Bonne gouvernance, cherté de la vie, Francs CFA... / Le ministre Jean-Louis Billon dit ses vérités : « La pauvreté frappe encore trop d'Ivoiriens » - « Le patriotisme économique n'est pas un délit »


Le ministre Billon pense qu'il faut briser les monopoles pour booster l'économie du pays. (Photo d'archives)
  • Source: L'Inter
  • Date: mar. 23 déc. 2014
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En fonction depuis deux ans au sein du gouvernement, celui qui a été pendant longtemps le porte-parole du secteur privé, analyse les progrès économiques et sociaux réalisés depuis l'accession au pouvoir du président Alassane Ouattara. Avocat de la bonne gouvernance, et dans un langage de vérité, Jean-Louis Billon lance un appel à la classe politique et revient sur des dossiers qui lui sont chers: le port d'Abidjan et le Franc Cfa, notamment.

Depuis l'arrivée au pouvoir du président Alassane Ouattara, la croissance est en hausse et les bons chiffres se succèdent. Peut-on parler d'un redressement économique de la Côte d'Ivoire?

Nous avons subi dix années de crise politico-militaire qui a mis à genoux le pays. Dans de telles conditions, toute entreprise de redressement est difficile. Mais, sous le leadership du président Alassane Ouattara, il s'est agi d'abord de redonner confiance aux opérateurs économiques, créer des emplois, restituer du pouvoir d'achat, attirer les investisseurs étrangers, augmenter les échanges commerciaux, améliorer notre compétitivité, construire des infrastructures, redynamiser le secteur privé, reconstituer notre tissu de Pme, relever le défi énergétique… La liste est longue et, pour ainsi dire, tout est prioritaire. En moins d'un mandat, nous avons obtenu des résultats indéniables. Notre taux de croissance annuel a été de 1,8% entre 2004 et 2008, nous avons atteint 10,7 % en 2012 et 8,7% en 2013, selon le Fonds monétaire international. Les prévisions pour 2014 et 2015 sont de 8,5% et 7,9%. Je précise que la moyenne de l'Afrique subsaharienne s'établit à 5,1% en 2013 et 2014. Les investissements publics et privés sont en forte hausse. Ils ne représentaient que 10% de la richesse nationale en 2011, ils sont actuellement à près de 20%. Sans investissements pour renforcer notre appareil de production et financer nos infrastructures, il est illusoire de vouloir créer de la richesse pour la répartir ensuite. Grâce à la crédibilité du président Ouattara, les investisseurs sont revenus en Côte d'Ivoire, qui change de visage.

 

On peut donc croire à l'émergence annoncée?

Oui, le plan émergence 2020 du président Alassane Ouattara est non seulement réaliste, mais il est effectif. Et il est important de considérer que la Côte d'Ivoire a déjà été un pays émergent, dans les années 1970-1980. Le concept de ''pays émergent'' n'existait pas encore mais nos performances économiques à l'époque correspondaient à ce standard de développement. Nous pouvons collectivement faire en sorte que notre pays renoue avec ces performances. Ce serait le meilleur hommage que nous puissions rendre au père de la Nation, le président Félix Houphouët-Boigny.

 

Il n'empêche, le chômage, la pauvreté et la vie chère demeurent les principaux maux auxquels les Ivoiriens sont confrontés…

Vous avez raison. Même avec les acquis que je viens de citer, la traduction des fondamentaux économiques en progrès social demande du temps. La pauvreté a augmenté durant la crise et frappe la moitié de la population, contre 10 % en 1985, selon la Banque mondiale. Le chômage des jeunes, dont un grand nombre de diplômés, reste un fléau à combattre. Forts de ce constat, nous ne devons pas dévier de notre feuille de route, car l'action politique s'inscrit dans la durée. On ne structure pas une économie en un seul jour. La pauvreté frappe encore trop d'Ivoiriens confrontés à la vie chère. Mais, les chiffres de l'inflation, faible, démontrent que ce n'est pas tant la hausse des prix qui pose problème, mais bien le pouvoir d'achat des consommateurs. La solution est celle du long terme, qui nous permettra de créer des emplois par le soutien au développement de nos entreprises et l'amélioration de notre compétitivité. Nous ne pouvons pas redistribuer une richesse que nous ne créons pas. Donc, notre action est volontairement orientée vers la production, à travers le soutien aux entrepreneurs, en vue de créer des emplois et d'offrir du travail à notre jeunesse. Il faut être compétitif pour générer du pouvoir d'achat.

 

En attendant ces résultats, que fait-on contre la vie chère?

Le prix du panier de la ménagère est directement impacté par la corruption, le racket, les barrages routiers et les monopoles qui renchérissent les produits de première nécessité. Ces questions de bonne gouvernance sont essentielles. C'est pour moi un combat permanent, y compris au sein de mes services. La corruption constitue un fléau, car il est le principal facteur bloquant de notre développement. Le succès n'est pas encore total, je vous l'accorde, mais les progrès sont réels. L'environnement des affaires s'est amélioré, puisque le dernier classement '' Doing Business 2015 '' place la Côte d'Ivoire parmi les dix pays au monde qui ont mené le plus de réformes. Au niveau de mon ministère, nous avons adopté une loi sur la concurrence et rétabli la commission de la concurrence, qui était en léthargie depuis dix ans. Un tribunal de commerce a été institué. Les barrages routiers, qui pénalisaient les commerçants, ont été éradiqués. Des fonctionnaires peu scrupuleux qui rackettaient les acteurs économiques ont été révoqués. Les contrôles pour contrôler les prix, réprimer la fraude et promouvoir la transparence ont été multipliés. Le code de la concurrence, qui va mieux défendre les consommateurs et permettre aux associations de défense des consommateurs de saisir la justice, est en préparation.… Ce n'est pas si mal en deux ans! C'est dans une économie ouverte, sans abus de position dominante qui faussent les règles du jeu, que les intérêts des consommateurs sont le mieux défendus. C'est la concurrence qui régule le commerce.

 

Vous avez également fait du soutien aux Pme votre principale priorité. Pourquoi?

Il est impossible d'amorcer un développement économique en faisant fi du gros potentiel des Pme. Elles représentent 98% du tissu économique formel, 20 % de la richesse nationale, 12% de l'investissement et 23% de la population active. Le développement de notre économie passe donc par les Pme. Or, leur nombre a diminué de moitié durant la décennie de crise. La paupérisation dont je parlais plus tôt s'explique, notamment, par le délitement de notre tissu de Pme. Des Pme en moins, ce sont des emplois en moins. Le levier le plus rapide pour avoir une croissance inclusive et créer des emplois, ce sont donc les Pme. C'est pour cela que nous avons adopté la loi de promotion des Pme, qui fixe le cadre juridique et institutionnel et qui garantit notamment aux Pme un meilleur accès aux marchés publics.

 

Vous avez initié un projet baptisé '' Phoenix '', qu'en est-il aujourd'hui?

En initiant le projet Phoenix en 2013, et en le dotant d'un budget de 86 milliards de F CFA, le gouvernement a montré sa claire ambition. Nous voulons passer de 50.000 à 120.000 Pme dans six ans, pour créer 600.000 emplois. En outre, la création de l'Agence des Pme est actée. Elle travaillera dans quatre directions: l'accès aux financements avec la création d'un fonds de garantie, le renforcement des capacités techniques et managériales, l'amélioration du climat des affaires des Pme,, le développement de la culture entrepreneuriale et de l'innovation. Ce projet est déterminant pour l'avenir de notre pays. Notre objectif est d'arriver à ce que les Pme représentent entre 30 et 40% du Pib, comme dans la plupart des pays développés. Nous n'avons pas le choix. Dans les dix prochaines années, ce sont 11millions de jeunes qui vont entrer chaque année sur le marché de l'emploi en Afrique, soit 110 millions de personnes, selon la Banque mondiale. Soit nous sommes en mesure de créer des emplois pour cette jeunesse et nous transformons notre croissance actuelle en succès durable, soit nous n'y parvenons pas et l'Afrique subira une nouvelle fois un échec retentissant. La Fonction publique ne peut pas absorber ces 110 millions de personnes. C'est au secteur privé de le faire.

 

Les chefs d'entreprise se plaignent souvent de la fiscalité, trop lourde selon eux. Êtes-vous de cet avis ?

Oui. Afin de faciliter l'épanouissement des Pme, je milite pour une fiscalité incitative et non punitive. Si l'impôt sur les sociétés est officiellement de 25%, la pression fiscale , toutes taxes confondues, sur les entreprises est en fait de 46%, selon des études de la Banque mondiale. C'est confiscatoire et cela pénalise les investissements. Lorsque j'étais président de la Chambre de commerce et d'industrie, j'étais le défenseur des entreprises, mon combat n'a pas changé. Chacun doit prendre ses responsabilités. Les dirigeants politiques doivent définir un cadre favorable au développement économique et mener de bonnes politiques publiques. En tant que ministre, j'essaie de contribuer à cela.

 

Parlons à présent du port d'Abidjan et du deuxième terminal à conteneurs attribué au Groupe Bolloré en mars 2013. Dans une ''interview-vérité'' publiée récemment dans un journal, vous avez dénoncé cette attribution au nom, justement, du respect de la concurrence puisque Bolloré détient déjà le premier terminal. L'Uemoa dans un rapport semble vous avoir donné raison. Quel est votre sentiment?

Si vous faites allusion au rapport préliminaire de la Direct (...)



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