Enquête / Sur les traces des guérisseur du SIDA : Sauveurs ou arnaqueurs ?
Voici ceux qui se cachent derrière les affiches collées dans les rues
Tout sur l'argent soutiré aux malades du sida


Un exemple de ces affiches qui inondent les rues
  • Source: Soir Info
  • Date: jeu. 14 juil. 2016
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Qui n'a jamais vu, en un coin de rue, sur des poteaux électriques ou collée aux murs, une affiche proposant la guérison aux personnes vivant avec le vih/sida(Pvvih) ?

Il est devenu, en effet, courant voire banal, de retrouver, dans plusieurs communes d'Abidjan et même des banlieues comme Grand-Bassam, ces affiches sur lesquelles on peut lire : « Vih-Sida » ou « Guérison du Vih/Sida ». Ces messages publicitaires sont accompagnés de numéros de téléphones portables sur lesquels il est possible, à toute personne intéressée, de joindre les concernés. On en voit tellement dans les rues que nous avons voulu savoir si ces prétendus guérisseurs du sida parviennent vraiment à venir à bout de cette maladie par la médecine traditionnelle.

 

Nous voilà donc sur les traces de ceux qui se cachent derrière ces affiches anonymes, et qui proposent la guérison aux Pvvih. Premier constat : plusieurs numéros figurant sur des affiches différentes, collées en divers lieux de la même commune ou dans les autres communes, nous ont ramené au même individu se disant à même de soigner la maladie. Alors que nous croyions avoir affaire à plusieurs offres, nous constatons qu'un même individu est caché derrière plusieurs numéros et donc plusieurs affiches. C'est que ces personnes, qui promettent de soulager les Pvvih, n'indiquent pas leurs noms sur les affiches. Pour deux raisons essentiellement, selon ceux que nous avons pu rencontrer ou joindre par téléphone : par souci de rester discrets, ces guérisseurs ne souhaitant pas être exposés ;  et pour des raisons de sécurité( la vérité est ailleurs, si l'on en croit Dr Emile Kroa, coordonnateur du programme national de promotion de la médecine traditionnelle). Nous avons, par ailleurs, noté que certains interlocuteurs, qui étaient au bout du fil, n'étaient que des intermédiaires ou des commerciaux, comme ils se présentent eux-mêmes. Plusieurs d'entre eux nous ont ramené vers un même cabinet, situé à Abobo, route du Zoo, au « carrefour bangui ». Au dire de ces intermédiaires, que nous avons joints par téléphone, l'auteur du remède contre le sida, dont ils vantent l'efficacité, propose pour le traitement, un remède sous-forme de solution buvable, contenue dans deux pots : l'un de 1litre et l'autre de 1,5 litre. Celui de 1 litre coûte 16 000Fcfa et celui de 1,5 litre est vendu à 30 000 Fcfa. Le patient, en fonction de sa bourse, peut choisir d'opter pour l'une ou l'autre bouteille. Le remède se prend avec un verre de thé à raison d'un verre matin et soir. A en croire nos interlocuteurs, le patient doit ajouter à ces 16 000 Fcfa ou 30 000 Fcfa, la somme de 15 000 Fcfa, représentant les frais pour le test permettant de déterminer l'état initial du malade, plus précisément, sa charge virale et partant le nombre de CD4. C'est donc 31 000 Fcfa ou 45 000 Fcfa qu'il faudra débourser pour entamer le traitement. Par charge virale, il faut entendre l'examen qui permet de mesurer la quantité de virus présents dans les liquides corporels d'une personne vivant avec le vih. Elle se mesure dans le sang dans le cadre des soins cliniques de routine ; elle est exprimée en nombre de copies de virus dans chaque millilitre de liquide. Quant au test de CD4, il permet de situer sur l'état d'affaiblissement ou de résistance du système immunitaire, vu que le virus du vih s'attaque à ces cellules protectrices de l'organisme et en réduit ainsi le nombre. Plus l'infection au vih avance, plus le nombre de CD4 diminue. Il y a donc une corrélation entre la charge virale et le taux de CD4. Plus la charge virale est basse, plus le taux de CD4 est élevé. Par ailleurs, la recherche indique qu'un traitement efficace du vih peut faire baisser la charge virale jusqu'à la rendre très faible ou indétectable dans le sang et les autres liquides corporels. D'où le test auquel est soumis le patient pour déterminer sa charge virale avant le démarrage du traitement. Selon les intermédiaires de celui à qui appartient le cabinet situé à Abobo « carrefour bangui », le test permettant de déterminer la charge virale est demandé pour fixer la durée du traitement. « Mais le patient qui n'a pas les moyens de faire le test, peut démarrer le traitement avec 16 000 Fcfa ou 30 000Fcfa en fonction de la bouteille du médicament qu'il veut et il fera le test après », a toutefois laissé entendre l'un d'entre eux.

 

Inexistence de moyens de vérification

Le traitement, a-t-il poursuivi, peut aller de 3 à 10 mois. Et de nous renvoyer à l'auteur même du remède au cas où nous souhaiterions en savoir davantage. Joint par téléphone, celui-ci nous expliquera que son médicament revient désormais à 30 000 Fcfa le mois et que la durée du traitement est fonction de la quantité de la charge virale du patient au début. Il dit avoir guéri plusieurs personnes, sans qu'il nous en apporte la preuve et sans qu'il ait été possible d'en rencontrer. A la différence des autres, il avance que le test de la charge virale ne suffit pas à dire si le malade est rétabli ou pas ; il faut d'autres tests plus poussés, qu'il dit être en train d'explorer.Nous avons ensuite mis le cap sur le Plateau où nous avons rencontré M. Bo..., qui prétend, lui aussi, soigner le sida. Bien que son numéro figure sur une affiche, il dit n'être qu'un intermédiaire. Selon lui, l'auteur du remède qu'il propose est un vieil homme, qui aurait fait parler de lui dans la presse dans les années 90, pour ses connaissances en matière de traitement du vih-sida. Mais il refuse de révéler l'identité du vieil homme tout comme il écarte toute possibilité d'entrer en contact avec lui pour en savoir davantage. Mais alors, a-t-il des preuves que le médicament guérit effectivement ? Combien de personnes ont-elles été soignées ? Est-il possible d'en rencontrer une ? Pour toute réponse, notre interlocuteur lâche : « Le vieux ne veut plus se montrer, car du temps où l'on parlait du Ghanéen Drobo II, il a échappé à une agression. S'agissant des preuves, je n'en ai pas, si vous voulez parler de documents. D'ailleurs, même si je vous en présentais, vous pourrez toujours vous demandez s'ils n'ont pas été fabriqués. Ce que je peux vous dire, c'est que le médicament est efficace ; le malade le constatera lui-même en observant des changements positifs sur son organisme ». Exige-t-il un test pour estimer la charge virale avant de débuter le traitement ? « En principe, répond-t-il. Mais vu que le biologiste que nous avons coopté pour le test est en déplacement à l'extérieur du pays, le malade peut en faire ailleurs ». La durée du traitement, souligne-t-il, dépend du nombre de virus dans le sang de la Pvvih. « Ça peut aller jusqu'à 6 mois », avance-t-il, sur notre insistance. Son remède se présente sous la forme d'une potion contenue dans une bouteille de 1litre, que le patient boit matin et soir, durant 42 jours, renouvelables aussi longtemps qu'il ne sera pas déclaré guéri. Mais comment savoir s'il est guéri ? La réponse de notre interlocuteur est plutôt évasive : « C'est à travers des tests qui permettront de voir l'écart entre le nombre de virus ». Devant le scepticisme que nous affichons quant aux limites des moyens de vérification, il nous fait savoir qu'il faut s'engager à essayer le remède en se laissant guider par la foi. Evidemment, nous sommes resté quelque peu sur notre faim. Nous voilà donc chez un autre, dont les affiches vantent l'efficacité du médicament.

 

Guérir le sida en... 7 ou 21 jours

Sur certaines affiches, ce "guérisseur" dit débarrasser le patient du mal en 7 jours. Au cas où celui-ci n'est pas satisfait, il sera remboursé. Quand nous le rencontrons à Abobo, dans les environs de la mairie, loin des regards des passants, Be... nous fait savoir que le traitement dure un mois, au lieu des 7 jours indiqués sur certaines affiches, et nécessite deux bouteilles de 1,5 litre chacun. Ce traitement, indique-t-il, coûtait 150 000Fcfa, mais il est passé à 200 000Fcfa. Pour débuter, il faut verser la moitié de cette somme, soit 100 000 Fcfa contre les deux bouteilles ; l'autre moitié étant payée après la guérison. Mais, explique le guérisseur, bien des personnes traitées n'ont pas payé la somme restante. Et de nous montrer des contrats, supposés avoir été signés par ces débiteurs. Chose curieuse, avec Be..., point besoin de faire un quelconque test avant de démarrer le traitement. Il est seulement conseillé au malade d'aller refaire son test de dépistage du Vih après avoir épuisé les deux bouteilles. S'il est déclaré négatif, alors il peut être considéré comme rétabli. Le remède se prend le matin à jeun et le soir au coucher. A la différence des précédents guérisseurs, Be… fait accompagner son traitement du respect de certains interdits pour une plus grande efficacité du médicament : le patient doit s'abstenir de tout rapport sexuel durant la durée du traitement, il ne doit pas manger de viande, ni consommer l'alcool, le tabac, le thé, le café encore moins la sauce gombo. Il doit également renouveler son éponge. Pour rassurer le patient sur sa bonne foi et l'efficacité de son remède, l'homme n'a, pour toute preuve, que les assurances verbales qu'il donne. Point de documents sur les cas de malades traités, point de témoignages, sous prétexte qu'il faut préserver l'identité du malade ; les Pvvih étant toujours victimes de stigmatisation dans la société. S'il arrive qu'à l'issue des deux bouteilles, le malade reste séropositif après son test de dépistage, deux nouveaux pots lui sont remis, au terme desquels il doit retourner faire le test de dépistage. Et ainsi de suite. En cas d'échec persistant, il est fait recours à l'intervention spirituelle d'un « vieux », de qui Be... dit tenir le remède. Nous avons quitté ce « guérisseur du sida », rempli de doute sur l'efficacité de son traitement. Puis, nous avons pris attache avec un autre, qui se fait appeler « Jo... ». Sur les affiches, dont il a inondé les rues de certaines communes d'Abidjan, il prétend guérir le sida en 21 jours. Joint par téléphone, l'homme dit résider à Yopougon Akékoi. Son traitement coûte 150 000 Fcfa. La moitié( 75 000 Fcfa) est payée au moment où le patient entre en possession d'une partie du médicament et l'autre moitié, à l'issue du traitement. Il dit ne s'occuper que des « personnes infectées mais qui ne font pas encore la maladie », car dans ce cas, « c'est plus facile d'éliminer les microbes».

 

Divers modes opératoires

Comme d'autres praticiens de la médecine moderne, interrogés avant lui, il n'exige pas forcément de test de sérologie encore moins un test pour déterminer la charge virale. « Quand vous m'appelez, c'est parce que vous connaissez déjà votre statut », (...)

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