Adjoumani Kouamé Pierre, président de la LIDHO : ''Que le transfèrement ne s'arrête pas à Blé Goudé et, probablement, à Mme Gbagbo''


Adjoumani Kouamé Pierre, président de la Ligue Ivoirienne des Droits de l’homme (LIDHO)
  • Source: L'Intelligent d'Abidjan
  • Date: vend. 28 mars 2014
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La Ligue Ivoirienne des Droits de l'homme (LIDHO) ne veut pas rester en marge des mouvements qui secouent la Côte d'Ivoire. C'est pourquoi, Adjoumani Kouamé Pierre a tenu à faire des précisions importantes sur le transfèrement de Blé Goudé, le cas Simone Gbagbo et ceux du camp présidentiel.

Que faites-vous pour vulgariser les Droits de l'Homme en Côte d'Ivoire ?

La Lidho, dans ses attributions et objectifs, fait la promotion de la défense des Droits Humains. Et donc, dans ce cadre, la Lidho comme le stipulent ses statuts, fait de la promotion, de la sensibilisation, de la formation et de l'assistance judiciaire. Donc, voici ce que nous faisons pour promouvoir les Droits de L'Homme en Côte d'Ivoire.

Quel est l'état des lieux des Droits de l'Homme en Côte d'Ivoire ?

Aujourd'hui, nous pouvons dire qu'il y a une évolution, une progression sur ce plan. Et comprenez qu'au niveau des Droits humains, c'est toujours des droits progressifs. Parce que, nous avons plus besoin des droits socio-économiques, c'est à dire le droit à un toit décent, le droit à la santé et le droit à l'éducation qui sont des droits progressifs. Donc, nous sentons que des efforts sont faits au niveau du gouvernement dans ce sens. Et c'est en cela que nous faisons chaque année une évaluation, pour voir si les constructions des écoles, des hôpitaux ont été réalisés totalement ou à moitié par le gouvernement. S'agissant de la question de la justice au niveau des Droits humains en Côte d'Ivoire, nous pouvons affirmer également qu'il y a une nette amélioration car de nombreux dossiers ont commencé à être traités. Seulement ce que nous demandons, c'est que ces dossiers soient traitées avec beaucoup de célérité pour permettre aux présumés impliqués, de pouvoir répondre de leurs actes. Qu'ils soient condamnés s'ils sont coupables, ou libérés, s'ils sont innocents, pour qu'ils puissent jouir de leurs droits civiques et politiques.

Pensez-vous que les droits fondamentaux sont acquis ?

Les droits fondamentaux ne sont pas acquis. Comprenez que le droit civil, politique qui est le premier droit que nous continuons de promouvoir n'est toujours pas respecté. Puisqu' il y a eu beaucoup de violations des droits de l'homme durant cette guerre qu'a connue la Côte d'Ivoire. Donc, c'est de façon progressive que nous sommes en train de remettre toutes ces choses dans l'appareil judiciaire. Et dans le même temps, nous avons plusieurs mécanismes qui sont en train d'être mis en place par le gouvernement telle que la cellule spéciale d'enquête. Le juge d'instruction vient d'être renouvelé par le fait des ONG de défense des droits de l'Homme qui ont facilité ce renouvellement car, sachez que le gouvernement avait voulu arrêter cela. Mais, nous avons dit non, parce que pour un pays qui sort de guerre, nous voulons juger des crimes et connaitre la vérité, il était quand même important d'avoir une cellule d'enquêtes pour le faire. Il y a, aussi, la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation(CDVR), qui a été mise en place également par le gouvernement. Toutes ces actions sont des mécanismes qui vont permettre de booster les choses afin de faire la lumière.

Quelle analyse faites-vous du transfèrement de Blé Goudé à la Haye ?

Nous disons en tant que défenseurs des droits de l'Homme que Blé Goudé est poursuivi pour des crimes qualifiés de crimes contre l'humanité. Nous avions dit, à son temps, que le gouvernement n'avait pas les moyens de juger Blé Goudé en Côte d'Ivoire. Et après le gouvernement avait fait savoir qu'il pouvait le faire. Nous avons été surpris ces derniers jours de constater ce volte-face. Nous nous réjouissons de ce transfèrement parce que nous avions dit que la Côte d'Ivoire n'avait pas les moyens de le juger sur son territoire. Car, il faut que Blé Goudé ait accès à une justice équitable c'est-à-dire que ses avocats doivent avoir accès à la défense. La Côte d'Ivoire n'a pas non plus les moyens d'assurer la protection des victimes, des témoins pour que ceux-ci puissent faire éclater la vérité. Donc, nous saluons cette décision du transfèrement de Blé Goudé car le gouvernement, par cet acte, vient de respecter son engagement vis-à-vis du traité de Rome dont elle est signataire. Mais, il ne faut pas que ces actions s'arrêtent à Blé Goudé et à Madame Gbagbo probablement. Il faut que la CPI se penche, aussi, sur les cas qui ont été commis par les partisans du Président Alassane Ouattara. Les rapports de la commission nationale d'enquête, de la commission spéciale, d'Amnesty et tous les autres rapports qui ont été effectués montrent bel et bien qu'il a eu des exactions de part et d'autres. Nous avons nous-mêmes constaté des violations de droits massifs dans les deux camps à travers les enquêtes que nous avons menées, avec l'appui de la FIDH (Fédération Ivoirienne des Droits de l'homme). Nous pensons que si les deux camps sont visés par la justice, cela amènera, sans doute, à équilibrer cette justice que certains qualifient de manière abusive de justice des vainqueurs et que, cela permettra aussi de booster la réconciliation nationale.

Pourquoi pour le procès café-cacao, le Président du tribunal qui a condamné des prévenus, n'a pas fait arrêter ceux-ci ?

Il y a deux méthodes au niveau de la justice. Soit, on vous déclare coupable et on vous déporte à la maison d'arrêt, ou on peut vous déclarer coupable et estimer que vous avez assez de garantie et on vous laisse en liberté. Mais, en même temps que vous êtes en liberté, vous avez des restrictions. Donc, nous pensons que cela y va de soi et que ces personnalités citées, ont suffisamment de garantie. 

Au vu de la situation que connait la Côte d'Ivoire, peut-on parler d'une justice de vainqueurs ?

Pour ne pas qu'on parle de la justice des vainqueurs, il faudrait que tous les procès qui se tiennent actuellement ne soient pas faits seulement à l'encontre des pro-Gbagbo. Il faut que la justice fasse des efforts pour enquêter dans l'autre camp. Donc, en ne le faisant pas, nous pensons que la justice est une justice des vainqueurs. Or, la Cote d'Ivoire a, aujourd'hui, des magistrats compétents et pour nous, les droits sont carrément séparés. Il y a le Judiciaire et il y a l'Exécutif. Le Judiciaire doit prendre sa place pour travailler de façon indépendante pour qu'il ait une justice plus équitable en Côte d'Ivoire.

Quelle est la place du recensement des populations dans les Droits de l'homme ?

Le recensement est une bonne chose. Car, tout Etat moderne doit connaitre le nombre de sa population pour pouvoir mieux orienter son plan de développement. Mais, est-ce que la manière et les conditions sont réunies pour le faire ? C'est là, toute l'interrogation. C'est pour cela que nous demandons au gouvernement ivoirien de communiquer plus, avant de prendre des décisions aussi importantes qui engagent la vie de la Nation. Aujourd'hui, un grand nombre d'Ivoiriens ne sait même pas qu'un recensement général se déroule dans le pays. Nous avons les capacités de pouvoir informer les populations sur ces genres de questions aussi importantes. On devrait préparer d'abord cela, en envoyant des associations, des ONG, des organisations en mission pour pouvoir informer largement les populations avant de lancer cette opération. C'est à l'issue de cela, qu'on peut avoir un engouement. Et puis, contrairement à certaines personnes le recensement n'a rien n'a avoir avec la politique.

Si vous etiez devant le Président de la République, que diriez- vous pour les Droits de l'homme ?

Nous dirions au Président que nous avons deux préoccupations majeures. Premièrement, nous voulons que la proposition de loi qui a été déposée à l'Assemblée Nationale concernant les droits de l'Homme soit adoptée. Deuxièment, nous demandons qu'il se penche sur le dossier relatif à d'éducation civique. Les ONG des droits de l'Homme sont disposées à jouer leur partition dans le cadre de la sensibilisation civique, car cela participe de la cohésion sociale.

Quelles sont les actions que vous menez à travers le pays ?

Depuis 10 ans, nous travaillons à la cohésion sociale avec les populations de San-Pedro. Nous intervenons dans le domaine de l'éducation et au niveau de l'impunité dans les écoles. A Abidjan, nous faisons l'assistance judiciaire pour inciter les Ivoiriens à avoir de plus en plus confiance en leur justice. Et depuis quelques temps, nous avons mis en place des mécanismes en place pour assister les plus démunis. Donc, voilà ce que nous faisons en plus des déclarations et des communiqués.

Interview réalisée par M.Ouattara coll. : B.B




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