Interview / Alpha Blondy: « Après Ouattara, ce sera une bombe à retardement » - « Ouattara va remporter la prochaine présidentielle » - « C'est la France qui a encouragé à déstabiliser les pays francophones en cautionnant des coups d'Etat »


Pour Alpha Blondy, légaliser la marijuana permettrait de contrôler le produit.
  • Source: Soir Info
  • Date: mer. 10 juin 2015
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Avec son vingtième album, Positive Energy, le chanteur ivoirien propose ce qu'il fait de mieux : un reggae africain puissant et engagé. A son image.

Roots, rock, reggae ... et un soupçon de zouk pour le 20ème album de Jagger ! Avec Positive Energy, Alpha Blondy propose un opus de qualité où les cuivres puissants de son groupe, The Solar System, le disputent aux sonorités enlevées d'une musique faite de métissage et de rencontres : deux pointures jamaïcaines, Ijahman et Tarrus Miller, le boss du zouk Jacob Desvarieux, l'Ivoiro-Congolaise Pierrette Adams, le Tunisien Nawfel, le Marocain Issam, sans oublier son compatriote Ismaël Isaac ... A 62 ans, Alpha Blondy a su s'entourer pour un album intimiste composé en français, en anglais, en arabe et en dioula, et dédié à celle qui l'a élevé, sa grand-mère. Comme à son habitude, le père du reggae africain signe un album engagé aux partitions musclées (« No Brain, No Headache ») et mystiques (« Lumière »). Dans la lignée du « coup de poing » du « Brigadier Sabari », l'énergique « Maclacla Macloclo» ou l'allègre « Madida m'a dit » rappellent l'engagement politique de l'ambassadeur de l'Onu pour la paix en Côte d'Ivoire, qui n'hésite pas à vilipender les compromissions des politiciens africains, à commencer par celles de la classe politique ivoirienne. Rencontre.

 

Jeune Afrique : Depuis plus de trente ans, vous arpentez les scènes du monde entier. Vous sortez votre 20è album, Positive Energy. Quelle carrière !

Je suis chanceux! Je remercie Dieu de m'avoir inspiré et donné un public fidèle. Il y a toujours eu des personnes qui ont cru en moi quand d'autres, y compris dans ma famille, me tournaient le dos. Je ne dois pas les décevoir.

 

Positive Energy est un album à la fois engagé et intimiste, dédié à votre grand-mère, décédée il y a trente ans ...

Quand elle est décédée, à l'âge de 105 ans, c'est comme si le ciel m'était tombé sur la tête. Elle était tout pour moi : ma mère, mon père, ma grand-mère.

 

Dans « No Brain, No Headache », vous évoquez les problèmes que vous avez eus avec la drogue. Dans les ghettos d'Abidjan, la drogue circule et fait des ravages parmi les jeunes. Comment se prémunir contre ça ?

Si l'on veut que les jeunes ne prennent pas de crack, il va falloir alléger les sanctions par rapport à la consommation de la marijuana.

 

II faut légaliser la marijuana ?

Oui. Légaliser la consommation permettrait de contrôler le produit. Aujourd'hui, sous prétexte que c'est illégal, n'importe qui peut vendre n'importe quoi. La politique hollandaise sur cette question est la plus intelligente. Dès que c'est légal, ça se banalise. L'intérêt est moindre et les jeunes fument moins.

 

Certains pays d'Afrique de l'Ouest sont devenus des plaques tournantes du trafic mondial de cocaïne profitant au terrorisme islamique. La réponse des États concernés est-elle à la hauteur du problème ?

La nature n'aime pas le vide. Si vous êtes incapable de gérer des produits, d'autres, pour des besoins financiers, vont le faire. Beaucoup de pays africains sont devenus des carrefours de narcotrafiquants parce qu'ils ont de la liquidité. Mais les islamistes n'ont pas eu besoin de la cocaïne. Ils se sont nourris de la haine et du repli identitaire. Ils ont utilisé l'islam comme prétexte pour assouvir leur propre vengeance. On a accusé Saddam Hussein d'avoir des armes de destruction massive. On l'a qualifié de dictateur. Et au nom de la démocratie, on a balancé des bombes sur tout un pays, que l'on a ensuite abandonné alors qu'il était en proie à une guerre civile. Il ne faut pas s'étonner que certains aient appelé à la vengeance au nom de l'islam. Mais tout comme l'Occident sait que ce qu'il a fait n'a rien de démocratique, ceux qui égorgent savent pertinemment que ce qu'ils font n'a rien d'islamique.

 

La défense des droits de l'homme, la démocratie, c'est la nouvelle « mission civilisatrice » de l'Occident ? Un prétexte à son expansion impérialiste ?

Un peu, oui. Regardez la Libye ! On a tout brisé pour du pétrole et on dit que c'est pour la démocratie ?! II faut arrêter ça. Moi, ce que je rejette, ce n'est pas la culture occidentale mais cette impunité que l'opinion internationale encourage.

 

Dans « Maclacla Macloclo », vous critiquez l'ingérence de la communauté internationale dans la politique africaine. La France aurait-elle dû s'abstenir d'intervenir en Côte d'Ivoire en 2005 puis en 2011?

Pas du tout, surtout en 2011 ! J'ai visité le Rwanda après le génocide. J'en ai pleuré. Et j'en ai voulu à la France et à l'Onu d'être restées inactives. A mon avis, il fallait taper sur la table et dire stop. Elles ne l'ont pas fait. Pour la Côte d'Ivoire, si la France et l'Onu n'étaient pas intervenues, ce serait encore, la crise aujourd'hui. Les deux camps étaient très armés. Pour moi, c'était une ingérence positive. Mais dès lors que l'ancienne puissance coloniale doit intervenir pour éviter que vous vous massacriez, vous hypothéquez votre souveraineté. Les politiques ivoiriens sont responsables de cela. C'est une honte, non pas pour la Côte d'Ivoire, mais pour eux-mêmes, que deux des leurs soient à la Cpi aujourd'hui. La famille politique ivoirienne doit se ressaisir.

 

Ce n'est pas à la Cpi de juger Laurent Gbagbo et Blé Goudé ?

Non, c'est à la Côte d'Ivoire.

 

Comme elle l'a fait pour Simone Gbagbo ?

Oui. Que ceux qui se réclament de l'houphouétisme se demandent ce que Houphouët-Boigny aurait fait devant une telle situation, lui qui disait : « je préfère l'injustice au désordre ». Alassane Dramane Ouattara et Henri Konan Bédié ont conclu un acte de réconciliation qui était impensable. Ça devrait servir d'exemple à la famille politique ivoirienne, qui doit sortir Laurent Gbagbo et Blé Goudé des geôles de la CPI et les ramener à Abidjan. La Cpi, ce n'est pas de la prison, mais de la déportation ! Il va falloir du courage politique. C'est à cette seule condition que les morts de la crise postélectorale ne seront pas tombés au front pour rien.

 

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