Transport terrestre en Côte d'Ivoire / Les « Gnambros », les seigneurs du secteur : 30 milliards de FCfa de taxes illégales collectées par an - Le désordre et l'inorganisation plombent le milieu


(Photo d'archives)
  • Source: Soir Info
  • Date: mer. 01 oct. 2014
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Désordre et inorganisation minent le secteur du transport terrestre en Côte d'Ivoire. Ici, règne en maître absolu le plus fort. La bagarre y est récurrente avec des dégâts corporels et matériels. En jeu, l'argent ou le nerf de la guerre.

Coups de machette à l'épaule, à la tête, au bras, jets de pierre, course poursuite, chasse à l'homme, sauve-qui-peut, véhicules de transport en commun endommagés, des blessés graves, du sang dégoulinant des plaies béantes laissées par les coups de machette... C'est fou. On se croirait dans un film de science fiction. Mais détrompez-vous. Ce n'est point un film de ce genre cinématographique mis en scène par George Lucas, l'un des plus célèbres réalisateurs de films de science fiction de sa génération. C'est plutôt le bilan d'un affrontement entre des syndicats rivaux.

La bagarre rangée s'est déroulée, le mercredi 8 janvier 2014, à la gare routière du grand carrefour de Koumassi, une commune située au sud du district autonome d'Abidjan. Mais comment des syndicalistes peuvent-ils s'entre-tuer, se découper à la machette comme de la saucisse ? Nous avons essayé de comprendre ces affrontements et autres bagarres qui secouent, depuis des décennies, le secteur du transport terrestre en Côte d'Ivoire en général et à Abidjan en particulier.

D'Abobo à Adjamé, en passant par Yopougon, Treichville et Koumasi, les syndicalistes, les transporteurs et les chauffeurs interrogés, qu'ils soient membres d'un syndicat ou pas, sont unanimes pour dire que le désordre, les sommes colossales brassées par la vente de billets, de tickets, et le phénomène « Gnambro » sont les trois maux qui minent le secteur du transport terrestre en Côte d'Ivoire. Et qui favorisent également les affrontements au cours desquels la machette fait parler d'elle.

Soumahoro Abdoulaye, secrétaire général de la Coordination nationale des gares routières de Côte d'Ivoire (Cngrci) rencontré, le vendredi 22 août 2014, à son bureau situé au Black-Market d'Adjamé, est très remonté quand il aborde le sujet. La pagaille qui règne au sein du secteur du transport terrestre, est, pour ce responsable syndical, la principale cause de son inorganisation. « Aujourd'hui, on ne sait pas qui fait quoi dans le milieu. N'importe qui s'érige en syndicat ou en transporteur. Même ceux qui ne connaissent pas le prix d'un pneu se targuent d'être du milieu et parlent au nom des transporteurs. Les gares se créent à la pelle et des groupes ou individus armés, pompeusement appelés « syndicat », s'installent comme ils le veulent. Sur les trottoirs, on crée des sites de stationnement. On ne tient compte d'aucune règle. Pourvu qu'on puisse faire embarquer et débarquer deux à cinq voitures, et hop, on y installe une gare », a-t-il dénoncé .

Le bras droit du président de la Cngrci s'est également appesanti sur le fait qu'il n'existe pas une politique de gare routière en terre d'Eburnie. « Dans la majorité des pays de la sous-région dont le Sénégal, il existe une clarification des gares routières. On a les gares communales, nationales, régionales et internationales. En Côte d'Ivoire, il y a un vide juridique. Dans une même gare, on y trouve des camions, des cars, des wôrô-wôrô, des taxis compteur etc. L'organisation manque cruellement à ce niveau. Il faut avoir le courage de le dire, le secteur du transport terrestre en Côte d'Ivoire est un foutoir », a dénoncé Soumahoro Abdoulaye. Le nombre incalculable de syndicats disposant d'un agrément ou pas, et exerçant sur le territoire ivoirien, contribue fortement au désordre qui règne dans ce milieu.

Sanogo Issiaka, le président de la coordination des transporteurs Abidjan-Sud et Sud-Comoé, rencontré, le samedi 23 août 2014, à son siège à la gare de Bassam de Treichville, est convaincu que la pléthore d'organisations syndicales, est à la base de l'inorganisation qui plombe leur secteur.

 

Création illégales de gares

« En 2006, quand il s'est agi d'organiser le secteur afin de lui donner une chance de se développer et de se moderniser, nous avons comptabilisé 400 syndicats. Un chiffre que le ministre de l'Intérieur d'alors, Dja Blé Joseph, avait trouvé énorme. Nous sommes en 2014, et quand nous savons que les gares et autres lignes poussent comme des champignons, il faut peut-être parler de 450 à 500 syndicats aujourd'hui dans le milieu », a-t-il indiqué. Pour ce syndicaliste qui a, à son actif, huit (8) mini-cars assurant la liaison Abidjan Bonoua, les nombreux syndicats et la divergence de vue qui existe entre les responsables syndicaux, les transporteurs et les chauffeurs, accentuent le fatras dans le secteur du transport terrestre.

« Chaque responsable syndical est tellement obnubilé par le contrôle du plus grand nombre de sections afin de supplanter les autres, qu'il crée des lignes en désordre », a avoué Sanogo Issiaka. En réalité, la course à la création de nombreuses gares ou de lignes intercommunales, répond à un objectif : Ventiler le plus grand nombre de billets et de tickets sur les différents sites dans le seul but d'engranger le maximum d'argent.

Généralement, la vente de billets et de tickets journaliers constitue les ressources principales des transporteurs et des syndicalistes. Mais, pour amasser plus de ressources financières, il s'est développé, a confié le secrétaire général de la Cngrci, un autre type de cotisation. Celle-ci est obligatoire et doit être payée à chaque chargement. Ainsi, de nombreux chauffeurs sont obligés de payer de l'argent, à des syndicalistes ou à des groupes informels, à chaque chargement. Le prix du chargement diffère selon le trajet, le coût du transport et le type de véhicule de transport. Selon Touré Tahourou, président des chauffeurs de la ligne Adjamé-Marcory, à chaque chargement le chauffeur s'acquitte d'une cotisation fixée à 200 F Cfa. Par jour, cette ligne gère entre 70 et 100 taxis intercommunaux appelés communément Wôrô-wôrô. Quand on sait qu'un wôrô-wôrô effectue entre 10 et 15 chargements par jour, un petit calcul, et l'on est situé sur les sommes collectées quotidiennement par le président Tahourou et ses hommes.

Moumouni Junior, responsable des lignes intercommunales Adjamé-Koumassi-Port-Bouët, lui, prélève 300 F Cfa à chaque chauffeur après un chargement. Assis sous un hangar implanté pas trop loin du nouveau siège de l'Eglise Royaume Uni d'Adjamé, il veille comme du lait sur le feu, sur les 300 taxis intercommunaux qui assurent la ligne. Idem pour Sekouba Konaté qui gère les lignes Yopougon-Treichville et Yopougon-Koumassi. Il contrôle le trafic des 800 wôrô-wôrô qui chargent et débarquent des passagers, plusieurs fois par jour, sur le site baptisé « Yopougon Lavage » situé en face de l'Eglise Saint André de Yopougon.

Une étude réalisée par la Coordination nationale des gares routières de Côte d'Ivoire a permis d'établir que les prébendes collectées dans le cadre des chargements sur l'ensemble des gares routières et lignes du district autonome d'Abidjan s'élèvent à 30 milliards de F Cfa l'année. Le montant de ces taxes illégales, imposées par des groupes informels et qui échappent aux pouvoirs publics, n'est rien, au dire de Todé Bakary, secrétaire général de la fédération nationale des gares nouvelles de Côte d'Ivoire (Fenag-ci) à côté de celui amassé dans la vente des billets et des tickets journaliers.

 

300 milliards de F Cfa dans les caisses de l'Etat

A défaut d'une enquête sérieuse menée à ce niveau, le secrétaire général de la Fenag-ci a indiqué que ce sont des centaines de milliards de F Cfa que les transporteurs et les syndicalistes brassent par an. La vente de billets et de tickets sur les différentes gares du territoire ivoirien rapporte donc des sommes faramineuses aux acteurs du secteur du transport terrestre.

Coulibaly Moussa, chauffeur de gbaka assurant la ligne Abobo-Adjamé, mais également propriétaire de trois (3) mini-cars chiffre à 800 milliards de F Cfa l'argent qui échoue dans les caisses des transporteurs et des syndicalistes. Il affirme à qui veut l'entendre qu'il détient ce chiffre suite à un audit réalisé par un groupe de transporteurs très renseignés sur l (...)

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