Côte d'Ivoire : le long chemin de l'émergence


(Photo d'archives)
  • Source: jeuneafrique.com
  • Date: mer. 22 juil. 2015
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Électrification, alimentation en eau, hôpitaux… L'État multiplie les projets pour rattraper le retard accumulé pendant dix ans. Mais attention à ne pas laisser les entreprises locales sur le bord de la route.

Sur le boulevard qui longe la lagune de Cocody, les livreurs de Hello Food ne passent pas inaperçus. À Abidjan, ce sont presque les seuls conducteurs de deux-roues à porter un casque. L'émergence d'une classe moyenne se lit dans les détails, par exemple ces files de voitures bloquées dans d'interminables bouchons : chaque déplacement est l'occasion d'accumuler quelques preuves supplémentaires de la croissance ivoirienne, dont la moyenne depuis 2012 dépasse 7 %. Le long de la route de Grand-Bassam, les constructions d'immeubles et de lotissements se multiplient. Partout, des dizaines de chantiers ont été lancés pour refaire les routes, évacuer les eaux usées, améliorer l'éclairage public.

"Frénésie de projets"

Depuis quatre ans, de manière presque frénétique, le gouvernement multiplie les projets pour alimenter le moteur de l'économie. De larges pans du Plan national de développement présenté aux bailleurs en 2012 ont été exécutés. Quelque 5 000 km de pistes ont été remis en état, 800 localités électrifiées, 794 pompes manuelles installées pour l'approvisionnement en eau. Quatre hôpitaux et 52 dispensaires et maternités ont été construits. Entre autres… « À Korhogo [Nord], ma maison a été raccordée à l'électricité, ça change tout ! » illustre un économiste ivoirien en poste à Washington qui, comme d'autres expatriés, songe à rentrer pour participer au redécollage de son pays.

Bien sûr, beaucoup de chantiers restent en souffrance. « Le gouvernement n'a construit que 6 885 classes sur les 25 000 promises par le président, et nous attendons toujours la livraison des nouvelles universités », indique Antoine Assalé Tiemoko, fondateur du bihebdomadaire L'Éléphant déchaîné. 

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"Une économie qui frôle la surchauffe"

Mais le défi relevé par le président Ouattara depuis son accession au pouvoir en 2011 est immense. Pendant dix ans, rien ou presque n'avait pu être fait. En tentant de rattraper le temps perdu, l'économie ivoirienne frôle la surchauffe. Les facteurs qui la placent sous pression sont nombreux. Par exemple, la construction du barrage de Soubré a consommé tellement de ciment que le prix du sac a bondi de 40 % au mois de mai. Pour combattre la pénurie et limiter la hausse des prix, les autorités ont dû s'engager à importer 300 000 tonnes de ciment.

La mise à niveau des centrales thermiques de la Compagnie ivoirienne de production d'électricité (Ciprel) et d'Azito, engagée dès 2011, permet au pays d'assurer la majeure partie de son approvisionnement en électricité, mais c'est le gaz naturel qui fait défaut, obligeant les autorités à utiliser du fioul. À Abidjan, la réhabilitation de la zone industrielle de Yopougon, annoncée pour 2013, n'a démarré que depuis quelques mois, et les travaux sont loin d'être achevés. Au premier orage, les routes défoncées se transforment en bourbiers qui empêchent parfois les camions de rejoindre les usines.

Le chemin sera encore long avant que l'éléphant ivoirien n'atteigne l'émergence promise pour 2020. Pour calmer les impatients, les autorités savent qu'elles doivent multiplier les prises de parole, car les bénéfices de tous ces travaux sont loin d'être palpables pour la grande majorité des Ivoiriens. L'entrée en fonction du nouveau pont Henri-Konan-Bédié, le troisième d'Abidjan, n'a pas eu le temps de soulager les automobilistes que déjà le gouvernement a partiellement fermé le pont Charles-de-Gaulle, construit en 1967, pour une réfection qui durera plusieurs mois. Vouloir se rendre au quartier des affaires du Plateau aux heures de pointe relève du masochisme. « Abidjan devrait avoir six ou sept ouvrages permettant de franchir la lagune, comme le prévoyait d'ailleurs le schéma directeur de la ville dans les années 1970 », constate le ministre du Commerce, Jean-Louis Billon, qui attribue au gouvernement le mérite d'avoir replacé le pays sur le chemin de la croissance.

"Le pays doit avancer vite, très vite, pour que les Ivoiriens profitent eux aussi des fruits de la croissance"

Pour rebâtir le pays, Alassane Ouattara a parcouru le monde à la recherche de partenaires. Ses détracteurs l'ont même surnommé Magellan. Dans ses valises, des dizaines de projets attribués en échange de financements. China Machinery Engineering Corporation a construit l'autoroute entre Abidjan et Grand-Bassam, le tunisien Soroubat a réalisé le tronçon manquant entre la capitale économique et Yamoussoukro, tandis que l'égyptien The Arab Contractors bâtissait le pont de Jacqueville et le français Bouygues celui d'Abidjan. À ceux qui s'inquiètent de la méthode, l'entourage du président explique que les entreprises locales manquent de compétences, de capacités financières et que le pays doit avancer vite, très vite, pour que les Ivoiriens profitent eux aussi des fruits de la croissance. « Sans infrastructures, pas de développement », récitait au mois de juin, convaincu, un taxi abidjanais.

« Ce n'est pas en privilégiant les multinationales au détriment des entreprises locales que le gouvernement créera tous les emplois dont le pays a besoin », estime pour sa part un industriel ivoirien d'origine libanaise. Le chômage des jeunes (70 % de la population ont moins de 35 ans) apparaît de plus en plus comme une bombe à retardement. Face à cette préoccupation, « le gouvernement s'est engagé à réserver une part significative des travaux de sous-traitance aux sociétés ivoiriennes », précise Jean-Louis Billon.

La marge budgétaire du gouvernement mené par Daniel Kablan Duncan est étroite, compte tenu de ses engagements auprès du FMI. Après d'importantes tensions de trésorerie en 2014, la situation semble s'apaiser. La Côte d'Ivoire a mobilisé 1 638 milliards de francs CFA (2,5 milliards d'euros) au premier trimestre, soit 117 % du montant prévu, grâce notamment à l'emprunt obligataire émis en février. « La gestion des dépenses publiques semble saine, même s'il y a peut-être trop de prêts chinois. Mais l'endettement est limité [environ 43 % du PIB] et le déficit budgétaire, bien qu'en hausse à 3,7 % cette année, est à peu près contrôlé », estime un membre de la Mission économique française.

"Des avancées notables mais des progrès restent à faire"

Du côté du secteur privé, l'enthousiasme est mesuré. La dette contractée par l'État auprès de nombreuses sociétés entre 2002 et 2010 n'a pas encore été intégralement réglée. Surtout, de nombreux patrons se plaignent de la pression fiscale et mettent en cause la corruption des agents du fisc et des douanes. Cette inquiétude a même été relayée en 2014 par les chancelleries européennes lors d'une réunion à Bruxelles, reconnaît un ministre....

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