Côte d'Ivoire : Des révélations sur les dernières concessions de Ouattara

  • Source: linfodrome.com
  • Date: sam. 11 août 2018
  • Visites: 5910
  • Commentaires: 1
Le vent tourne en Côte d'Ivoire. Lundi 6 août, le président Alassane Ouattara a annoncé l'amnistie de huit cents personnes dont Simone Gbagbo, l'épouse de l'ancien président, libérée dès ce mercredi. Un scénario inimaginable il y a encore quelques mois.

Un magma bouillonnant et mouvant. C'est ce à quoi ressemble aujourd'hui la scène politique ivoirienne, en plein bouleversement après plusieurs années d'atonie. De manière stupéfiante, les rapports de force sont en train de changer, des alliances se désagrègent et d'autres se constituent dans un enchaînement d'événements, qui semble s'accélérer. En ligne de mire, l'élection présidentielle de 2020. Et au milieu, le président Alassane Ouattara, 76 ans, et son parti, le Rassemblement des républicains (Rdr), de plus en plus seuls.

Pour la première fois depuis son accession au pouvoir, en mai 2011, le chef d'État, réputé intraitable, s'est résolu à lâcher du lest. Lundi 6 août, veille de la fête de l'indépendance du pays, il a créé la surprise en annonçant qu'il allait amnistier huit cents personnes, dont trois cents en prison, poursuivies ou condamnées pour des faits liés à la crise post-électorale de 2010-2011. La majeure partie de ces détenus étaient jusque-là considérés comme des prisonniers politiques par l'opposition et des organisations de défense des droits de l'homme. Parmi les bénéficiaires de cette amnistie, Simone Gbagbo, 69 ans, épouse de l'ex-président Laurent Gbagbo.
Emprisonnée depuis le 11 avril 2011, condamnée en 2015 à vingt ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l'État », elle a été libérée dès mercredi. Elle a été accueillie par une foule en liesse au domicile familial d'Abidjan.
Plusieurs autres figures historiques de la gauche ont été libérées dans la foulée, dont l'ex-ministre Assoa Adou, 72 ans, condamné en 2017 à quatre ans de prison.

Tous les acteurs politiques ont salué la décision du président, contrairement à des Ong nationales et internationales : « Aucune amnistie ne devrait s'appliquer aux crimes de guerre, crimes contre l'humanité et autres graves violations des droits humains commis en Côte d'Ivoire pendant la crise post-électorale de 2010-2011 », ont-elles dit. Mais encore faut-il que la justice ait un jour pris en considération les victimes de ce conflit qui a fait officiellement trois mille morts. Au lieu de cela, elle a été utilisée depuis 2011 pour des règlements de comptes politiques. Les Ong n'ont pas relevé qu'Alassane Ouattara n'avait pas respecté la Constitution en prenant son ordonnance d'amnistie : il aurait dû, au préalable, soumettre une loi au Parlement et attendre que ce dernier donne son accord.
Le chef d'État a fait une autre annonce : il a déclaré avoir demandé au gouvernement de réexaminer la composition de la Commission électorale indépendante (Cei), chargée d'organiser et de superviser les élections. Depuis plusieurs années, l'opposition demande que cet organe soit réformé, car il est contrôlé de fait par le pouvoir. En 2016, la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples a, elle aussi, jugé qu'il n'était ni impartial ni indépendant, et que l'État ivoirien violait, entre autres, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples. Elle ordonnait à l'État de se mettre en règle, ce que les autorités ont refusé de faire.

Alassane Ouattara n'a pas fait ces quelques concessions délibérément. Il y a été contraint. Les ambassadeurs des pays de l'Union européenne, ses principaux partenaires, ont récemment laissé fuiter un rapport confidentiel dans lequel ils dressent un bilan catastrophique de sa présidence. Ils y évoquent des autorités qui se « montrent hermétiques aux critiques internes ou externes, et semblent désireuses de ne laisser aucun lieu de pouvoir leur échapper », un pouvoir qui est « trop faible politiquement pour accepter le jeu démocratique », la « rhétorique » du Rdr qui est « guerrière », une « “classe dirigeante” dont l'enrichissement (…) est parfois spectaculaire ».
Soulignant eux aussi la nécessité de revoir la Cei, ils observent que la société ivoirienne est « de plus en plus agitée par un mécontentement perceptible », y compris au sein de la population, « principalement du nord », qui le soutenait en 2010. Les diplomates affirment que « le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté entre 2011 et 2016 », tout en s'inquiétant de la lenteur des réformes du secteur sécuritaire – l'année 2017 a été marquée par des mutineries à répétition.


Ouattara perd le soutien de son principal allié politique

À lui seul, ce rapport accablant, dont l'Agence France-Presse s'est fait l'écho le 2 août, est un événement et le signe d'un incroyable retournement de situation. Pendant sept ans, jamais les pays membres de l'Ue n'ont émis la moindre critique publique sur la gouvernance d'Alassane Ouattara, bien que les maux dénoncés aujourd'hui aient existé dès ses débuts à la présidence – avec, en plus, d'innombrables violations des droits de l'homme.
Cela s'explique : c'est grâce au soutien politique, financier et militaire des États européens, la France en tête, qu'il a pu prendre les rênes de la Côte d'Ivoire. Il avait alors toutes leurs faveurs. En retour, il a facilité leurs affaires dans le pays. Mais, aujourd'hui, le pouvoir de celui qui fut directeur général adjoint du Fonds monétaire international est en train de s'effondrer. À tel point qu'il pourrait y avoir des conséquences sur les investissements étrangers, estiment les ambassadeurs de l'Ue, qui écrivent : « L'enjeu est qu'en vue de l'échéance de 2020, les dérives constatées actuellement ne conduisent pas à de nouvelles difficultés majeures, qui seraient aussi dommage (...)

Lire la suite sur linfodrome.com


Côte d'Ivoire secteur don Abidjan État sein investissements Laurent Gbagbo Simone Gbagbo Alassane Ouattara Assoa Adou jeu Commission électorale indépendante Cei Rassemblement France Fonds monétaire international Union européenne élection présidentielle gouvernement Constitution indépendance élections opposition ivoirien crise post-électorale




Educarriere sur Facebook