Interview / Boga Dago (SG de Dignité) : ''1er mai 2014 sans Ouattara ? Ce que nous ferons'' - ''Soyons courageux de dire que le SMIG n'est pas appliqué''


Le Secrétaire général par intérim de Dignité a levé des inquiétudes quand à l'application du nouveau SMIG en Côte d'Ivoire.
  • Source: Linfodrome.com
  • Date: mer. 18 déc. 2013
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Secrétaire général par intérim de la centrale syndicale Dignité depuis l'arrestation puis le décès de Mahan Gahé Basile, Boga Dago Elie s'est confié sans faux fuyant à linfodrome.com sur les questions relatives à sa structure et la situation des travailleurs en Côte d'Ivoire. C'était le vendredi 13 décembre au siège de Dignité, à Adjamé.

Comment va la Centrale dignité, après le décès de Mahan Gahé qui l'a portée avec amour, force et vigueur, tout le temps qu'il a été le premier responsable ?

Les grandes œuvres ne meurent pas. Le S.G Basile est décédé, mais l'œuvre continuera de vivre parce c'est une grande œuvre qu'il a bâtie. Il a utilisé le plus clair de son temps, toute sa vie et son énergie pour créer cette œuvre le 1er mai 1988. Aujourd'hui, nous sommes en 2013 et le Secrétaire général est décédé. On dit généralement que le besoin crée l'organe, Dignité a été créée pour répondre aux besoins des travailleurs de Côte d'Ivoire. Depuis sa création, les travailleurs ont découvert l'organisation, se sont confiés à elle jusqu'à ce que le S.G décède, et les travailleurs se sont appropriés cette organisation. Mais de son vivant, Mahan Gahé avait pris toutes les dispositions pour que l'œuvre se pérennise. En tant qu'un grand bâtisseur à qui je rends hommage, il a fait en sorte que Dignité ne s'identifie pas à sa personne. Cela a toujours été son souci. Il disait « si un jour je ne suis plus là, il faudrait que Dignité reste et demeure ». C'est pour cela qu'au cours des différents congrès, il a voulu que le secrétariat fonctionne, le bureau exécutif national fonctionne. C'est ce qui s'est passé jusqu'à ce qu'il soit arrêté.

Comment on se sent de succéder à un homme comme Mahan Gahé. Pensez-vous pouvoir marcher dans ses pas et conduire Dignité à atteindre un objectif lointain qu'il s'est peut-être fixé ?

Qui peut remplacer Basile, personne. Parce qu'il avait son style, il avait la vision. C'est lui qui a donné à Dignité une vision et nous sommes tous dans sa vision. Il avait ses qualités. Celui qui vient après lui a-t-il ces qualités ? Je ne pense pas. En ce qui me concerne, je ne peux pas avoir la prétention de dire que je vais remplacer Mahan Gahé Basile. C'est un monsieur que j'ai côtoyé depuis 1992 et j'ai servi à ses côtés depuis 1996. Donc, je connais l'homme et aussi ses qualités. C'est pourquoi, quand le hasard et le sort de l'histoire me mettent à la place de Mahan Gahé Basile, je dis que je ne peux pas le remplacer. Mais, je suis obligé. C'est une obligation qui pèse sur moi parce qu'une œuvre ne doit pas disparaître après le décès du fondateur. J'ai cette obligation de me battre avec mes camarades travailleurs pour continuer son œuvre. Quand il a été arrêté au commissariat de Williamsville, et que j'ai été lui rendre visite, il m'a dit : « Boga, il faut te battre avec tes camarades pour que Dignité ne meurt pas ». A ceux qui sont partis après-moi le voir, Il leur a fait le même message à mon endroit. J'avais pensé que cette réflexion qu'il faisait était relatif à son temps de détention. Mais, c'est le jour de son décès, après sa sortie de prison que j'ai réalisé la portée de la réflexion qu'il faisait. C'est-à-dire que c'est une œuvre qu'il nous a confiée et c'est à nous de nous battre pour la développer. Quant à ce que deviendra Dignité dans les années à venir, il faut comprendre que la gestion d'une confédération n'est pas une gestion individuelle des affaires. C'est quelque chose de collégiale, avec un leader qui a à ses côtés toute une équipe qui travaille.

Et vous, allez-vous y prendre avec la même fougue et énergie que l'on connaissait à Mahan Gahé Basile ou bien allez-vous adopter une autre stratégie ?

Non ! C'est ce que je disais. Basile avait ses qualités. Et la passion et la fougue ne sont pas des défauts. S'il n'avait pas ces qualités, Dignité ne serait pas créée. Il faut que tous comprenne que Dignité a été créée dans la souffrance et la douleur.

Pensez-vous qu'il a payé pour cette fougue avec sa détention, les tortures, et la mort qui s'en est suivie ?

Je ne vous suivrai pas dans votre développement. Quand Basile est décédé, plusieurs personnes se sont interrogées et il y a beaucoup d'écrits. Mais nous Dignité, nous avons opté de rendre grand un hommage à notre camarade en évitant les polémiques. Mais sachons que sans le charisme qu'avait Mahan Gahé, Dignité ne pouvait pas voir le jour. Est-ce avec la même fougue que nous allons continuer ? Nous n'avons pas les mêmes qualités comme je l'ai dit. Mais n'empêche, vous allez voir, que ce soit moi ou un autre, ce sont les mêmes idées, les mêmes valeurs que nous allons défendre.

Quand Mahan Gahé défend ces valeurs et qu'on l'accuse d'être proche d'un parti au point d'être victime de ce nous savons tous, je veux savoir à quel moment un syndicaliste peut-être accusé d'être partisan ? Ne craignez-vous pas que, demain, on vous lie à un groupement politique et que vous ayez à subir le même sort que Mahan Gahé ?

Mahan Gahé en tant que tel n'était pas partisan. Le rôle qu'il jouait lui avait été confié par la confédération qui dit dans ses statuts, que sur des questions d'ordre national, qui engage la vie de la nation et qui engage donc la vie des travailleurs, la centrale doit prendre une position. Aujourd'hui, son successeur pourra appliquer les statuts de l'organisation. Lorsque des questions d'ordre national se poseront, naturellement, vous verrez Dignité se dresser. Donc ce n'était pas Mahan Gahé qui était partisan, mais c'est la vision de l'organisation qui dictait ses actes. Dites, qu'est-ce qu'on peut faire dans un pays en crise ? Regardez les crises qui se sont succédé, le coup d'État de décembre 1999 par exemple. Longtemps avant, la confédération Dignité qui voyait pourrir cette situation avait cru utile de sensibiliser l'opinion nationale et même internationale. A cet effet, Dignité, sous la conduite du SG Mahan Gahé, avait adressé des correspondances aux ambassades des pays occidentaux en Côte d'Ivoire pour dire qu'allure où nous allons, ce n'est pas du tout intéressant. Mais qu'ont-fait les gens. Ils sont restés chez eux. Personne n'a osé parler jusqu'à ce qu'il y ait le coup d'État. La situation du 19 septembre 2002, qui en a souffert ? Ce sont bien les travailleurs. On les a vus sortir du centre, du nord pour venir s'accumuler à Abidjan, abandonnant leurs biens, perdant leur travail. Dans une situation de ce genre, vous voulez qu'une confédération qui défend la cause des travailleurs ne puisse pas se prononcer ? Le Secrétaire Général de Dignité s'est vu obliger, en vertu des statuts de la confédération, de prendre une position claire et nette pour interpeller l'opinion nationale et internationale pour ne pas que ces choses arrivent. Malheureusement, elles se sont produites et les plus grosses victimes se comptent naturellement parmi les travailleurs.

Alors quand Mahan Gahé se bat pour des travailleurs et que ce sont ces travailleurs qui l'arrêtent et qui lui font subir des atrocités dont il serait mort. Comment vous sentez- vous avec cela ?

Quels sont les travailleurs qui l'ont arrêté ?

Les militaires bien entendu, à moins que vous ne les considéreriez pas comme tels ?

Ce sont des travailleurs, mais ils ont aux ordres ! Donc quand un militaire vient arrêter Boga, ne voyez pas le militaire ! Il a été mis en mission. C'est pourquoi je ne suis pas d'accord avec vous. Mahan Gahé n'a pas été arrêté par des travailleurs qu'il défendait, il a été arrêté par un régime. Ce serait absurde qu'il soit arrêté par des travailleurs. Si le travail du travailleur consiste à arrêter, à exécuter les ordres, il va le faire. Même celui qui est victime ''du travail'' fait par ce type de travailleur ne lui en voudra pas de l'avoir arrêté. Qui l'a mis en mission ? C'est celui-là qui l'a mis en mission que nous voyons. N'accusons pas les travailleurs, qu'ils soient militaires ou policiers, il faut les mettre de côté. C'est celui qui leur a donné un ordre à exécuter que nous regardons.

Le travail est une denrée rare en Côte d'Ivoire. Que fait la centrale Dignité pour amener le gouvernement à créer des emplois et à sécuriser le travail de ceux qui en ont ?

C'est vrai qu'aujourd'hui, ceux qu'on rencontre le plus souvent, ce ne sont pas des travailleurs mais des chômeurs. Le rôle d'une confédération n'est pas de créer des emplois mais de défendre ceux qui sont en activité. Quant à ce que nous faisons, il faut savoir que quand on est dans une société instable, il est difficile de créer des emplois. Je vous ai donné l'exemple du coup d'État de 1999. Juste après ce coup d'État, il y a des entreprises qui ont fermé pour aller s'installer dans les pays limitrophes. C'est pourquoi nous avons appelé les gouvernements d'hier et appelons ceux d'aujourd'hui à faire en sorte que dans ce pays, il y ait la stabilité. Car sans cela, les investisseurs ne peuvent pas venir en Côte d'Ivoire. De l'autre côté, nous créons des textes et l'un des textes qui régissent le rapport entre employeurs et employés, c'est le code du travail. A ce niveau la centrale Dignité et d'autres confédérations participent à la création de ces textes. Nous ne pouvons donc pas créer des emplois, même l'État ne peut pas le faire. Il faut seulement créer le cadre, favoriser un climat social serein avec une société ivoirienne attractive. Vous le verrez dans notre cahier de premier mai, quand je disais à la Primature, au nom de la confédération, au moment où le camarade secrétaire général était encore en prison, qu'il faut libérer les prisonniers politiques, permettre à ceux qui sont à l'extérieur de rentrer afin que la Côte d'Ivoire soit une société attractive. Quand je dis attractive, ce n'est pas seulement pour des touristes qui peuvent venir dans ce pays, mais surtout, des investisseurs qui viendront s'installer et créer des emplois.

Un mois après le décret sur la revalorisation du SMIG, est-il en application ?

Après de nombreuses actions pour la revalorisation du SMIG et plusieurs années de réclamation, le décret a été pris tout récemment. Jusqu'à présent, on n'a pas eu copie de ce décret. C'est de cela que je parlais à l'instant au téléphone avec le directeur de la réglementation du travail (l'entretien avait été momentanément interrompu par un appel qu'il a reçu) pour lui dire « vous administration, aidez-nous à éviter des conflits inutiles dans les entreprises ». Car depuis que les travailleurs ont appris par voie de presse que le SMIG est passé à 60 mille Fcfa, on ne fait que subir des pressions de leur part.

Donc, vous insinuez que le SMIG n'est pas appliqué.

Dans un premier temps, il faut qu'on ait le décret. Nous apprenons qu'il a été adopté mais on n'a pas la copie. C'est lorsque nous aurons la copie de ce décret que nous pourrons dire qu'il est en application. Mais jusqu'à présent, soyons courageux de dire que le décret n'est pas appliqué, qu'il n'a pas encore connu un début d'application. Mais pour que cela soit, il y des aspects qu'il ne faut pas ignorer. Par exemple, quand le SMIG était à 36.607 Fcfa, le travailleur moyen pouvait s'en sortir à la fin du mois avec près de 50 mille Fcfa comme salaire, y compris sa prime de transport. Quand le SMIG passe à 60 mille Fcfa, ce dernier verra son salaire augmenté. Il percevra le SMIG plus sa prime de transport, ce qui peut avoisiner la somme de 80 mille Fcfa comme salaire. Pendant ce temps, le travailleur de deuxième catégorie qui percevait un plus que le premier, qu'a-t-il fait pour qu'au moment où l'employé de première catégorie bouge, lui ne bouge pas non plu (...)

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