Des secrets jamais livrés sur les rapports Bédié-Ouattara


(Photo d'archives)
  • Source: L'Inter
  • Date: mer. 26 oct. 2016
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Des années durant, ils se sont détestés. Aujourd'hui, rien ne paraît plus les séparer : après avoir fait cause commune lors du vote de la nouvelle Constitution, ils promettent de rester unis pour les législatives. Retour sur un couple qui revient de loin.

C'est une conversation qu'un baron du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (Pdci), plutôt en froid avec Henri Konan Bédié, prend un malin plaisir à raconter. Elle remonte à 2015, concède-t-il, tout en assurant que rien n'a changé depuis. Ce jour-là, il appelle l'ancien président, qui se trouve dans sa résidence de Daoukro, dans le centre de la Côte d'Ivoire. « Allô, monsieur le président? » À l'autre bout du fil, Bédié paraît ne pas comprendre que l'on s'adresse à lui et répond : « Vous souhaitez lui faire passer un message, c'est ça? »Au pouvoir de 1993 à 1999, Bédié est pourtant habitué aux marques de déférence et à ce « monsieur le président» que l'on utilise en sa  présence. Mais sa relation avec l'actuel chef de l'État est telle, continue notre interlocuteur, qu'il « s'est tout de suite mis dans la peau du messager, parce que beaucoup de gens passent effectivement par lui pour atteindre Alassane Ouattara ». 

Les partisans de la coalition au pouvoir, le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp), au sein duquel on retrouve notamment le Rassemblement des républicains (Rdr) de Ouattara et le Pdci de Bédié, sont tout aussi convaincus de la bonne santé du « couple dirigeant ». Tout comme les frondeurs du Pdci, qui regrettent de voir leur parti « assujetti» au Rdr, voire réduit à la simple fonction de courroie de transmission entre les élites au pouvoir et les électeurs. 

 

RIVAUX 

Fini les unes de journaux mettant en scène leur rivalité (« Ouattara- Bédié : qui tuera l'autre », avait ainsi titré Jeune Afrique au début des années  1990). Oubliés, les quolibets envers Ouattara « le Nordiste» et Bédié « l'Ivoiritaire ». Oublié aussi, ce congrès verrouillé du Pdci qui, en 1994, porta Bédié à la présidence du parti (poste qu'il n'a pas quitté depuis), décidant Djéni Kobina à transformer ce qui n'était encore qu'un courant, le Rdr, en un véritable parti politique. Qu'elle est loin cette époque où Kobina déclarait au quotidien La Voie que « le Rdr n'accepter[ait] aucun compromis, aucune cohabitation au sein du Pdci avec des gens si peu fréquentables, jamais! » et où Bédié s'indignait du fait que « le Rdr [était] composé à plus de 80 % de musulmans », ajoutant que « cela ne saurait être toléré» (déclaration de juin 1994) ! Tout a changé, donc.

Bédié, 82 ans, a soutenu Ouattara, 74 ans, pour le second tour de l'élection présidentielle de 2010 et s'est effacé dès le premier tour lors du scrutin de 2015, empêchant au passage l'émergence d'une candidature Pdci qui aurait pu gêner le président sortant. Quant au chef de l'État, il a soin de combler son aîné de tous les honneurs (le troisième pont d'Abidjan, inauguré fin 2014, porte son nom) et de toutes les attentions (compensations financières et mise à  disposition de son avion privé pour ses quelques déplacements à l'étranger, etc.).

Ouattara, qui sait que Bédié y est sensible, veille aussi à l'appeler très régulièrement et à le consulter. L'intéressé n'a-t-il pas admis, dans un entretien accordé à Jeune Afrique en octobre 2015, que jamais il n'avait été aussi puissant et que « cela [était] notamment dû à l'une des qualités d'Alassane, celle d'être toujours reconnaissant vis-à-vis des actions de ses prédécesseurs » ? Aujourd'hui, dans les cercles du pouvoir, on le surnomme d'ailleurs « l'empereur Bédié » ou « le président d'honneur de la Côte d'Ivoire». Dorénavant, les congrès se pensent à l'aune d'un grand parti houphouétiste unifié, et les deux hommes posent ensemble, tout sourire, à la moindre occasion - même si ladite fusion, annoncée depuis des années, tarde à se concrétiser.

Et lorsque, le 5 octobre, Ouattara monte à la tribune de l'Assemblée nationale pour défendre son projet de nouvelle Constitution, c'est en rendant hommage à « [son] aîné, le président Henri Konan Bédié, dont la confiance, le soutien constant et les conseils avisés ont toujours été pour [lui] une source de motivation ». Selon ses proches, l'ancien président a fait le déplacement « pour soutenir son petit frère », venu défendre un texte (finalement adopté par les députés le 11 octobre) visant à en finir avec le concept d'ivoirité, cette notion qui avait autrefois été instrumentalisée par Bédié pour écarter Ouattara de la course à la magistrature suprême. Alors, sont-ils vraiment sincères ou jouent-ils le dernier acte d'une comédie, celle du pouvoir, dont ils connaissent chacune des répliques pour être, depuis vingt-cinq ans, parmi ses principaux protagonistes, et dont le dénouement ne serait rien d'autre que l'élection présidentielle de 2020? 

 

PARTAGE DU POUVOIR.  

«Ils n'ont jamais été aussi proches et se retrouvent autour des valeurs de l'houphouétisme, avance Faustin Toha, auteur d'Henri Konan Bédié: appel de Daoukro, ma vie, servir la C&o (...)

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