Décès de femmes en couche, fonctionnement des centres de santé en Côte d'Ivoire : Ce qui n'a jamais été dit
Une autre femme enceinte décédée au CHU de Cocody mercredi


(Photo d'archives)
  • Source: Soir Info
  • Date: mer. 25 nov. 2015
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Le décès brutal de Yaoua Noum Nadège, le dimanche 8 novembre 2015, dit-on dans les locaux de l'Hôpital général de Marcory (Hgm) et suivi, quelques jours, plus tard, de l'arrestation des sages-femmes à Yopougon, ont jeté un coup de froid sur la fonction d'agent de santé. Qu'est-ce qui se passe dans les centres de santé, précisément dans les maternités ? Cette préoccupation majeure nous a amené à fréquenter les agents de santé, pendant quelques jours, et à les infiltrer pour tenter de comprendre ce se qui s'y passe réellement dans leur environnement.

Le jeudi 12 novembre 2015, nous voilà au Centre hospitalier universitaire (Chu) de Cocody, centre de référence censé être le dernier rempart en cas de soin d'urgence. À ce titre ce centre de santé  devrait donc bénéficier de matériel médical approprié et des sages-femmes aux aguets. Au rez-de chaussée de l'imposant immeuble, se trouve logée la maternité. Presqu'un palier. On y trouve le bloc chirurgical d'entrée et les salles d'observation et d'accouchements normaux. Il  est  risqué de pénétrer dans les vestiaires des personnels, sans être repéré. Face à cela, nous nous présentons  comme un père affolé qui ne sait pas où sa femme a été transférée. L'un des infirmiers nous éconduit poliment, et nous oriente vers les salles citées. Nous tombons sur une quinzaine de femmes en observation, après accouchement,  toutes sous perfusions. Les différentes sollicitations qui affluent, font que les personnels se détournent presque de nous. Cela nous permet, pendant plusieurs minutes, de suivre et d'écouter les conversations. Certaines femmes, étourdies par la période d'accouchement, ne se souviennent plus des heures qu'elles ont passées là. Une d'entre elles s'empresse de dire à l'un des responsables de service, qu'elle est là depuis la veille aux environs de 16H. Elle est vite recadrée par un agent soutenu par les autres femmes. « Elle a accouché ce matin. Il arrive quelquefois que les femmes n'ont plus la notion du temps, après des heures de contractions insupportables. Nous lui avons posé un ballon (perfusion), afin qu'elle reprenne des forces », explique sereinement l'infirmier. Une autre, d'une forte corpulence, attire l'attention de ce chef qui veut tout voir. « Madame, pourquoi avez-vous été gardée encore ici ? Souffrez-vous de quelque chose ? » l'interroge-t-il.  Elle n'a pas le temps de répondre que ce responsable tire le bas de ces yeux pour tenter de comprendre, réellement, sa présence prolongée. « Il faut suivre cette femme particulièrement. Elle a les yeux pâles, et rien n'exclut qu'elle ne soit pas anémiée », ordonne le chef. Cette grande salle qui fait office d'antichambre de la salle d'accouchement et d'observation, est dotée de lits très bas, dont quelques-uns munis de barre de protection, malheureusement défectueux. L'un de ces lits que nous avons secoué expressément,  remue de tout son matériel. Vite, un agent nous interpelle : « Monsieur, ces lits ne sont pas des jouets, ils sont destinés aux femmes, ok ? » Nous nous excusons et lui expliquons notre émotion, vu que nous sommes venu accompagner une parturiente. Avant qu'il ne tente de nous expulser de la salle vers une salle attenante ou dans le couloir, nous le prions discrètement de nous maintenir là. Il reçoit un coup de fil urgent qui l'éloigne des lieux.( Il explique à ses collègues qu'il va aux urgences). 

 

Pas de lits d'attente

L'accès à la grande salle d'accouchement se fait avec une très grande discrétion. Des femmes sont directement couchées sur les lits d'accouchement, certaines avec une perfusion. Dame T. S., très affaiblie, demande l'heure à laquelle elle doit passer. « Où ? », demande l'une des responsables qui vient de faire son entrée. « Au bloc opératoire », répond-elle. « Ah, vous devriez être césarisée ? Ok, madame, patientez un tout petit peu, il y a déjà une femme là-bas. Dès que les agents finissent, ils vont nettoyer proprement avant que vous ne passiez là-bas », tente-t-il de rassurer. Ce jour, ce sont deux blocs qui sont  disponibles pour les autres femmes en attente. Sur place, des femmes dont le déroulement de la grossesse n'a pas suscité de césarienne sont là, nues face à un  gynécologue qui prend toutes sortes de précautions. Ce sont des cris stridents que nous entendons. Le gynécologue qui l'accompagne lui dit de pousser. Entre-temps, il conseille à la parturiente  de tenir les deux barres du lit d'accouchement. Des minutes plus tard, c'est la délivrance. Un bébé de sexe masculin. Cette dernière étape est précédée par l'observation faite par des sages-femmes qui, à ce moment précis, suivent  en même temps trois femmes qui viennent d'arriver. Munies de gants, elles auscultent  les femmes,  jettent des coups d'œil vers le bas-ventre,  entre les jambes, avant de renseigner un cahier. Entre-temps, les femmes prises de douleurs convulsives, se lamentent sur le lit d'accouchement. L'une des sages-femmes, qui reste sur place, tente de calmer les dames. Sa présence est d'un apport appréciable, puisqu'elle évite la chute d'une  parturiente. Il n'y a pas de lits de pré attente. En effet, sur ces lits,  les parturientes sont mises en observation, une fois admises à l'hôpital. Munis de barres de protection comme des ponts sur des cours d'eau, ces lits protègent la femme enceinte, en pleine contraction et qui bouge dans tous les sens en se tordant de douleurs. «  Avec les lits de pré-attente, vous êtes sûrs d'éviter un accident. Malheureusement, il n'y en a pas ici, donc nos sages-femmes doivent veiller au moindre mouvement des femmes enceintes », se  désole  l'un des agents qui échange avec nous, après nous avoir confondu avec l'un de ses collègues, à cause de notre long tricot vert-forêt assimilable à la combinaison des urgences pédiatriques. Effectivement, aucun lit de ce type n'est exposé dans la salle. La conséquence de l'absence de ce type de lit, c'est la chute probable de femmes en pleine contraction.  

 

Incroyable mais vrai 

Le Chu de Cocody où nous passons de bonnes heures, présente l'allure d'un hôpital de haut standing, à l'image de ceux des pays occidentaux, avec l'ouverture de nouvelles urgences. Malheureusement, ces urgences qui respectent toutes les normes et standards internationaux, sont quasiment désertes. Dans la nouvelle salle d'hospitalisation, une seule femme est étendue au milieu de plusieurs lits qui attendent désespérément des malades. Dans une autre salle qui fait office de bureau, un infirmier, étendu sur un lit de repos, manipule son téléphone portable. Nous  lui expliquons notre démarche. Il accepte de nous parler, à la seule condition de ne pas dévoiler son identité. « Nous saluons l'effort des autorités ivoiriennes de nous avoir donné ces urgences ultramodernes. Malheureusement, elles ne servent presqu'à rien. Il n'y a pas assez de personnels spécialisés. Et on hésite à en former. Ceux qui sont là, ont environ cinquante ans, et ne sont pas assez disponibles. Dommage », regrette cet urgentiste. Cinq (5) jours après notre passage dans ces locaux, nous y retournons le mardi 17 novembre 2015, aux environs de 18H. Après 3 heures de temps à refaire le même circuit, nous constatons que rien n'a changé dans le désarroi des personnels, auquel il faut ajouter l'angoisse des familles. Entre le jeudi 12 et le mardi 17 novembre 2015, nous prenons soins dans la soirée, de visiter quatre (4) hôpitaux généraux à Abidjan-sud. Il s'agit des hôpitaux de Port-Bouët, Koumassi, Marcory et Treichville. Dans ces hôpitaux généraux , il n'y a pas de lits de pré-attente. Les maternités se contentent d'environ une demi-douzaine environs de lits d'accouchement. Ce qui pourrait augmenter le risque de chute des femmes qui se torturent de douleurs liées aux contractions. Chose grave également,  la permanence est inexistence.  « Les seuls personnels qui sont de permanence sont les sages-femmes et les gynécologues, qui n'ont d'ailleurs pas assez de moyens. Avec ça, on veut que nous produisions le miracle », s'emporte une sage-femme, le lundi 16 novembre 2015 aux environs de 23H, à l'hôpital général de Treichville,  situé à la descente du pont Général De Gaulle. Et pourtant, ces hôpitaux généraux sont dotés de blocs opératoires. Le plus inquiétant est l'hôpital général d'Adjamé, inauguré en grande pompe par le président de la République en 2014. Cet hôpital a une maternité qui n'a jamais fonctionné, car des dispositions n'ont pas été prévues. « Ici, la maternité ne peut fonctionner, parce que les traitements des (...)

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