20 avril 2011 : Le jour où Mamadou Koulibaly parla à Ouattara

  • Source: Lider-ci.org
  • Date: mar. 22 avr. 2014
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Le mois d'avril n'est pas un bon mois pour les Africains épris de paix. Il y a 20 ans, le 7 avril 1994, au Rwanda, des gens remplis de rage et de haine ont commencé à massacrer des femmes, des enfants, des hommes, simplement parce qu'ils étaient d'une autre ethnie. En trois semaines, près d'un million d'êtres humains ont été tués. Loin d'avoir tiré les leçons du génocide rwandais, les Ivoiriens ont répété les mêmes erreurs qui ont coûté la vie à plus de 20.000 personnes depuis la rébellion de 2002.

Le 20 avril 2011, au sortir de l'audience qu'il a eue avec Alassane Dramane Ouattara à l'hôtel du Golf, le Pr. Mamadou Koulibaly, alors président de l'Assemblée nationale et 3ème vice-président du Front populaire ivoirien, a, devant les caméras et microphones des médias nationaux et internationaux, révélé la teneur des échanges qu'il venait d'avoir avec le chef de l'Etat.

Aujourd'hui, trois ans exactement après cette rencontre au sommet, il ressort deux choses :

Le président Ouattara n'a absolument aucun respect des institutions ou de la parole donnée. De la même façon qu'il a renié les engagements qu'il avait pris envers l'ancien président de l'Assemblée nationale, de la même façon il a menti sans honte aux Ivoiriens à propos de ses promesses électorales. Plus grave : Ouattara, dans une interview accordée à l'hebdomadaire français L'Express un an et demi après cette rencontre, revendiquait fièrement le rattrapage ethnique des Dioulas comme doctrine de gouvernement.

Alors que tous les «conseillers» qui avaient applaudi la désastreuse décision de Gbagbo d'aller aux élections sans désarmement et  que tous les va-t-guerre qui l'avaient poussé à ne pas respecter le verdict des urnes avaient, dans un bel ensemble de couardise, fui se mettre à l'abri à l'étranger, abandonnant non seulement Gbagbo, mais aussi les populations aux mains de miliciens et meurtriers assoiffés de sang et de vengeance, Mamadou Koulibaly est revenu dans le chaudron d'Abidjan, pour défendre la Constitution, l'état de Droit mais surtout les militants du Fpi, les sympathisants Lmp, les populations Bété et tous les anonymes qui, pour avoir supporté Gbagbo ou porté un patronyme d'une certaine consonance, se faisaient égorger comme des poulets par les hommes de Ouattara.

Aujourd'hui, de part et d'autre, certains essaient de réécrire l'histoire. On essaie de présenter l'actuel président de LIDER comme ayant fait allégeance à Ouattara ou ayant trahi Gbagbo. Mais, comme l'a dit le président Kagamé lors de la commémoration du 20ème anniversaire du génocide qui a endeuillé son pays, les faits sont têtus et la vérité ne se laisse pas travestir.

Les propos courageux du Pr. Mamadou Koulibaly, le 20 avril 2011 à l'hôtel du Golf, attirèrent l'attention des médias et organisations humanitaires internationales sur les dérives ethnicides meurtrières du camp Ouattara, jusque-là porté aux nues par la communauté internationale et seront le point de départ des enquêtes et rapports accablants pour celui qui était alors présenté comme le démocrate modèle.

Il ne peut y avoir de réconciliation sans pardon. Il ne peut y avoir de pardon sans justice. Il ne peut y avoir de justice sans état de Droit.

Nous espérons que trois ans après, alors que l'émotion et la fureur ont quelque peu baissé, toutes les parties prenantes, les hommes politiques et la société civile prêteront enfin une oreille attentive aux conseils pleins de bon sens et aux appels à la raison du Pr. Mamadou Koulibaly. Nous espérons que les populations décideront dorénavant de tourner résolument et définitivement le dos aux mensonges et à la manipulation qui les ont conduits dans l'abîme et le chaos, pour reconstruire la Côte d'Ivoire et donner naissance à une nation unie, apaisée, libre et ambitieuse.

Bonne (re)lecture de la déclaration qui évita la rwandaïsation totale de la Côte d'Ivoire.

 

Mamadou Koulibaly après sa rencontre avec Ouattara

« J'étais à Accra, j'ai reçu un appel du président Ouattara qui souhaitait s'entretenir avec moi. J'avais moi aussi un certain nombre de choses à discuter avec lui. Je suis arrivé hier [mardi 19 avril 2011, ndlr] et ce matin je sors d'une audience avec lui. Nous avons parlé de plusieurs sujets. En particulier, je lui ai fait part des préoccupations des députés qui aimeraient bien qu'en tout début de mandat, nous puissions nous inscrire dans la légalité constitutionnelle. Donc que les ordonnances qui ont été prises puissent faire l'objet d'une autorisation de l'Assemblée nationale, d'une régularisation. Le président a donné son accord.

Les députés ont suggéré aussi que l'on puisse entrer dans l'application de la Constitution, le problème de l'Etat de droit, le respect des libertés individuelles. Le président de la République m'a dit qu'il était conscient de la question et qu'il prenait toutes les dispositions pour qu'il en soit ainsi.

Au nom des députés, je lui ai signalé des problèmes de sécurité, l'assemblée nationale ayant été pillée, mon domicile à Abidjan et à Azaguié, ma famille menacée et pillée. C'est aussi vrai pour l'ensemble des députés. Nous avons trouvé à l'Assemblée nationale un cadavre en putréfaction, tous les bureaux cassés et pillés. Les députés se sont demandé dans quelle mesure ils pouvaient avoir la sécurité, puisqu'ils se sont déjà inquiétés de la situation auprès des ministres concernés mais que rien n'avait encore été fait. Le président a donc donné des instructions pour qu'assez rapidement l'Assemblée nationale soit sécurisée. Parce qu'il y a des pillages chaque jour. Il y a des gens qui passent pour ramasser ce qui est resté.

Nous avons parlé de l'Etat de droit pour expliquer qu'en début de mandat, conformément au vœu de l'Union africaine, le président de la République puisse avoir une prestation de serment régulière. Il a donné son accord et je crois savoir, si je ne trahis de secret, que le président du Conseil constitutionnel, Yao N'dré, est en route pour Abidjan, où il arrive probablement demain. Et très rapidement, le président m'a dit qu'une cérémonie serait organisée pour rester conforme au vœu de l'Union africaine.

Je lui ai dit par ailleurs, toujours concernant la sécurité, que de nombreux militants du Fpi et de Lmp, ceux qu'on appelle pro-Gbagbo, étaient très inquiets pour leur sécurité dans les quartiers. Qu'ils étaient dénoncés, indexés, comme si être militant de ce parti ou de ce mouvement était une tare. Ils se cachent, ils se sentent brimés. Nombreux sont également ceux qui ont fui et qui se sont réfugiés au Ghana, au Togo ou au Bénin. Il serait bien d'aller vers une détente pour que ces militants se sentent bien sécurisés. Et de surcroit, je lui ai signalé plusieurs appels reçus d'amis et de proches de populations bété qui me disent, «Nous sommes poursuivis, tués dans des quartiers simplement parce que nous sommes Bété.» Et l'ethnie ne peut pas être un défaut. Et si l'on peut reprocher des choses au Fpi, ce n'est pas aux Bété qu'il faut le faire payer. Si l'on peut reprocher des choses à Gbagbo Laurent, ce n'est pas aux Bété qu'il faut le faire payer. Si nous rentrons dans ce jeu, jamais nous n'aurons de réconciliation et nous n'aurons de paix. Le président de la République a pris le téléphone, il a appelé les ministres concernés. Il a demandé que des enquêtes soient faites rapidement afin que cette situation s'estompe. Parce qu'il n'a pas envie de gouverner au nom d'une ethnie.

J'en ai profité aussi pour lui dire que l'Assemblée nationale faisait sa séance solennelle d'ouverture le mercredi 27 avril 2011, la première session ordinaire pour l'année 2011.

J'en ai profité pour lui dire la méfiance, la tension, l'absence d'Etat pour le moment, les fonctionnaires qui ne vont pas au travail, les policiers, les gendarmes apeurés, les militaires effrayés… Je lui ai dit que ce serait peut-être bien qu'il parle aux Ivoiriens encore une fois, mais pas dans le cadre d'une interview classique comme nous l'avons déjà vu. Mais qu'il saisisse la tribune de l'Assemblée nationale pour dire aux Ivoiriens où il va, comment il veut y aller, avec qui, dans quelles conditions de sécurité, de réconciliation, de détente. Et qu'à ce propos, les députés m'avaient demandé de lui adresser une invitation pour le 27 pour qu'il vienne s'adresser aux Ivoiriens. Le président m'a dit qu'il donnait son accord et qu'il se préparerait pour le mercredi 27 pour s'adresser aux Ivoiriens.

Je pense qu'en allant dans ce sens, et si les uns et les autres acceptaient d'arrêter de se bagarrer, si ceux qui ont des armes arrêtaient de menacer ceux qui n'en ont pas, si ceux qui sont Rhdp arrêtaient de faire peur à ceux qui ne sont pas Rhdp, si les représentants locaux du Pdci ou du Rdr arrêtaient de faire peur aux représentants locaux du Fpi, peut-être que nous aurions une chance extraordinaire de reconstruire ce pays après ce chaos. Mais, si jamais certains pensent que l'arrivée de Ouattara au pouvoir, c'est le pouvoir aux Dioula ou aux Nordistes alors, ils peuvent faire ce qu'ils veulent, alors c'est le chaos promis. Jamais il n'y aura de réconciliation, jamais il n'y aura de paix, jamais il n'y aura d'Etat, jamais il n'y aura de nation. Et là où nous sommes, nous sommes encore loin du fond du puits. C'est vrai que les temps sont durs, les Ivoiriens pensent que nous sommes tombés, que c'est grave. Mais il y a pire que la situation dans laquelle nous sommes. Il faut regarder ce qui est arrivé à Haïti, il faut regarder ce qui est arrivé en Somalie. On n'a pas encore vu le pire, faisons donc tout pour l'éviter.»

Mamadou Koulibaly, le 20 avril 2011, au sortir de l'audience avec Alassane Dramane Ouattara, hôtel du Golf, Abidjan.




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