elle s'essouffle un petit peu. Mais il faut remarquer que celle-ci est en grande partie portée par l'investissement public. Si, en 2011, 3 000 milliards de francs CFA ont été dépensés, cette somme a été quadruplée pour atteindre aujourd'hui plus de 12 000 milliards. Il faudrait remettre le secteur privé au centre de ce modèle, de sorte que ses entreprises deviennent plus compétitives, qu'elles investissent plus, qu'elles emploient plus. Nous aurons alors une croissance beaucoup plus durable.

À qui la faute ? Aux groupes privés ou à l'État

Un peu aux deux, mais il appartient à l'État de faire la meilleure des offres. On n'attire pas les mouches avec du vinaigre. Si la Côte d'Ivoire était un marché paradisiaque, le monde de l'entreprise le saurait. Ce n'est pas le cas, car nous souffrons d'un manque de compétitivité. Si nous corrigeons ce déficit, le pays va attirer beaucoup plus d'investisseurs du monde entier, mais aussi stimuler des initiatives nationales.

Plus concrètement, quelle mesure immédiate faudrait-il prendre, selon vous, pour que la Côte d'Ivoire devienne une nation émergente ? 

Il faut un environnement beaucoup plus favorable aux PME. Les grandes compagnies s'installent quand il y a un tissu de petites et moyennes entreprises suffisamment compétitives, avec des savoir-faire capables de leur apporter de la valeur ajoutée. Pour cela, il faut revoir la fiscalité, redynamiser la bourse régionale des valeurs et rendre notre monnaie et notre système financier plus compétitifs et plus abordables pour les entreprises.

La Côte d'Ivoire connaît tout de même une croissance de plus de 6 % par an en moyenne depuis 2012. N'est-ce pas une vraie réussite ?  

Je ne dis pas que rien n'a été fait, puisque j'y ai participé. Mais je pense qu'on peut faire mieux. C'est vrai, l'inflation est maîtrisée par rapport aux autres pays. Des décisions plutôt salutaires ont été prises. Mais je suis un opposant, et je vous dis : la croissance ivoirienne est une Formule 2, alors qu'on pourrait avoir une Formule 1.

Cette croissance est-elle suffisamment inclusive ?

Il y a un minimum d'enrichissement, certes. Mais beaucoup se plaignent que cette croissance ne ruisselle pas vers les couches les plus défavorisées. Et le taux de pauvreté reste malgré tout élevé, au-dessus de 40 %. Bien sûr, en dix ans, il a baissé. Mais la crise était une période d'exception. Pour permettre aux Ivoiriens d'avoir un niveau de vie acceptable, il faut plus d'investissements privés afin d'augmenter la création d'emplois et d'améliorer la redistribution de la richesse.

Les Ivoiriens les plus riches devraient-ils payer plus d'impôts pour rendre le modèle plus inclusif ?

C'est un débat en Côte d'Ivoire. Certains disent que la pression fiscale n'est pas suffisante, alors qu'en réalité elle est énorme. Le calcul est fait sur l'ensemble de la population, alors que ce sont toujours les mêmes qui payent. Et quand il y a augmentation, la pression devient quasiment insoutenable.

C'est encore une fois lié à un déficit d'entreprises – formelles – et de personnes salariées. Les sociétés comme Sifca travaillent essentiellement pour le fisc et pour les banques. Si ce que nous leur payons passait en bénéfices, nous ne serions pas un des groupes les plus forts d'Afrique de l'Ouest, mais un des groupes les plus forts du monde.

Alassane Ouattara vient d'annoncer une augmentation du salaire minimum de plus 25 %. Qu'en pensez-vous ?

Qu'il faut avoir un emploi pour en bénéficier.

Le gouvernement a plafonné les prix de certaines denrées alimentaires comme le sucre pour limiter l'inflation. C'est une bonne mesure ?  

Dans l'immédiat, c'est bien parce qu'il fallait éviter la spéculation. Malheureusement, ce ne sont pas les industriels qui fixent les prix. Il y a tout un réseau de distributeurs qui, eux, spéculent. Il faut donc les contrôler davantage. Mais cette mesure a aussi des effets complètement inattendus. Quand on bloque un prix en Côte d'Ivoire, les pays voisins n'en font pas autant et des distributeurs préfèrent leur vendre au prix fort, rendant l'approvisionnement du marché ivoirien plus difficile encore.

Parmi les secteurs dont les Ivoiriens sont quasiment absents, il y a celui du cacao, dont le pays est pourtant le premier producteur mondial. Qui est responsable ? 

Les responsabilités sont multiples. Par le passé, la Banque mondiale a voulu déréguler le secteur et s'est complètement trompée. À ce niveau, il faut parler de faute. Le Ghana a refusé de suivre cette voie et s'en est mieux sorti. Nous avons vu tous les acteurs ivoiriens disparaître, ce qui est un comble pour un pays qui est le premier producteur mondial de cac (...)

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