A 12 mois de la présidentielle Noël Akossi Bendjo (Secrétaire exécutif du Pdci) : « Je ne serai jamais un spectateur passif de mon pays en train de basculer dans l'abîme »


« L’exil n’est jamais un choix... Il aurait suffi que j’accepte de rentrer dans le rang pour ne pas vivre ce moment pénible », dit l’ancien maire du Plateau.
  • Source: linfodrome.com
  • Date: mer. 09 oct. 2019
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Absent du terrain politique en Côte d'Ivoire, l'ancien maire du Plateau, secrétaire exécutif du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (Pdci) chargé de l'organisation et de la mobilisation, ne demeure pas moins préoccupé par la situation de son pays. L'inter a rencontré Noël Akossi Bendjo, dans son exil parisien. Il répond à nos questions sur l'actualité politique ivoirienne.

Monsieur le maire, cela fait plus d'un an que vous êtes hors de Côte d'Ivoire. Comment vivez-vous cet exil ?

Comme vous le voyez, je tiens le choc. L'exil est toujours une violence. C'est dans mon cas, le résultat d'une instrumentalisation de la justice à des fins politiciennes. Ma condamnation a été prononcée sur la base d'arguments fallacieux à l'issue d'un simulacre de procès qui déshonore ses auteurs et ses instigateurs. La vérité va se savoir très vite. Je sais que lorsque la justice aura retrouvé son indépendance, je serai blanchi. Personne n'est dupe. En ce qui me concerne, j'ai ma conscience pour moi, c'est en réalité l'essentiel.

Vous étiez maire du Plateau, révoqué en raison d'accusation « de graves déviations » dans votre gestion et de « faux en écriture publique ». Comment avez-vous ressenti la libération récente de l'ancien maire de Dakar Khalifa Sall ?

C'est un geste en apparence fort et je me réjouis que Khalifa Sall ait retrouvé l'air de la liberté mais ce n'est qu'un début : l'ancien maire de Dakar demeure privé de ses droits civiques et une amende d'un montant surréaliste lui est infligée. Ce premier geste démontre en tout cas l'ancrage de notre voisin sénégalais dans une tradition démocratique, tradition qui s'est imposée au président Macky Sall. Il doit maintenant aller au bout de sa démarche. Vous savez, il peut y avoir partout des tentations de raidissement. Il ne suffit pas d'avoir le mot réconciliation à la bouche. La réconciliation, c'est comme l'amour, vous connaissez l'adage : il n'y a que les preuves qui comptent. Quelle tristesse de voir la Côte d'Ivoire faire le chemin à l'envers ! Je le dis avec beaucoup de gravité : Alassane Ouattara ferait bien de s'inspirer de cet exemple, de cette démarche, même inachevée. Mais il s'enferme dans une spirale de plus en plus autoritaire, en pourchassant ses opposants. L'emprisonnement de Jacques Mangoua, le vice-président du Pdci-Rda, s'inscrit dans cette dérive mortifère pour mon pays. Là encore, on invente des éléments fictifs pour se débarrasser d'un opposant. Et ce pouvoir fait aujourd'hui pire encore puisque, non content de se complaire dans le non droit, il sombre dans la violence en réprimant à balles réelles une manifestation pacifique. Je m'incline devant la mémoire du jeune Diby N'Guessan et adresse toute ma compassion à sa famille.

L'opposition se mobilise sur le terrain en Côte d'Ivoire. Après Treichville, il est prévu ce 19 octobre, un nouveau meeting à Yamoussoukro. En tant que responsable de la mobilisation au Pdci-Rda, qu'est-ce que cela vous fait d'être en marge de ce mouvement ?

L'exil n'est jamais un choix. Je ne suis pas en vacances. Il aurait suffi que j'accepte de rentrer dans le rang pour ne pas vivre ce moment pénible pour moi-même et pour mon épouse, qui est à mes côtés, un soutien précieux de chaque instant. J'aurais pu faire comme tout le monde ou presque, m'acheter une tranquillité au prix du reniement de mes idées et je serais aujourd'hui paisiblement en train de vous parler à Abidjan. Je ne l'ai pas fait parce que je suis un homme de fidélité ; je suis un homme attaché à des valeurs, de paix, de développement, des valeurs que le Pdci-Rda porte depuis plus de 70 ans et il n'était pas question, pour moi, de les abdiquer. J'accepte ce sacrifice. Cela dit, je vous assure que de Paris, je ne regarde pas passer les trains. J'ai été honoré d'accompagner le président Bédié à Bruxelles lors de la rencontre historique du 29 juillet avec le président Gbagbo, retrouvailles sans lesquelles rien n'aurait été possible. A sa demande, j'ai rencontré le président du Cojep Charles Blé Goudé à La Haye, avec une délégation de notre parti, conduite par notre secrétaire exécutif, Maurice Kakou Guikahué. A Paris, avec les responsables des formations réunies dans la plateforme, nous avons monté l'Udci, l'Union de la diaspora pour la Côte d'Ivoire, et lancé le 15 septembre une structure renforcée parce que la diaspora a son rôle à jouer. Elle a toujours occupé une position avant-gardiste dans les grands moments de notre histoire.

Vous rappeliez, à l'instant, vos rencontres, d'abord, avec Laurent Gbagbo à Bruxelles, puis avec Charles Blé Goudé à La Haye. Comment avez-vous accueilli la décision de la procureure de la Cpi de faire appel de la décision d'acquittement des deux hommes ?

Je regrette profondément cette décision. Le sort qui est réservé au président Laurent Gbagbo est injuste. La Côte d'Ivoire a besoin de tous ses fils et il est l'un de ses enfants les plus éminents. Charles Blé Goudé a, pour les mêmes raisons, vocation à participer à la réconciliation et donc à rentrer au pays.

En 2010, puis 2015, votre parti, le Pdci-Rda était le plus fidèle allié d'Alassane Ouattara. Qu'est-ce qui a fondamentalement changé aujourd'hui ?

Ce qui a changé, c'est d'abord la rupture de la parole donnée. Je crois au respect des engagements. Comment faire confiance à un homme qui ne tient pas ses promesses ? Ce qui est vrai dans la vie privée l'est tout autant dans la vie publique. Vous savez, en 2010, il a fallu beaucoup d'abnégation à Henri Konan Bédié pour ne pas contester les résultats du premier tour de la présidentielle. Il l'a fait car il est profondément un homme de paix et il ne voulait pas ajouter la crise à la crise. En 2014, l'appel de Daoukro était le résultat d'une alliance politique. Une nouvelle fois, le président Bédié faisait le choix de l'intérêt national sur celui immédiat de son parti. Mais ce n'était certainement pas pour favoriser la disparition du Pdci-Rda. Le Pdci-Rda est un grand parti, à l'origine, celui de tous les Ivoiriens, celui qui a accompagné nos plus belles années. Il a une histoire indissociable de celle de notre accession à l'indépendance portée par son fondateur Félix Houphouët-Boigny. Il a un bilan, des valeurs. Il a une vision, libérale, humaniste, progressiste. Comment avoir pu imaginer que nous accepterions de rayer tout cela d'un trait de plume ? Lorsque l'on a la responsabilité d'un grand parti politique, on ne peut assumer son sabordage devant ses militants. On a à l'inverse le devoir de porter toujours plus haut ses convictions.

Quel bilan faites-vous de la gestion du pouvoir actuel ?

Nous avons constaté une dérive depuis deux ans avec la volonté manifeste d'un clan d'accaparer tous les pouvoirs. Je ne suis pas seul à le dire. L'Union européenne l'a écrit dans un rapport. Parce que nous avons soutenu Alassane Ouattara sur une promesse de réconciliation, d'apaisement et de développement, nous avons le devoir de faire l'inventaire de ses deux mandats. Le bilan est extrêmement décevant : dérive autoritaire du régime, centralisation des pouvoirs, attributions des marchés publics à un clan, corruption qui gangrène la confiance, et maintenant fuite en avant aussi, avec ce gouvernement pléthorique. Et pendant ce temps, un peuple ivoirien qui ne voit jamais venir les fruits d'une croissance inexploitée, des chiffres qui font mal avec un indice de développement humain très très bas : une espérance de vie de 53 ans, 47% de la population en dessous du seuil de pauvreté, des jeunes qui se rêvent un avenir meilleur en exil et s'engouffrent sur ces embarcations mortifères vers des pays qui ne les désirent pas… Quelle image renvoyons-nous au monde ? Ce n'est pas cela la Côte d'Ivoire. Je ne me reconnais pas dans une politique qui laisse tant d'Ivoiriens au bord de la route. Il faut refaire de notre pays, notre terre d'espérance ! Ces dernières semaines, j'ai suivi avec écœurement cette incroyable instrumentalisation des obsèques de DJ Arafat. J'y ai vu une pitoyable tentative d'exploiter la popularité d'une star, certes immense, certes aimée, mais qui ne peut en aucune façon être érigée en modèle pour notre jeunesse par le pouvoir politique. Il y a la réussite, il y a aussi les valeurs ! Et puis, il est trop facile de s'abriter derrière une réussite individuelle pour dissimuler notre échec collectif à élever nos enfants.

Finalement, à chaque élection, on en revient à deux contre un. Est-ce que cette plateforme de Bédié et Gbagbo n'est pas l'expression d'un manque d'imagination ?

C'est exactement l'inverse. La plateforme consiste à faire travailler ensemble des femmes et des hommes de bonne volonté autour de valeurs communes et de la volonté partagée de réconciliation, pas d'un simulacre d'apaisement. Il s'agit de construire un pays en se donnant les outils institutionnels afin de ne pas retomber dans un cycle de violences à chaque fin de mandat. C'est en fait la volonté d'accéder enfin à une maturité démocratique.

La nouvelle commission électorale vient d'être installée, avec à sa tête, le magistrat Coulibaly Kuibiert Ibrahime. Quel commentaire faites-vous de cette actualité ?

La commission électorale ne remplit pas ses obligations d'indépendance et d'impartialité, et ne garantit pas des élections pluralistes et incontestables. Sa composition est une pure provocation. La Cour africaine des droits de l'Homme et des peuples a été très claire dans ses exigences et nous l'avons saisie à nouveau. Le pouvoir tente de ruser. Vous savez, les décisions de la Cour sont des décisions de justice. Elles ne constituent pas de simples suggestions que chacun pourrait interpréter en fonction de ses intérêts. Le droit n'est pas négociable. Par ailleurs, le précédent des élections locales nous incite à la plus grande vigilance.

Pour vous, quelles doivent être les prochaines étapes d'ici à 2020 ?

Les conditions d'une élection présidentielle transparente ne sont aujourd'hui pas remplies. Aller aux élections dans ces conditions serait un suicide collectif. Les Ivoiriens ne sont pas réconciliés. Ils se regardent en chiens de faïence. Il faut que tous les prisonniers politiques soient libérés et que tous les exilés reviennent en Côte d'Ivoire car sans cela la réconciliation ne sera pas possible. Il n'y a pas de consensus électoral. En dehors de la commission électorale que nous récusons en l'état, le code électoral n'a pas été révisé et la composition de la liste électorale s'apparente à une manigance pour favoriser le clan au pouvoir. Il faut que chaque Ivoirien soit doté d'une carte nationale d'identité gratuite. Toutes ces (...)

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